19 AOUT 1978 : l’incendie du cinéma REX ŕ ABADAN

par CLAIRVAUX
mercredi 28 mai 2025

 S’agissant de l’entrisme islamique en France, Les Frères musulmans, organisation sunnite, est pointée du doigt. Elle fut fondée en Egypte en 1928 par Hassan el-Banna, le grand-père maternel de Tariq Ramadan. Dès l’origine, elle entreprit de promouvoir les valeurs islamiques et de lutter contre l’influence laïque occidentale.

 Elle fut interdite par le nationaliste Nasser, puis plus près de nous par le président égyptien al-Sissi après le renversement de Mohamed Morsi par un coup d’Etat militaire. L’organisation est interdite dans beaucoup de pays arabes comme l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, la Syrie, la Jordanie, etc.

 L’Iran dont il va être question a été influencé par les Frères musulmans qui y ont introduit l’assassinat de personnalités politiques par l’entremise des Fedayines de l’islam, leur équivalent chiite. Les Fedayines furent créés par Navab Safavi, condamné à mort et exécuté en 1956. Ensuite, les Fedayines prirent pour guide Khomeiny.

 Ce samedi après-midi 19 août, le cinéma Rex avait programmé un film du réalisateur iranien Massoud Kimiai, Gavaznha (Les Biches), l’odyssée de deux amis, l’un toxicomane, l’autre voleur, qui vont tomber sous les balles de la police.

 Le cinéma a pratiquement fait le plein : plus de quatre cents spectateurs avec beaucoup d’enfants accompagnant leurs parents. Peu de temps après le début de la séance, Hamid Payeden, le responsable de la sécurité remarque que de la fumée s’échappe de la salle, située au-dessus d’un centre commercial. Par radio, il avertit le chef de la police d’Abadan, le général Reza Razmi, que des suspects sont entrés en fraude dans le cinéma et ont allumé un départ de feu. Il est loin de se douter qu’un attentat criminel est en train de se commettre à l’intérieur.

 Au commissariat, Reza Razmi ordonne de ne laisser sortir personne de la salle dans l’attente des renforts de police. Donc, Hamid Payeden ordonne de boucler les portes afin que les resquilleurs ne puissent s’échapper. Les pompiers arrivent vingt minutes après, mais malchance ou malveillance, ils ne peuvent faire fonctionner leurs lances à incendie, les arrivées d’eau ayant été coupées.

 Quand le général arrive sur les lieux, le désastre est consommé : tous les spectateurs sont morts carbonisés ou asphyxiés sur leurs sièges. Un véritable guet-apens criminel. On évaluera le nombre de victimes au chiffre mythique de 477.

 L’enquête établira que les terroristes ont aspergé la salle de combustible avant d’y mettre le feu. L’équipe aurait été composée d’un mollah et de trois « techniciens ». Le mollah resté à l’extérieur aurait alors bloqué les portes condamnant ses acolytes à une mort certaine. Deux auraient péri dans les flammes, le troisième, un nommé Hossein Boroujerdi, gravement brûlé, ayant réussi à s’enfuir. Il dévoilera les dessous du complot dans un ouvrage : Behind the Curtain of the Islamic Revolution.

 Même si des indices concordants indiquaient que des soupçons devaient se porter vers les milieux islamistes, l’enquête freina des quatre fers. Au sommet de l’Etat, les officiels répugnaient à incriminer les religieux pour ne pas provoquer leur réprobation. Sans compter qu’à cause des exactions de la Savak, le régime du Shah était habité par un sentiment de culpabilité chronique. Et le pouvoir se résolut à traiter cet événement horrible comme un simple fait divers, en ne lui donnant aucune publicité et en étouffant le dossier pour ne pas faire de vagues.

 On arrêtera quand même à la frontière irakienne un militant islamiste, Hossein Takbalizadeh, un ouvrier peintre, qui aurait voulu « jeter de l’huile sur le feu » afin de précipiter la révolution.

 Comme pour l’incendie du Reichstag, le déroulement des faits et l’identité des incendiaires ne sont pas encore clairement établis.

 D’après certaines allégations, le mollah qui faisait le guet à l’extérieur du cinéma, fumant la pipe et portant des lunettes teintées, aurait été l’ayatollah Khamenei, le futur successeur de Khomeiny. Ce qui semble être établi par recoupement, c’est le nombre des terroristes : ils étaient quatre. Hossein Takbalizadeh déclarera qu’il a pu s’échapper à temps, ses trois complices restant carbonisés sur place.

 Des procès se tiendront durant la république islamique où l’hypothèse d’un attentat perpétré par la Savak sera la version officiellement retenue. Pour satisfaire l’opinion publique, on jugera et fusillera le 23 février 1979 un capitaine de l’armée impériale, Monir Taheri, accusé à tort d’avoir organisé et perpétré l’incendie.

 Le 4 septembre 1980, le Tribunal révolutionnaire admit que la culpabilité de Takbalizadeh était établie et qu’il avait été manipulé par les agents de la Savak. Il jugeait une trentaine d’inculpés. Six furent condamnés à mort et exécutés sur le champ : parmi eux, Hossein Takbalizadeh, le propriétaire et le directeur du cinéma, ces derniers accusés de négligence coupable.

 Si des points de détails demeurent encore obscurs, la responsabilité de l’incendie criminel ne fait plus guerre de doute. C’est dans le camp islamiste qu’il faut la chercher. Sa signature est patente. Pour une raison bien évidente : les mollahs détestent le cinéma, symbole haï de la décadence occidentale, accusée de corrompre les esprits des musulmans en les éloignant de la mosquée.

 En outre, il y eut de nombreux précédents revendiqués par les religieux. Ainsi, l’incendie de l’unique cinéma de Qom, un lieu de perdition à éradiquer. Khomeiny avait dénoncé « la plus grave insulte que l’Islam ait subie de mémoire d’homme. » Ultime affront : en 1972, on y projeta La Tunique, un péplum américain avec Richard Burton où un tribun romain se convertit à la religion chrétienne. Le Grand Ayatollah Mar’ashi Nadjafi déclara qu’il s’agissait d’un premier pas vers la « propagation du culte de la Croix dans le royaume de l’Islam ». Un commando islamiste y mit le feu et à la place Nadjafi fit édifier une école de théologie.

 Quelques heures après que l’incendie du Rex ait été commis, l’ayatollah Khomeiny s’était exprimé de son exil de Nadjaf en Irak : « Il est certain que cet acte inhumain et contraire aux lois de l’islam ne peut être imputé aux adversaires du Shah, même si certains indices montrent que l’on pourrait accuser le mouvement islamique de ce forfait. »

 L’enquête diligentée par les autorités établit que ce forfait aurait été planifié au domicile même de Khomeiny. Chacun des quatre terroristes aurait reçu 1 100 dollars américains et 500 dinars irakiens. Une cinquième personne aurait fourni le combustible, sans doute du kérosène. Auraient participé à la mise en œuvre Ahmad, le fils cadet de Khomeiny et Hadi Ghaffari, un mollah fanatique et haineux, qui exécutera Hoveyda après sa condamnation à mort par le tribunal révolutionnaire de deux balles dans la nuque.

 Le choix de la ville d’Abadan pour perpétrer l’attentat fut éminemment politique. La plus grande raffinerie pétrolière d’Iran exportait chaque jour des milliers de barils. L’objectif de Khomeiny était de perturber les exportations pétrolières, voire de les assécher, notamment en incitant les ouvriers du pétrole à faire grève, afin d’étrangler le régime. C’est ce qui arrivera à la fin de l’année.

 Le 4 janvier 1979, Chapour Bakhtiar, un opposant de toujours, devient Premier ministre, obligeant le Shah à quitter l'Iran. Il le restera 33 jours avant d'être renversé par la révolution islamique de Khomeiny et remplacé par Mehdi Bazargan.


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