Une étude scientifique américaine dénonce le recours à l’énergie nucléaire en France

par Henry Moreigne
lundi 15 mai 2006

A l’occasion d’une étude sur les gaz à effet de serre, l’institut de recherche américain Institute for Energy and Environmental Resarch (IEER) balaie les discours dominants en affirmant que le recours à l’énergie nucléaire n’est pas un compromis souhaitable, et que la France peut en sortir graduellement.

C’est ce qu’on appelle un pavé dans la mare. Une mauvaise nouvelle pour le petit monde électronucléaire français qui fera tout pour la minimiser, la marginaliser.

On pouvait déjà s’interroger sur l’opportunité du recours à l’énergie nucléaire. La démonstration de sa rentabilité économique n’a jamais été apportée. Comment, en effet, parler d’un prix au kilowatt avantageux, quand celui-ci n’intègre pas les coûts faramineux liés à la sécurisation, à la réalisation et désormais au démantèlement des centrales obsolètes ?

Ce tour de passe-passe économique n’aurait jamais pu être possible dans un Etat autre que la France. L’omniprésence du lobby nucléaire et la situation juridique exceptionnelle d’EDF, entreprise publique en situation de monopole dans un marché captif, y auront été pour beaucoup.

A défaut d’être idyllique, le tableau pour EDF semblait ces derniers jours prendre de meilleures couleurs. L’envolée du coût des hydrocarbures devait garantir un retour en grâce de l’énergie nucléaire qui permet de produire de 70 à 80 % de l’électricité en France. Passé le seuil du baril à 30 $ le nucléaire concurrence efficacement le pétrole, déclarait dernièrement le PDG d’EDF. Cette rentabilité assurée devait permettre de faire face au renouvellement du parc de production et de faire d’EDF une entreprise attractive pour les capitaux privés. Cette particularité électrique permettait en outre à la France de mettre en avant la faiblesse de ses émissions de gaz à effet de serre.

Un discours bien rôdé, jusqu’à ce que surgisse l’étude de l’IEER. Une étude qui dérange. On ne manquera pas d’avancer de fortes suspicions sur l’indépendance de cette dernière, dont les conclusions collent aux intérêts américains. Il est évident que les USA ne seraient pas mécontents d’affaiblir leur principal concurrent en matière d’industrie nucléaire, tout en cherchant à s’affranchir de règles trop strictes sur les émissions de gaz à effet de serre. Pour autant, l’étude de l’IEER qui demeure scientifique resitue le débat : " L’énergie nucléaire est, à long terme, à l’origine de graves problèmes, en raison des risques liés à la prolifération, des accidents nucléaires graves et de la vulnérabilité vis-à-vis du terrorisme. C’est un compromis qui n’est pas souhaitable."

L’étude note également que les ressources sont affectées, d’une façon disproportionnée, à l’énergie nucléaire, au détriment des autres énergies. Face à la question insoluble de la gestion des déchets nucléaires, le rapport émet de nombreuses propositions pour remplacer en 30 ou 40 ans le nucléaire par des énergies renouvelables, et pour progresser dans l’efficacité énergétique.

http://www.ieer.org/reports/energy/france/lowcarbonreport.pdf


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