Réduire l’insécurité énergétique par l’innovation : l’exemple des transports
par sroyer
mardi 9 décembre 2008
La récente chute des cours du pétrole, précipitée par la crise financière et un ralentissement significatif de la demande, occulte provisoirement l’urgence énergétique à laquelle sont confrontées les économies occidentales. Nous subissons un degré de dépendance croissant vis-à-vis des pays producteurs d’énergies fossiles comme le gaz naturel, ou le pétrole. Par exemple, nos pays font face à une double compression de l’offre ayant pour effet de redresser –artificiellement ou non-, les cours du brut : l’OPEP contrôle les prix, tandis que la demande en provenance des puissances émergentes explose. Comment s’extraire alors du racket énergétique ? En accompagnant l’innovation !
L’exemple de l’approvisionnement en pétrole est probablement le plus parlant d’entre tous. Nul n’est encore besoin de souligner l’impact du commerce de brut sur les relations internationales. Le Moyen-Orient, à lui seul, concentre 30% de la production de pétrole et 60% des réserves mondiales. C’est dire le pouvoir d’influence dont dispose le cartel de l’OPEP, puisque 95% des modes de transport actuels dépendent de cette source d’énergie. Au-delà des considérations d’ordre géopolitique, le mode routier représente 81% du transport intérieur terrestre de marchandises. Par conséquent, les cours du pétrole accroissent les coûts de transport et, bien entendu, le prix des denrées alimentaires pour le consommateur final !
Certes, une pléthore de progrès techniques a été apportée à nos véhicules : meilleur aérodynamisme, réduction de la masse ou de la résistance au roulement, amélioration des systèmes d’injection… Mais toujours à partir de groupes motopropulseurs tournant au pétrole. Les biocarburants, pour leur part, permettraient d’amortir l’amenuisement des ressources pétrolières, mais provisoirement toutefois. Leur exploitation n’est pas exempte de reproches : leur production entraîne une déforestation massive, et leur combustion rejette du CO2 dans l’atmosphère au même titre que le pétrole. Par ailleurs, ils font naitre un nouveau problème : la compétition entre terres destinées à la production de denrées alimentaires et celles pour les biocarburants. Jean Ziegler, rapporteur spécial auprès de l’ONU, a affirmé que le développement de la production agricole a des fins énergétiques « était un crime contre l’humanité » qui se traduirait par des famines sans précédents.
Par conséquent, on parle de plus en plus des véhicules électriques. De nouvelles technologies voient le jour, et devraient remplacer peu à peu les batteries nickel-métal-hydrure qui équipent les modèles hybrides actuels. Plus performantes, les nouvelles batteries lithium-ion permettraient même de faire tomber les verrous technologiques qui bloquent l’adoption du tout-électrique. Les enjeux ne sont pas seulement environnementaux ou géostratégiques : un récent rapport parlementaire notifiait l’intérêt très soutenu qu’y portait la Chine, marché de plus d’un milliard d’individus ! Et pour peu qu’un réseau de distribution d’hydrogène au grand public puisse voir le jour d’ici 30 ans, nos véhicules seront emmenés par une technologie de pile à combustible, en cours de développement. La production d’hydrogène est déjà maîtrisée depuis des décennies et, accessoirement, c’est aussi l’élément le plus répandu à la surface du globe.
On pourra citer quelques entreprises pionnières, qui affichent un espoir sans précédent quant à ces technologies. PSA et Renault-Nissan envisagent par exemple de présenter leurs premiers modèles de véhicules à pile à combustible aux alentours de 2010. Le constructeur IrisBus (IVECO-FIAT) a déjà lancé trois véhicules expérimentaux dans trois grandes villes européennes, en vue de fournir une flotte de transports en commun écolo aux grands réseaux urbains. Le développement des batteries au lithium mobilise également des moyens de recherche importants dans le monde entier, ce qui témoigne de l’ampleur du marché potentiel. Ainsi, AVESTOR (Canada/Etats-Unis) s’est lancée dans l’aventure, tandis que la Chine et le Japon inaugurent de nombreux centres de recherche dédiés à cette technologie. On remarquera enfin l’existence d’une jeune entreprise française, Uniross, déjà leader européen de la pile rechargeable. L’entreprise, malgré des difficultés financières engendrées par la rupture de ses lignes de crédit (ce qui fut d’ailleurs largement relayé ces derniers jours par les médias), développe la technologie au lithium-ion en partenariat avec le CEA-Liten, fleuron national de la recherche en matière énergétique. L’entreprise, qui risque la liquidation judiciaire au seul titre de la crise financière, représente pourtant un intérêt stratégique majeur pour l’indépendance énergétique de notre pays…
Les cycles d’investissement dans l’énergie sont, il est vrai, très longs. Mais la France dispose d’une avance technologique certaine dans ce domaine, grâce à des entreprises qui ont su, plus tôt que l’Etat, anticiper la rupture énergétique qui nous guette. Favorisons donc la rupture technologique ! L’avenir n’est plus dans la consommation d’énergie, mais bel et bien dans les énergies positives et les capacités de stockage afférentes. A quand la pile à énergie positive ?