Tchernobyl sur Seine

par olivier cabanel
lundi 20 septembre 2010

A la lumière d’un documentaire de 90 minutes, qui sera diffusé le 26 septembre, il est peut-être temps de faire le point sur cette énergie dangereuse, et non irremplaçable qu’est le nucléaire

Thomas Johnson a réalisé en 2006 ce documentaire très précis (la Bataille de Tchernobyl) sur ce qui s’est passé le 26 avril 1986 dans la centrale nucléaire Vladimirevitch Lénine à Tchernobyl.

Le réalisateur a survolé la centrale quelques secondes après la catastrophe et relate minute après minute ce qui s’est passé.

Pour une des rares fois, on peut voir la première explosion à 1 heure et 23 minutes.

Impressionnant.

Cette catastrophe, dont nous n’avons pas encore pris la réelle mesure, à dégagé 100 fois plus de radioactivité que la bombe d’Hiroshima.

Cette évidence est prouvée aujourd’hui par la prolifération de sangliers radioactifs dans toute l’Europe.

On sait qu’ils peuvent parcourir 15 km par jour et qu’ils se nourrissent de baies sauvages, de truffes et autres champignons, souvent contaminés à la suite des retombées de Tchernobyl. lien

Non seulement ils menacent l’équilibre des écosystèmes, mais ils sont impropres à la consommation du fait de leur contamination.

Mais revenons au film.

Le président Gorbatchev, que l’on voit témoigner dans ce documentaire, explique avoir été vaguement prévenu qu’un accident, un incendie avait eu lieu, et s’étonne qu’on ne lui ait pas dit qu’il y avait eu une explosion.

Huit heures après l’explosion il n’est que partiellement informé de ce qui s’est passé.

Pire, quelques heures après l’accident, les 45 000 habitants de la ville de Pripiat, vaquent tranquillement au soleil de leur ville, ignorant qu’ils sont en train d’être bombardés par les particules radioactives.

Des rumeurs font seulement mention d’un incendie, et que deux morts seraient à déplorer.

Des militaires sont plus ou moins discrètement envoyés sur place pour faire des mesures de la radioactivité contenue dans l’air.

Ils découvrent qu’il y a dans l’air 15 000 fois la norme acceptée, et pendant ce temps, les enfants jouent dans les squares.

Dans la soirée, la radioactivité est de 600 000 fois la norme.

Au cours de cette première journée, les habitants de Pripiat absorbent donc 50 fois la quantité de radioactivité considérée comme radioactive.

A ce rythme la dose mortelle sera atteinte en 4 jours.

Le colonel Vladimir Grebeniouk envoie des hommes aux pieds de la centrale, et découvrira plus tard qu’il les a envoyé à une mort certaine, car avec les mesures qu’ils ont effectuées, ils reçoivent en un quart d’heure la dose mortelle.

Gorbatchev envoie donc de toute urgence une équipe de scientifiques composées des meilleurs spécialistes dans le domaine nucléaire.

Il espérait qu’ils pourraient rapidement évaluer la situation, mais pendant les deux premiers jours, aucune information n’a été transmise.

20 heures après l’explosion, aucun habitant de Pripiat n’a été prévenu, et le taux de radioactivité ne cesse d’augmenter.

Aucune consigne n’a été donnée : même pas celle de fermer les fenêtres, ou d’absorber des pastilles d’iode qui auraient pu limiter les effets de la radioactivité.

On va finir par avertir les habitants, en leur donnant deux heures pour rassembler toutes leurs affaires.

Les habitants de Pripiat laissent derrière eux tout ce qu’ils possèdent, le fruit d’une vie entière, perdue à jamais.

Pendant les 7 mois qui vont suivre l’accident, le sacrifice des 500 000 liquidateurs aura empêché qu’une seconde explosion ait lieu, explosion qui aurait anéantie la moitié de l’Europe.

La suite est à découvrir dans les 6 parties de ce film, et sur ces liens : (1) (2) (3) (4) (5) (6)

Il sera diffusé le dimanche 26 septembre à 14h30 sur la Chaine Parlementaire.

A la lumière de ce film, on s’interroge aujourd’hui sur la capacité de nos dirigeants à faire face à une pareille situation.

Rappelons une fois pour toute que la technologie utilisée en URSS à l’époque n’a rien à voir avec l’accident, lequel est du seulement à une erreur humaine.

Il faut lire avec intérêt les documents en rapport avec Tchernobyl qu’a publiés le physicien J.P. Petit sur son site. lien.

Il publie la lettre du professeur Nesterenko, écrite en janvier 2005, et qui donne des détails terribles sur l’accident encore plus grand auquel nous avons échappé.

Il a aussi mis en ligne l’interview d’un ingénieur qui raconte exactement ce qui s’est passé après l’explosion.

Celui-ci donne des informations inédites, comme l’envoi de 1800 mineurs qui ont creusé une galerie sous le réacteur, pour y couler une énorme quantité de béton, et empêcher ainsi le réacteur de continuer à s’enfoncer dans le sol.

On n’a plus jamais entendu parler de ces mineurs.

Il raconte aussi que les Russes avaient envisagé de lâcher une bombe atomique sur le réacteur.

On en imagine les conséquences pour l’Europe.

En France, un accident est-il possible ? Et quelle serait la réactivité des services de sécurité ?

Un réacteur EPR est en construction à Flamanville, et des militants hostiles au nucléaire, membre de trois associations (réseau sortir du nucléaire, l’observatoire du nucléaire, et le CRILAN) ont affirmé le 8 mars 2010, sur la base de documents internes au groupe EDF, que certains modes de pilotage de ce réacteur peuvent en provoquer l’explosion.

Sur ce lien on peut découvrir les documents en question.

Naturellement, EDF se veut rassurant, affirmant que « ces documents font partie d’un processus normal d’analyse des risques, et qu’aucune conclusion ne peut être tirée pour le moment  ».

Fin 2010, un dossier sera adressé à l’autorité de sureté nucléaire, et elle seule décidera de la mise en service, ou non, du site. lien

On sait que des exercices d’alerte sont régulièrement organisés, et ils ne sont pas rassurants.

Le temps d’intervention idéal ne doit pas dépasser le quart d’heure, et régulièrement il frôle l’heure à l’exemple de l’exercice réalisé à la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine, aux portes de Paris, où il a fallu pas moins de 50 minutes aux services de sécurité pour intervenir. lien

Quatre mois après, le même exercice s’est déroulé dans le même lieu, et il a fallu 45 longues minutes pour intervenir.

Une question se pose : combien d’exercices d’alerte faudra-t-il pour atteindre enfin le ¼ d’heure exigé pour rendre une intervention efficace ?

A la lumière de l’accident qui s’est passé au Tricastin, le 8 juillet 2008, on constate aussi les lenteurs administratives lorsqu’il s’agit de prévenir les populations.

Un exercice d’alerte testé en novembre 2009 destiné manifestement à rassurer les populations, ne les a manifestement pas convaincues. lien

Plus récemment, un exercice « Airnuc » a été testé dans le Sud-ouest.

Il s’agissait de simuler un accident entre un avion transportant un missile nucléaire et un camion de pompiers, provoquant un dégagement de radioactivité.

30 000 personnes étaient concernées, et à la lecture du compte rendu de l’opération, on est en droit d’être inquiets.

Les trois coups de sirène n’ont pratiquement pas été entendus par les habitants concernés.

Comme le dit l’un des porte-parole du réseau « sortir du nucléaire », de nombreuses questions sont restées sans réponse  : comment évacuer ? Pour combien de temps ? Combien de personnes ? Et qui serait « sacrifié » pour enrayer la catastrophe  ? lien

Le 29 janvier 2009, l’ASN (autorité de sureté nucléaire) à organisé un exercice à Belleville (Cher) pour vérifier l’état de préparation des services de l’état en cas d’accident majeur.

L’exercice a tourné à la pantalonnade, comme l’explique Claude-Marie Vadrot de « Médiapart  », dans un article paru le 7 février 2009.

Les élus et habitants de la région ont constaté une incroyable pagaille.

Sur les 16 « cobayes » impliqués dans la simulation, la plupart n’ont pas entendu la sirène annonçant le début de l’alerte,

Bilan de cette opération : des centaines de victimes théoriquement irradiées.

Pas étonnant aujourd’hui que les écologistes aient de plus en plus le « vent en poupe », comme en Allemagne ou un sondage récent les gratifient de 22% d’intention de vote pour les élections régionales prévues en 2011. lien

Pas étonnant non plus que la France se trouve confrontée à l’enlèvement de 7 techniciens nucléaires d’AREVA, dont 5 français. lien

La rébellion Touareg, dépossédée de son territoire par AREVA qui exploite là-bas l’uranium indispensable aux centrales nucléaires françaises et qui pollue durablement les nappes phréatiques, sans en dédommager les habitants locaux, a donc décidé de ne pas se laisser faire sans réagir. lien

Pourquoi donc s’entêter à garder cette énergie dangereuse, polluante, sans solutions pour les déchets, et qui ne nous garanti pas l’indépendance énergétique ?

Il est pourtant prouvé que nous pourrions dès maintenant nous passer du pétrole comme on peut le découvrir dans cet article récent,

Alors, comme disait mon vieil ami africain :

« La persévérance est un talisman pour la vie ».

L’image illustrant l’article provient du site jjp-petit.org


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