Nouvelle Calédonie, état des forces en présence

par Christophe Bugeau
mardi 21 mai 2024

Depuis le lundi 13 mai, les Kanaks de Nouvelle-Calédonie sont entrés en insurrection. Au-delà des débats et des raisons, comment s’établit aujourd’hui le rapport de force dans cette Île de 271 000 habitants en 2019, dont 111 000 Kanaks (41,2% de la population) et 65 000 européens (24,1%) ?

La Nouvelle Calédonie est un archipel de 18 575 km² (15 hab au Km2) qui comporte 3 régions administratives établies en 1988. La population en plus des Kanaks installés depuis 3 000 ans et des Caldoches (blancs arrivés à partir de 1853 comme colons ou comme bagnards), compte aussi des métis 30 700 (11,3 % de la population), des habitants de Wallis et Futuna 20 000 (8,3%) qui ne sont plus que 11 000 sur les îles d’origine, 7 000 asiatiques (indonésiens, vietnamiens…), 5 300 tahitiens et des personnes originaires du reste du pacifique. Nouvelle-Calédonie — Wikipédia (wikipedia.org)

Les kanaks et les européens (caldoches ou venus de métropole plus récemment) ne forment donc que les deux-tiers de la population, le dernier tiers ayant des origines assez variées.

Les accords de Nouméa de 1988 prévoyaient une période de transition de 30 ans qui s’est terminée en 2018. Durant cette période, le corps électoral a été gelé en particulier pour les 3 régions créées. Les kanaks craignent donc que le dégel électoral qui se ferait prochainement ne remette en cause leur droit de peuple autochtone et donc leur capacité à prendre au long terme leur indépendance, malgré 2 référendums perdus en 2018 (56,4 % de NON) et 2020 (53,2 % de NON) et un troisième en 2021 boycotté par les indépendantistes (96 % de NON).

Concrètement, la population est très inégalement répartie entre les 3 régions : les îles loyautés comptent 18 300 habitants (96 % de kanaks et 2 % d’européens), la province nord 49 900 habitants (73,8 % de kanaks et 12,7 % d’européens), la province sud 203 000 habitants (35,9 % d’européens et 26,7 % de kanaks). La province sud est donc la plus peuplée surtout du fait de la présence de Nouméa, la capitale. Cette dernière avec 4 communes forme le Grand Nouméa qui compte 182 000 habitants (les deux-tiers de la population de l’île). Le Grand Nouméa compte au moins 60 000 européens qui sont donc peu nombreux dans le reste de l’île y compris le reste de la province sud.

Les insurgés aujourd’hui sont surtout présents sur l’agglomération car en réalité les kanaks tiennent le reste de l’île. Aujourd’hui le gouvernement ferait face à 3 000 à 5 000 insurgés, avec 1 800 hommes sur place qui seront bientôt rejoint par un millier supplémentaire.

L’on se trouve donc dans la situation où face à 111 000 kanaks (dont 3 à 5 % d’insurgés) l’on doit déployer des forces importantes (1 membre des forces de l’ordre pour 40 kanaks). Sur le papier ces effectifs pourraient être suffisants, sans intervention de pays étrangers et si la situation ne s’envenime pas. Mais le peuple kanaks tenant la quasi totalité du pays à l’exception du Grand Nouméa qui certes représente les deux-tiers de la population mais seulement 10 % de la superficie de la Nouvelle Calédonie, il sera difficile d’empêcher les pillages, les barrages, les attaques si une solution politique n’est pas trouvée.

La réaction des européens qui commencent à s’organiser pour protéger leurs quartiers (garde, rondes, et propres barrages) est à souligner, mais elle ne peut être une solution au long terme à partir du moment où il ne leur est pas possible de tenir le reste de l’île.


Lire l'article complet, et les commentaires