Roanne ? Suivez le guide
par C’est Nabum
samedi 7 octobre 2017
Les gorges leur restent en travers
La seconde journée de notre visite de la Région de Roanne débute pour moi par un message du président du Liger Club : « Nous fêtons ce soir les dix années d’existence de notre association ! » Je suis saisi par la nécessité d’offrir aux quelques membres qui se décarcassent pour faire de notre séjour une totale réussite un conte que je leur livrerai ce soir.
C’est sans doute prétention immense de ma part de penser pouvoir saisir en une journée à peine l’âme de ce pays pour la glisser dans un récit. J’avoue que ma journée sera toute entière tendue vers cet objectif ; tout ce qui sera dit par nos guides devant devenir matière à fiction. Je suis dans ma bulle, l’ordinateur sur les genoux lors de tous nos transferts pour être prêt à relever le gant.
La pluie est au rendez-vous de la visite du charmant village de caractère de Saint Maurice. Donjon, vieilles rues étroites, maisons basses aux murs épais sont restés les témoins d’un passé belliqueux en surplombant la Loire. Celle-ci coule plus bas, emprisonnée par le barrage, elle parait bien misérable avec une cote désespérément basse, un paysage lunaire qui la dénature totalement.
La visite de l’église romane me donnera matière à légende pour mon conte. Tandis que la guide décrit avec ferveur les incroyables dessins laissés là par des moines du moyen-âge, je suis dans mes pensées pour trouver le fil conducteur de mon récit. Me voilà bien mauvais élève, j’espère qu’elle me pardonnera.
La Capitainerie nous attend pour une collation, un repas frugal qui nous fera le plus grand bien après les abus de la veille. Nous n’en avons pas terminé pourtant avec la gastronomie puisque la Chocolaterie Pralus nous attend. La petite exploitation familiale ne cesse de se développer tout en désirant créer un contexte agréable pour son personnel. Nous sommes sous le charme du jardin collectif qui permet à tous de repartir du boulot avec fruits et légumes tout en mangeant une fois par semaine tous ensemble sur leur temps de travail. Un bel exemple.
Nous n’avons pas trop le temps de goûter à tous les chocolats venus du monde entier. Le barrage nous attend. Il s’impose à nous par sa masse et cette terrible menace qu’il fait peser sur la vallée. Nous en avons découvert le revers avec une Loire transformée en triste serpent dépouillé, nous allons entendre le discours officiel, justifiant son existence. Notre guide s’y emploiera de son mieux, les ligériens ont bien du mal à voir emprisonnée ainsi leur fille sauvage !
Puis c’est le retour à la Capitainerie pour la conférence de notre ami Lavigne sur la folle aventure des sapines de Saint Rambert. L’homme connaît son sujet, cinq années durant il a écumé les archives pour trouver des documents précis, indiscutables, recoupés afin d’évoquer la vie de ces hommes qui ont transporté des milliers de tonnes de charbon sur la Loire. Tout y est pour faire de cette aventure un sujet croustillant et passionnant ou magouilles, combines politiques, épopées humaines, drames et souffrances sont au programme. J’ai là le cœur de mon sujet de conte !
Il est venu le temps des discours des remerciements, des verres de l’amitié et des petits fours. Je suis dans ma bulle et je révise ce conte qui a vu le jour dans la journée et que je vais livrer là, sans même avoir pris la peine de le répéter une fois. Je cherche le ton qui lui conviendra, je corrige une ou deux erreurs découvertes durant l’exposé du spécialiste. C’est à mon tour, je dois me lancer dans cette folie.
Ils ont écouté, ils ont été émus, le pari est gagné. Je peux passer à mon tour au buffet, ma mission accomplie. Il n’y a plus rien, je resterai ainsi sur ma faim. La vente des huit romans que j’avais pris la peine de porter pour ce périple me fait largement oublier ma frustration gourmande. On me réclame à nouveau pour un conte.
Finalement durant cette soirée, je ne vais cesser de raconter. Ici puis à notre Ferme aux biches. J’aime tellement ça. Aujourd’hui, je me glisserai à nouveau dans le costume du voyageur sage. Je vais écouter pour compléter ce tableau de bord et cesser de tirer la couverture à moi. Vous attendrez bien quelques jours pour découvrir ce conte dont je vous ai parlé. La patience est une vertu qu’il convient d’entretenir.
Barragistement vôtre.