Ville de Paris : les ratés du tri sélectif
par Fergus
jeudi 30 décembre 2010
Chaque jour, 3000 tonnes de déchets (1,4 kg par habitant) sont collectées par 435 bennes à ordures sur la voirie parisienne et acheminées vers des centres de traitement. Mis en place par la Mairie de Paris dans un souci de respect de l’environnement, ce tri bénéficie depuis des années d’une adhésion croissante des Parisiens, et notamment de ces bobos des quartiers centraux de la capitale si souvent moqués. Une démarche citoyenne qui serait bafouée dans les faits par certains des prestataires qui assurent la collecte...
Tout le monde ou presque est désormais familiarisé dans notre pays avec le « tri sélectif », une appellation en forme de pléonasme qui désigne la collecte des déchets ménagers dans des bacs identifiés par une couleur : verte pour les conteneurs de déchets non recyclables, jaune pour les conteneurs de déchets recyclables et blanche pour les conteneurs de verre. Un tri qui, pour être efficace, suppose une grande discipline de la part des Parisiens, qu’ils s’agisse des habitants eux-mêmes dans les petites résidences ou de salariés affectés à la gestion des ordures ménagères dans les immeubles de plus grande taille.
Et c’est là que le bât blesse car il arrive fréquemment que les « ripeurs* » affectés aux tournées de collecte des déchets recyclables découvrent dans les conteneurs jaunes des déchets non recyclables impropres à leur traitement particulier. Des déchets ayant été sciemment déposés dans le mauvais conteneur par les habitants ou, une fois le conteneur sur le trottoir dans l’attente de la collecte, par des passants peu scrupuleux.
Dès lors les ripeurs affectés à une tournée de collecte des déchets recyclables neutralisent les bacs « pollués » par un ruban adhésif et les abandonnent sur le trottoir à leurs collègues affectés à une prochaine tournée de collecte des déchets non recyclables, et par conséquent destinés à l’incinération. Résultat : pour un simple sac en plastique ou un emballage alimentaire, c’est la totalité du contenu d’un bac de déchets recyclables qui va partir vers l’incinération. Mais comment procéder autrement, si ce n’est en améliorant encore l’information afin d’optimiser la collecte sélective ? La Mairie de Paris, les mairies d’arrondissement et le Syctom (Syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères de l’agglomération parisienne) s’y emploient, mais il reste encore de gros progrès à réaliser.
Des progrès qui peuvent être remis en cause par quelques comportements aberrants. Quoi de plus agaçant, lorsque vous triez consciencieusement vos déchets ménagers de voir le contenu des bacs jaunes de votre immeuble être mêlé aux ordures des bacs verts dans une benne de déchets non recyclables ? Cette scène, je l’ai constatée personnellement à plusieurs reprises lors de séjours à Paris, et cela m’a été confirmé par des Parisiens pas vraiment convaincus par les explications officielles sur la mise à l’écart de conteneurs jaunes non conformes. La photo qui illustre cet article a été prise le dimanche 19 décembre dans une rue du 11e arrondissement. On y voit clairement des conteneurs jaunes non munis d’un adhésif significatif d’une mise à l’écart préalable. Des conteneurs jaunes qui, dans cette rue comme dans la rue voisine, vont tous être versés dans la benne de déchets non recyclables et dont le contenu va en conséquence partir vers des usines d’incinération ou, dans un avenir proche, vers des centres de méthanisation actuellement en construction.
Peut-être y a-t-il eu ce jour là une explication locale particulière à ce qui s’apparente à une entorse aux règles de la collecte ? Peut-être était-ce lié au fait que nous étions un dimanche, jour où les procédures peuvent être assouplies ? Peut-être était-ce lié au fait que les conditions météorologiques pour le moins médiocres avaient entravé le service et obligé la hiérarchie à modifier exceptionnellement la commande de service des ripeurs ? Personnellement je suis tout disposé à accepter une explication de ce type tant elle me semble probable. Mais tout le monde ne semble pas de cet avis et des riverains, de bonne ou de mauvaise foi, mettent ici et là en cause une mauvaise gestion des déchets par les entreprises prestataires. Á cet égard, il faut savoir que sur les 435 bennes affectées à la collecte des déchets, seules 242 sont toujours gérées par des équipes municipales, le reste du parc étant, dans 10 des 20 arrondissements, désormais placé, dans le cadre de marchés publics, sous la responsabilité de prestataires privés : Sita-Suez, Onyx-Véolia, Nicollin ou Derichebourg. Qui a raison et qui a tort sur cette question ? Aux lecteurs parisiens d’AgoraVox de se prononcer en se référant à leurs propres constats.
Pour mémoire, rappelons que l’usage des « poubelles » a été imposé par un arrêté du préfet de la Seine... Eugène-René Poubelle en date du 7 mars 1884. Le préfet avait même, dès cette époque, envisagé le tri sélectif. Un objectif manifestement trop ambitieux puisqu’il faudra attendre plus d’un siècle pour que les premières initiatives en ce sens voient le jour dans les grandes villes françaises. Paris est d’ailleurs plutôt bon élève en matière de collecte des déchets avec 7 jours de collecte sur 7. De quoi faire rêver les Londoniens qui doivent se contenter de 2 ou 3 collectes par semaine. Au point qu’il n’est rare de se faufiler en été, jusque dans les quartiers chics de Chelsea ou Kensington, entre des amas de poubelles puantes et des voitures de luxe ! Un tableau surréaliste inconnu des Parisiens.
* Les ripeurs sont aux éboueurs ce que sont les techniciens de surface aux agents de nettoyage !