Réserve naturelle

par C’est Nabum
jeudi 6 juin 2019

Une logique de préservation qui m’échappe

Il m’a été donné l’occasion de découvrir le fonctionnement d’un fort bel endroit qui a pour objectif premier de transmettre un message de préservation de l'environnement naturel. Placé au cœur d’une région giboyeuse et couverte d’étangs, une fort belle structure d'accueil reçoit classes et groupes, familles et particuliers pour une initiation à tout ce qui a trait à l’écologie.

C’est à une Fondation privée que l’on doit la gestion de cette formidable réalisation qui non seulement compose un espace préservé mais dispose d’un cadre enchanteur propre à la contemplation, la rêverie et la découverte. Je pourrais à l’infini vanter le charme de l’endroit, le plaisir à s’y promener, la diversité de la faune et de la flore et bien d’autres choses encore…

Pourtant, madame la marquise, il faut que je vous dise, qu’on déplore un tout petit rien, une anicroche, une bêtise, une malheureuse entorse aux valeurs défendues sur place. Chaque matin, ma bonne amie, un camion frigorifique traverse le département du Nord au Sud afin de livrer les repas si un groupe en a fait la demande. Le véhicule, il faut le déplorer, roule encore au gaz-oil, ce n’est hélas pas le seul problème.

Quand ses portes s’ouvrent, un empilage de caisses plastiques contient les plats qui seront mangés dans la journée. Fort heureusement, ces grands récipients sont soigneusement rangés afin d’être réutilisés par celui qui se charge de remplir les réfrigérateurs de l’endroit. Ceux-ci d’ailleurs sont rapidement saturés car ce sont des portions pour six personnes qui sont ainsi livrées, toutes, oh que c’est dur à avaler, conditionnées en boîtes et films plastiques. Cette fois, tout cela sera consciencieusement jeté après ouverture.

Ma pauvre Marquise, que vous dire encore pour vous navrer davantage ? Nous éviterons d’évoquer les produits proposés à la gourmandise des convives. Ils ne sont sans doute pas issus de ce qui se fait de mieux dans le monde agricole si l’on en croit les quantités faramineuses qui sont jetées chaque jour pour le plus grand bonheur des sangliers du domaine. À chaque chose, malheur est bon puisque l’habitude y a été prise de conserver les reliefs alimentaires pour les gorets locaux.

Le sommet de la célébration du dieu plastique au royaume de l’emballage réside sans nul doute dans le pique-nique. Celui-ci ne se conçoit qu’à l’unité car nous vivons dans l’ère de l’égoïsme triomphant. Les parts sont nécessairement individuelles, filmées jusqu’à la caricature puisque la part de camembert elle-même a le droit à son petit récipient et sa protection en cellulose.

Pour ne léser personne, il convient dans un monde libéral, de proposer un petit paquet de chips par personne, une bouteille d’eau plastique de 50 centilitres qui achèvera son parcours dans une poubelle quelconque. Le sandwich, par mesure d’hygiène est couvert et pour bien montrer que c’est le règne de la mal-bouffe, la mayonnaise y trône en majesté. Sa taille, conséquente facilitant le gaspillage, règle d’or de ce système absurde.

Tout ceci se déroule sans véritablement l’assentiment d’un responsable du site qui, contraint par la législation, les normes draconiennes pour le jeune public, les contraintes économiques et l’impossibilité de tenir à l’année un emploi de chef cuistot, n’a d’autres recours que de sombrer dans un système en totale contradiction avec ses valeurs et celles défendues magistralement par ailleurs dans son domaine.

Alors, que faire madame la Marquise ? Accepter l’inéluctable, sacrifier la planète pour que perdure ce système délirant ? Se plier sans protester au dictat de l’industrie agroalimentaire tout en laissant agir sans protester leurs serviles relais que sont nos chers législateurs ? Un autre monde est possible, ce merveilleux domaine en est la preuve, il faudrait simplement se libérer de ce carcan conçu pour nous aliéner.

Naturellement vôtre.


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