Une éducation mondiale à l’environnement en construction
par Roland Gérard
mardi 31 juillet 2007
Dans les régions, dans les pays, au niveau international, des acteurs s’impliquent dans le développement de l’éducation à l’environnement. La volonté d’agir ensemble est très forte et commence à donner des résultats. Ce mois de juillet a été marqué par deux temps forts en Afrique du Sud et au Maroc.
Depuis plusieurs années, partout dans le monde les différents pays
mettent en place des processus afin que la fonction éducative vienne
apporter sa pierre à la résolution des problèmes écologiques. Les
systèmes éducatifs semblent tous plus inertes les uns que les autres et
il y a partout un
énorme retard dans ce domaine, certains territoires sont très en avance
sur d’autres et de très fortes résistances existent. Ces processus ont
en général en commun d’impliquer un grand nombre d’acteurs (autorités
publiques centrales, autorités publiques locales, société civile,
entreprises). Nous
pouvons affirmer que les véritables moteurs de ces dynamiques sont les
militants des associations d’environnement ; ils sensibilisent, ils
aident les enseignants à sortir de l’école, ils créent des outils
pédagogiques, ils éduquent et savent en général faire la différence
entre répandre de l’opinion et ouvrir l’esprit pour rendre libre, seul
but
possible de l’éducation.
Au début du mois de juillet s’est tenu à Durban le 4e Congrès mondial de l’éducation à
l’environnement. Il n’y avait qu’une toute petite délégation française de sept personnes, parmi
un petit millier de participants venant d’une centaine de pays.
Nous avions le plus souvent une tribune particulièrement féminine et colorée (contrairement au masculin et blanc habituel). Le besoin de travailler en commun entre chercheurs et praticiens s’est à nouveau exprimé, les expériences concrètes impliquant des collectivités locales se multiplient, l’enseignement fondé sur l’action est réellement à la mode, ce sont des signes encourageants.
Mario Salomone, organisateur du congrès de Turin de 2005, a fait la seule présentation en plénière dans une autre langue que l’anglais et c’était en français. Il invite à la création d’un réseau mondial permettant des échanges et fonctionnant en plusieurs langues. Les acteurs des réseaux français se sont sentis proches de la conception qu’il a présenté.
Nous sommes tristement obligés de dire qu’il y avait un sérieux décalage entre ce colloque un peu "classique" (séances plénières durant des journées entières, pas de participation de la salle, pas de cohérence sur la nourriture, manque de diversité...) et la réalité du monde de l’ÉE (éducation à l’environnement). La prochaine édition aura lieu du 10 au 14 mai 2009 à Montréal, au Canada ; à nous d’ici là de donner vie à ce réseau mondial qu’il est nécessaire de construire.
Au Maroc, en revanche, les choses avancent peut-être un peu mieux que dans bien des endroits, les acteurs travaillent à une « stratégie nationale d’éducation et de sensibilisation à l’environnement ». Ministères, associations, parcs nationaux, Union européenne, entreprises (présence de Veolia)..., la diversité des engagés est au rendez-vous. Les collectivités territoriales ne sauraient tarder à apparaître dans le paysage.
Un processus impliquant tous les acteurs
marocains de l’éducation à l’environnement est en route depuis
plusieurs mois. Après le choix
d’un consultant compétent et la réalisation d’un diagnostic sur tout le
pays
ont suivi les réunions
régulières d’un groupe technique,
un voyage
d’observation en Tunisie, puis le forum national de validation de la
stratégie des 17 et 18 juillet
2007 avec 80
participants environ. Il y avait dans les rangs des acteurs qui ont de
l’expérience et qui "en
veulent". Le tableau général est très bon quand à l’avenir de l’ÉE dans
ce pays. Nous nous en allons au Maroc
sur le chemin de la
création
d’un collectif national regroupant État, associations (ONG),
collectivités
locales,
entreprises auxquels devraient être associés les organismes
institutionnels internationaux et les
médias (peut-être un jour aussi ce qui semble nécessaire, des représentant des acteurs régionaux).
C’est une sorte de grand conseil national de l’EE qui aura pour but de construire
et
faire vivre la stratégie nationale. L’importance de la diversité des
acteurs, de
l’horizontalité, de l’information de tous, de l’échange, du débat et de
la
recherche de consensus... tout cela est présent et porte déjà ses fruits.
Nous sommes bien là dans une organisation générale
des acteurs qui doit nourrir les stratégies des autres pays et la stratégie internationale. Il y a bien une
culture
de l’ÉE
mondiale qui avance et émerge ici et là. Autre signe de similitude et
pas des
moindres entre les dynamiques de nos deux pays,
la prochaine étape consiste pour les promoteurs de la stratégie
marocaine, à
impulser
l’émergence de « plans d’action régionaux ». Ainsi, la balle va
arriver maintenant dans les mains des acteurs territoriaux, tous ont
bien à
l’esprit que l’efficacité exige maintenant qu’on se donne des
calendriers
et des
budgets. Parce que la stratégie est seulement utile s’il en découle un
plan
d’action, qui
lui-même est utile s’il en découle des actions voulues par des acteurs
de
terrain qui s’y reconnaissent. Ces actions étant fixées dans le temps
et financées.
Attention tout n’est pas
rose, on trouve sans les chercher des caisses de tortues
vivantes à
vendre au souk, des caméléons vivants dans des boîte de carton venant d’une arrière-boutique et proposé pour six euros pièce, alors que juste au-dessus de notre tête un aigle royal empaillé est aussi
en vente. Mauvais point pour
l’environnement plus facile à voir chez nous que les nitrates et les pesticides
dans les nappes phréatiques (une chance que l’Europe est là pour le
dire aux Français). À chaque pays ses problèmes.
À signaler aussi un projet de route côtière qui va détruire une grotte à phoques moines et menacer le site de nidification d’un balbuzard ; des milliers de dauphins pris dans les filets dérivants ; et aussi l’évocation par une participante d’une société qui, dans sa globalité, par la pub et pratiquement tous ses messages de la sphère médiatique, invite la population à suivre tête baissée le modèle occidental de consommation à outrance, alors qu’il serait davantage l’heure de repenser en profondeur un nouveau développement, un faire autrement... et pour ça, justement, c’est bien relever la tête qu’il faut... et réfléchir ensemble ; l’ÉE nous y aide, nous en prenons le chemin.