Prisonnier politique Bové Joseph, levez-vous !

par Eric-nicolier
mardi 13 février 2007

Suite à l’arrêt de la Cour de cassation le 7 février dernier, Joseph Bové a déclaré qu’il serait le « premier prisonnier politique candidat à l’élection présidentielle ». En effet, la Cour de cassation, en rejetant le pourvoi qu’il avait formé, a rendu effective sa condamnation à quatre mois de prison ferme laissée en suspens. Une condamnation, rappelons-le, prononcée à la suite d’une opération de « fauchage collectif » organisée dans un champ soupçonné de contenir du maïs transgénique. Un candidat à l’élection présidentielle menant sa campagne électorale du fond de sa cellule, ce serait une première en France. Mais Joseph Bové serait-il pour autant un prisonnier politique ?

On peut penser ce que l’on veut de Joseph Bové, admirer l’homme ou le détester, adhérer ou pas à ses combats, pour autant il semble difficile d’entrer dans cette dialectique de l’emprisonnement politique pour le moins douteuse juridiquement.

Le délit d’opinion n’existe pas en France
Car sur ce point, notre droit est sans équivoque : le délit d’opinion n’existe pas en France. On ne trouvera pas non plus une seule personne dans les prisons françaises, condamnée en raison de ses idées.

Rien ne nous empêche de manifester notre soutien à la création d’un Etat indépendant corse ou basque, de penser et d’écrire que les OGM présentent un grave risque pour la santé, ou bien encore de proclamer notre amour à Joseph Staline. On ne nous emprisonnera jamais pour avoir exprimé ces idées. La raison en est simple : l’expression des idées ne constitue pas une infraction. Et notre droit français est ainsi fait que seule une infraction caractérisée, grave de surcroît, peut nous conduire en prison.

Vous aurez beau feuilleter les centaines de pages du Code pénal, vous ne verrez pas un seul commencement de ligne sur l’existence d’une infraction permettant à celui qui en serait l’auteur de se proclamer « prisonnier politique. On laissera ici de côté les infractions réprimant la haine raciale et l’apologie des crimes contre l’humanité, ou bien encore la diffamation et l’injure (définis par la loi du 29 juillet 1881).

En revanche, il en irait tout autrement si pour apporter notre soutien à la création d’un Etat basque nous perpétrions un attentat contre un bien ou une personne. Dans ce dernier cas, l’article 221-3 nous préciserait d’ailleurs que « le meurtre commis avec préméditation constitue un assassinat. Il est puni de la réclusion criminelle à perpétuité ». Nous risquerions alors une condamnation à perpétuité non à cause de nos idées, mais bien en raison du crime que nous aurions commis. Il ne serait pas différencié du crime crapuleux que nous aurions par exemple perpétré en assassinant sauvagement notre voisin ! Simple hypothèse d’école évidemment.

Nulle équivoque dans la loi française, finalement très protectrice de l’expression des idées. Les militants d’Action directe ont pu mesurer que si l’Etat ne leur a jamais reproché de défendre des idées, certes extrémistes et peu partagées par l’opinion publique, il était d’une sévérité absolue lorsqu’ils commettaient des crimes au nom de ces idées.

Revenons à Joseph Bové et intéressons-nous au texte même de l’arrêt de la Cour de cassation le concernant.

L’affaire qui a été portée devant la Cour de cassation se trouvait-elle dans le champ classique du débat d’idée ? Autrement dit, Joseph Bové a-t-il été condamné pour avoir exprimé une opinion ?

Peu importe le mobile lorsque l’infraction est caractérisée
La Cour de cassation relève que « le champ de 13 573 m², planté en maïs classique (90 %) et OGM (10 %, soit 1 444 m) a été totalement détruit ; les plantes ont été, soit cassées, soit couchées ou arrachées, certaines ayant été emportées hors du champ ».

Le Juge poursuit : « Gérard Onesta, Noël Mamère, Pierre Labeyrie, Michel Daverat, François Simon, Gilles Lemaire, Joseph Bové et Jean-Baptiste Libouban ont eu l’intention délibérée de détruire les plants de maïs au cours d’une action concertée, à visage découvert, et revendiquée par le collectif Faucheurs Volontaires ».

Et nous en arrivons au nœud du problème, remarquablement mis en évidence par le juge : « Le mobile des prévenus importe peu, quant à l’existence de l’infraction ».

En clair, la Cour de cassation rappelle, comme nous l’indiquions plus haut, qu’une prise de position politique ne peut pas venir justifier une infraction. Et d’enfoncer le clou : « En tant que citoyens d’un Etat démocratique, [les prévenus] disposaient de voies de droit, leur permettant éventuellement de discuter, devant les juridictions compétentes, de la légalité des autorisations d’essais en plein champ qu’ils considéraient comme irrégulières au regard des normes européennes ».

La Cour de Cassation rappelle ici une évidence : il existe en France un moyen tout à fait banal pour faire constater, puis éventuellement empêcher, un manquement aux lois : le tribunal. On ne saurait pas faire grief aux juges de mettre en avant ces principes fondant un état de droit.

Pour conclure, Joseph Bové n’a pas été condamné pour l’expression de ses opinions politiques - ce que personne ne lui dénie - mais bien pour avoir commis une infraction consistant à détruire le bien d’autrui. Si d’aventure le Juge d’application des peines l’envoie en prison dans les semaines à venir, il sera un prisonnier de droit commun, mais en aucun cas un prisonnier politique.

Au-delà de la mise au point juridique de cette affaire, il n’est pas interdit de penser que s’approprier le titre de « prisonnier politique » est aussi quelque peu injurieux à l’égard des vrais prisonniers politiques : ceux qui remplissement les geôles de nombreux pays du monde pour avoir seulement exprimé une opinion. Mais c’est un détail qui ne semble pas avoir affecté le condamné de droit commun Joseph Bové.


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