Y aura-t-il une pollution massive de la Baie de Quiberon ?
par Patrick LUCO
mercredi 11 février 2009
Dévasage des ports de plaisance de la Baie de Quiberon...
Quelles seront les conséquences de ces dévasages ?
Les ports de la Baie (La Trinité, le Crouesty, Port Haliguen...) sont actuellement très envasés à cause d’un processus naturel contre lequel on ne peut pas grand chose.
Ces ports sont gérés par une Société d’économie mixte (SAGEMOR) pour le compte du Syndicat Mixte des Ports du Morbihan. Ces deux organismes sont des émanations du Conseil Général du Morbihan.
Dès les années 1960, décennie où les « marinas » de Port Haliguen, du Crouesty, et de la Trinité sur Mer ont été mises en chantier dans un but de favoriser la plaisance devenue depuis industrielle, le processus de comblement de ces anses, criques et rias par les sédiments a commencé et même empiré.
La perturbation des courants de marée a été telle que les eaux ne pouvaient plus circuler normalement. En effet, la circulation des eaux dans ces installations a été considérablement perturbée par les enrochements des ouvrages.
Aucune étude sérieuse préalable n’avait été faite à l’époque. Ce fut finalement plutôt hâtif sans tenir compte des processus naturels liés à l’environnement et aux spécificités naturelles. Pas de maquette, pas de simulation : conception au pifomètre ! Il fallait faire vite devant l’expression du besoin des aménageurs et les nécessités politiques du moment.
Des effets de volute sont aussitôt apparus dans les ports, et autour des ouvrages. C’est bien visible d’avion, à haute altitude sous certaines conditions d’éclairage et de turbidité des eaux.
Dans certaines conditions de circulation des eaux, les flux chargés de sédiments entrent dans les ports. Le processus sont aggravés par la géographie des lieux et aussi par des constructions d’épis qui font effet d’écope. Ces sédiments se déposent dans les ports. Ce qui a pour conséquence une remontée lente et certaine des fonds... Les épis empêchent aussi le nettoyage naturel des dépôts par brassage des eaux grâce au clapotis, au ressac et à la marée.
Ces phénomènes sont bien connus des habitants de la côte et des marins. Souvent ces phénomènes naturels d’envasement sont consignés depuis longtemps dans les dans certaines minutes de Conseils Municipaux que personne ne lit !
Les processus sont si importants que des phénomènes de "barre" se forment à l’entrée de certains ports comme à Port Haliguen ou encore tendent à reconstituer les vasières naturelles comme à la Trinité ou au Crouesty..
Les "gros" bateaux peuvent s’en trouver gênés à marée basse de moyennes eaux. Il y a quelques années, à Quiberon, une compétition internationale de voile avait été perturbée à cause de l’interférence du fond vis à vis des tirants d’eau des voiliers. Depuis cette course a été abandonnée
Maintenant, il va falloir dévaser tous les ports de la Baie de Quiberon. Certains "responsables" disent : "rétablissement des profondeurs". Ceux qui sont réalistes, et qui ne pratiquent pas la langue de bois, utilisent le terme "dévasage" !...
Après, ces vases et ces boues vont être "clapées" à l’entrée de la Baie de Quiberon entre Houat et Arzon. Les parties lourdes de ces vases iront au fond pour former un merlon de boues. Les parties légères vont se diluer dans l’eau, et iront se déposer un peu partout … Au gré des courants. De préférence dans les parcs à huîtres peut-être ? Ou sur les belles plages de sable blanc qui bordent la Baie ?...
Au total, il y aurait près de 300 000 tonnes de vases à enlever pour les "claper" quelque part... La question avait déjà été soulevée à maintes reprises il y a de nombreuses années par les marins de la Baie lors de réunions du Comité Local des Usagers du Port de Plaisance au sein du Syndicat Mixte des Ports du Morbihan et de la SAGEMOR.
A l’époque, les réponses étaient évasives : "on verra bien !, "vous croyez ? Ah ? ben ça alors !... Les réponses au problème étaient le plus souvent vaseuses. Bref, on évacuait le problème !
Maintenant on y est...
Les milieux de la pêche professionnelle s’interrogent. Ils voient venir le danger. Leur avenir est en jeu. Et pas seulement à Port Haliguen, mais aussi à Houat, à Hoëdic et ailleurs...Les milieux du tourisme s’interrogent sur l’impact de ce genre d’opération ! Et je ne parle pas des Municipalités de la baie Quiberon qui sont étrangement silencieuses sur ce projet.
Le dépotage et le clapage par les maries-salopes auront des conséquences néfastes sur la faune et la flore : cela va l’étouffer, la noyer sous la vase... C’est La mort assurée du milieu marin local. Ce sera pire que les lâchers d’eau du barrage d’Arzal.
Ce n’est pas le dévasement en lui-même pour rétablir la profondeur des ports que je conteste (car il faut le faire). Mais ce que je condamne pour des raisons maritimes et scientifiques c’est le dépôt des vases en baie de Quiberon.
Déverser ces vases par centaines de milliers de tonnes en baie de Quiberon pour des raisons d’économie liée à une activité particulière peut paraître dangereuse pour l’environnement... La zone habituellement dévolue se trouve aux alentours du plateau des Birvideaux. Les fonds y sont de 50 à 70 mètres. C’est loin malheureusement. De port Haliguen, cela fait une quinzaine de nautiques par le passage de la Teignouse. Du Crouesty, bien plus. La distance à parcourir tant en temps qu’en distance est élevée pour des chalands automoteurs lents (une heure et demie à trois heures de route selon le type de bateau et la route choisie). Si le mauvais temps s’y met, alors la fréquence de rotation diminue, le cout/efficacité est alors prohibitif.
C’est sans doute pour cela, que les responsables de l’opération veulent déverser ces vases à l’entrée de la Baie de Quiberon. Au barycentre des points d’intérêt.
Il y a de nombreuses années, une étude très intéressante, contemporaine des problèmes rencontrés en Baie de Quiberon, avait été effectuée par l’IFREMER. Cette étude -remarquable comme d’habitude- fait le point sur la sédimentologie de la Baie. Les cartes de circulation des masses d’eau montrent bien l’effet cyclonique de la marée. Il faut lire ce rapport : on y apprend beaucoup de choses sur la dynamique de la Baie de Quiberon..
Ces vases vont saccager non seulement des lieux de pêche, mais aussi des frayères, les parcs à huitres, sans compter que les courants vont les diluer pour les ramener sur les plages, et ... au Crouesty, à la Trinité, et à Port Haliguen !... Même si on nous dit de croire que ces vases ne comportent pas de produits chimiques (résidus de peinture au téflon, au tributyl-Etain, etc…), finalement ce sera bien sale ! Bien polluant !
100 000 tonnes de vases ? Cela fait un carré de 400 m sur 400 m, et 1 mètre de hauteur....
300 000 tonnes, 3 fois plus... Et si c’est dilué ? Cela s’étale : c’est le coup du nuage de Tchernobyl, ou encore un "remake" douteux façon Erika ! Et que dire des micro-organismes, des virus, des bactéries mis en suspension ? Cela n’a donc pas suffit ? C’est déjà oublié ? Quand on voit les effets en mer des lâchers d’eau du barrage d’Arzal on est édifié : c’a ressemble aux « clapages » des boues rouges en Méditerranée il y a trente ans… L’eau devient noire jusqu’à Belle-Ile, et les poissons désertent les fonds le temps de revenir à une situation moins sale : cela prends un mois ! Pendant ce temps l’eau pue !
Déposer 300 000 tonnes de boues dans la Baie de Quiberon pourrait mettre à mal l’ostréiculture déjà bien atteinte par les maladies dont l’huître est victime. La « Belle de Quiberon » va barboter dans des eaux pleines de sédiments ce qu’elle n’appréciera sans doute pas. Et l’argumentaire commercial va s’en prendre un coup surtout si cela s’ébruite.
Le tourisme va aussi en pâtir. D’un coté, la Presqu’ile de Quiberon aura le droit d’avoir la mine de sable du groupe Lafargue et de l’autre, les boues de la SAGEMOR
Avec les bétonnages que l’on connait au milieu, je crois qu’il va falloir commencer à réfléchir à une autre activité que le tourisme… Parce que le tourisme industriel, ca marche peut être à Hayange ou à Anzin mais venir à la mer, c’est pour se baigner et contempler des beaux paysages, pas risquer sa peau au sens strict du terme dans une eau pleine de vase et avoir une vue plongeante sur des sablières industrielles.
On peut faire aussi confiance aux micros organismes pour profiter des ces éléments plus ou moins en putréfaction pour se développer. Alors, finis les labels qualités des plages de la Baie !. Et les propriétaires des Thalasso de Quiberon et de Carnac apprécieront également beaucoup ce genre de publicité.
Après le projet d’extraction de sables entre Quiberon et Gâvres, une des plus belles baies de France va se retrouver avec un gros tas de vases à l’entrée !
Que cherche-t-on donc ? Saccager l’environnement ? Ruiner le Morbihan ? Ces ports de plaisance industrielle vont finir par couter cher à notre économie locale.
Malheureusement pour des raisons commerciales liée à l’exploitation d’un organisme commercial, et des raisons de politique politicienne locale, ces dévasages dans ces conditions se feront quand même. J’espère malgré tout, et sans illusions, que certains de nos élus seront capables d’éviter la catastrophe en faisant modifier le lieu de dépôt de ces boues et vases.
Un Collectif -Alerte aux vases- sera entendu par le Tribunal Administratif de Rennes ce 20 février. Ce TA avait annulé il y a quelques semaines le contrat de prospection en vue de l’extraction des sables entre Gâvres et Quiberon.
Alors ? Que faire maintenant ?