Portrait d’un décroissant

par Eric Mainville
mardi 26 septembre 2006

La décroissance : une idée qui fait son chemin dans l’opinion. Elle consiste à consommer moins pour protéger la planète. Mais qui sont les décroissants ? Nous en avons interrogé un.

Hercule V. est dans sa salle de bain. Il passe un savon d’Alep sous l’eau pour le faire mousser. Il étale la mousse sur ses joues et se rase. Une fois rasé, il passe dans la cuisine où sa femme et ses deux enfants sont déjà installés. Il est 7 h 30. Un bol de chicorée, des tartines, et il attrape sa sacoche. Au revoir à la famille. Direction la gare. Temps clément : la journée commence bien pour ce professeur de mathématique adepte de la décroissance.

Comment reconnaître un décroissant ? A de petits détails. Remplacer la bombe de mousse à raser par du savon d’Alep, le café par de la chicorée, la voiture par le train. Autant de gestes qui ont pour but de préserver l’environnement.

Consommer moins

La décroissance, c’est aussi et avant tout consommer moins. « Nous n’utilisons la voiture qu’une fois par semaine depuis que nous vivons dans le centre ville de Bourges (Cher). Personnellement, je n’ai pas de téléphone portable. J’achète très peu de choses, à part des livres. »

Des livres traitant de décroissance, mais pas seulement. Des revues alternatives : La décroissance, CQFD, L’écologiste, Le Monde diplomatique, Silence, Sortir du nucléaire, L’âge de faire, Plan B, Offensive libertaire... Il consulte aussi des sites Internet : décroissance.org et décroissance.info.

C’est en lisant ces revues qu’il a commencé à s’intéresser au sujet, il y a trois ans. Depuis, son mode de vie a changé. « Bien sûr, on est toujours obligé de faire des compromis. On s’adapte en changeant de petites choses. »

Consommer local

S’il choisit la chicorée, c’est qu’elle est produite en France. Elle nécessite de moins longs transports que le café de Colombie ou d’Ethiopie. Pour les légumes aussi, il favorise les producteurs locaux. Moins d’énergie consommée en transport, cela réduit d’autant l’impact sur l’environnement.

D’autres achats décroissants : le savon de Marseille au lieu de gel douche. A la place de la lessive, des noix de lavage. Il avait une chaîne hifi. Tombée en panne, il l’a remplacée par un vieux poste de radio.

Rencontrer des militants

Hercule est militant. « Je suis convaincu de la nécessité de la décroissance. Si l’on continue ainsi, notamment avec l’émergence de pays comme la Chine, il n’y aura bientôt plus de ressources pour tout le monde. Je suis très inquiet pour l’avenir de mes enfants. »

Il était à Saint-Nolff (Morbihan) du 7 au 9 juillet dernier. Ces journées de réflexion ont réuni 400 personnes venues de France et de Belgique. Tous se disent « objecteurs de croissance » ou adeptes de la décroissance. « Grâce à ces rencontres, je me suis aperçu que je n’étais pas le seul à avoir ces idées. »

Hercule anime un blog depuis octobre 2005 avec des amis. Ensemble, ils s’appellent le groupe de décroisseurs berrichons. Un petit groupe, en fait, dont les membres se comptent sur les doigts d’une main. Mais un groupe actif. Ils communiquent grâce à leur blog et en participant à des manifestations.

Présidentielle 2007

Ils seront au Forum des organisations environnementales qui se déroulera à Bourges du 5 au 8 octobre. Ils tiendront un stand. Ils mettront à disposition des tracts et des affiches sur la décroissance et la déplétion (moment à partir duquel la capacité de production de pétrole maximale aura été dépassée).

En 2007, Hercule ne sait pas pour qui il votera. « Aucun candidat ne représente les idées de la décroissance. Chez les Verts, il y avait Yves Cochet. Il a été battu par Dominique Voynet. Les écologistes ont clairement opté pour le développement durable contre la décroissance. »

Décroissance / développement durable

La différence entre développement durable et décroissance ? Voici ce qu’en dit le site décroissance.info : « Ces deux notions peuvent paraître proches mais elles sont radicalement opposées... En quelques mots on peut dire que le développement durable cherche à concilier croissance économique et respect de l’environnement, alors que la décroissance considère que la croissance économique est un des principaux facteurs de la destruction de notre environnement. » (Voir le Tableau comparatif entre les deux notions)

Parler de la décroissance à ses élèves ? Hercule ne l’envisage pas pour l’instant. « En tant que prof. de math., ce n’est pas mon rôle. Organiser une animation avec un collègue de science, peut-être, à l’avenir. » Pour lui et pour sa famille, la décroissance est un engagement personnel. Une façon de préparer l’avenir.


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