On tremble à Fukushima

par olivier cabanel
samedi 15 décembre 2012

Alors que la bousculade s’invite dans les grandes surfaces pour acheter un hypothétique cadeau de Noël, au Japon, on vit dans l’incertitude et l’angoisse.

Tepco a décidé de passer à la vitesse supérieure, à moins que ça ne soit que de la « com », annonçant que la procédure de sortie des combustibles dans la piscine du réacteur N°4 allait s’accélérer.

L’entreprise a en effet promis qu’avant la fin de 2014 tous les assemblages contenus dans cette piscine problématique seraient mis à l’abri dans 2 réservoirs.

Rappelons qu’il y a actuellement dans cette « piscine de refroidissement » 1331 barres de combustible, dont 200 barres neuves. Certaines ont été élaborées à base de Mox, contenant donc du plutonium, ce produit radioactif dont la période ou demi-vie est de plus de 24 000 ans.

Auparavant ce retrait définitif des barres d’assemblage devait être terminé fin 2015.

Si ce calendrier est respecté, l’entreprise nucléaire devrait ensuite vider les autres piscines, lesquelles contiennent au total 1393 barres de combustible nucléaire. lien

D’ici là, il faut croiser les doigts espérant qu’un nouveau séisme ne viendra pas fragiliser encore un peu plus les bâtiments de la centrale dévastée.

L’inquiétude vient aussi du réacteur n°1 dont on constate depuis le 8 décembre 2012 une augmentation de la concentration d’hydrogène, une forte poussée ayant eu lieu le 12 décembre. lien

En même temps, une série de 16 séismes s’est produit les 7 et 8 décembre. lien

L’inquiétude ne vient pas seulement des séismes, car l’état du béton de la dalle du bâtiment n°4 n’est pas rassurant.

Peut-être sous l’effet du corium « baladeur », les fondations du bâtiment ont été fragilisées et l’idéal serait de les refaire, ce qui semble mission impossible.

En attendant, des ouvriers essayent tant bien que mal de renforcer la base de la piscine. lien

Alors qu’officiellement, le gouvernement japonais avait accepté d’ouvrir ses portes aux entreprises étrangères qui s’étaient portées candidates au démantèlement de la centrale dévastée, on s’interroge sur l’exclusion de ces entreprises décidée par que ce même gouvernement. lien

Quelles sont les raisons de ce refus ?

Y a-t-il quelques secrets à protéger ?

Grâce à la CRIIRAD nous avons appris que des centaines de milliers de japonais, vivant encore dans les territoires très contaminés, ont été durablement irradiés.

En effet les produits relâchés en grande quantité dans un large rayon autour de la centrale, dépassant largement la zone évacuée, sont du césium 134 et 137, ce dernier ayant une période, ou demi-vie de 30 ans.

La radioactivité ne sera donc diminuée par 2 qu’au bout de 30 ans.

Au-delà de la zone des 20 km, l’exposition supérieure à 20 milliSieverts/an augmentera de 20 fois le risque de cancer, alors que la CIPR (commission internationale de protection radiologique) considère comme inacceptable une dose de 1 milliSieverts/an laquelle correspond à 17 cancers pour 100 000 personnes exposées.

Or à 60 km de la centrale, la CRIIRAD a mesuré des doses de radioactivité plus de 10 fois supérieures à la « normale ».

L’association indépendante s’inquiète aussi des mesures de décontamination qui sont, d’après elle, largement insuffisantes, et en attendant, des centaines de milliers de Japonais continuent d’accumuler des doses largement supérieures à 1 mSv. lien

Un autre danger menace la population japonaise : s'il faut en croire le « Fukushima Diary », 1052 japonais sont atteints par un norovirus identique à celui qu'ont connu des habitants d'Hiroshima, après avoir consommé des repas distribués par une « boite à lunch ». Comme cette entreprise distribue près de 5000 repas par jour, on s'attend à ce que d'autres japonais soient bientôt touchés. lien
En octobre 2012 des cas identiques avaient été déclarés dans la préfecture de Niigata, ainsi qu'auparavant, à Hokkaido en janvier 2012, à Okinawa et Niigata en avril 2012. lien

Le gouvernement japonais a déclaré que la catastrophe nucléaire aurait déjà couté au moins 15 milliards de dollars, le démantèlement devant durer 30 ans, et la facture définitive devant s’allonger bien évidemment. lien

Au milieu de toutes ces mauvaises nouvelles, il y en a au moins une qui est bonne : grâce à 400 000 € de dons émanant de particuliers, un hôpital indépendant à ouvert ses portes au Japon.

Par contre, la catastrophe nucléaire ne semble pas avoir servi vraiment de leçon, puisque le gouvernement japonais a décidé de tenir une conférence ministérielle internationale, qui en se donnant comme argument « tirer des leçons du désastre du 11 mars 2011 » semble plutôt servir de caution au redémarrage d’un certain nombre de réacteurs nucléaires.

Il s’agirait donc de « renforcer la sécurité », « d’améliorer la transparence », et autres termes de langage, plutôt que de tourner définitivement le dos à l’énergie nucléaire. lien

Ce qui expliquerait la récente déclaration du président du directoire d’Areva, affirmant que le Japon aurait du mal à se passer de l’énergie nucléaire. lien

C’est l’occasion de redécouvrir la belle contribution du romancier japonais Natsuki Ikezawa, parue dans « le Monde Diplomatique » en mars 2012 : « l’effondrement de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi et les émanations de matières radioactives ont transformé pour longtemps plusieurs villes et villages en zones inhabitables, et surtout, feront vivre des gens avec la crainte d’effets nuisibles sur leur santé pendant des dizaines d’années. Ces émissions radioactives dans l’air et dans la mer sont un acte criminel à l’échelle internationale… ». lien

En France, les ouvriers de la vieille centrale de Fessenheim, dont François Hollande a annoncé la fermeture avant la fin de son mandat, ont empêché le liquidateur nommé de franchir les portes de la centrale. lien

Pourtant, il n’est pas inutile de rappeler que le 27 décembre 1999 nous sommes passés en France à 2 doigts d’une catastrophe nucléaire, lorsque la centrale du Blayais avait été mis à mal par une inondation, situation si problématique que le maire de Bordeaux, un certain Alain Juppé, avait envisagé l’évacuation de sa ville. lien

Aujourd’hui, il y a un réel changement, et les populations refusent dans leur grande majorité l’énergie nucléaire, alors même que leurs dirigeants, pourtant élus démocratiquement, continuent à la privilégier.

Comme dit mon vieil ami africain : « il vaut mieux avoir peur de l’âne au volant que des chevaux sous le capot  ».

Merci aux internautes de leur aide précieuse

Olivier Cabanel

L’image illustrant l’article provient de www.joebanana.net

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