Le sauvetage de l’Europe ou l’art de presser le citron jusqu’à ce que les pépins craquent

par Morad EL HATTAB
samedi 4 juin 2011

« L'image qui me vient, c'est « acharnement thérapeutique »... L'euro est une abstraction. » « Pour moi, l'explosion de l'euro, c'est une probabilité de 90 %. Ce qui provoquerait un trou d'air idéologique formidable mais, dans ce contexte, j'ai très très peur de l'effet de délégitimation des élites. Mais bon, les choses peuvent changer très vite : les populations sont quand même à des niveaux éducatifs très élevés, le sentiment d'une crise est là... » Emmanuel Todd (Extraits d’un interview donné au journal belge Le Soir en janvier 2011)

Il n’y a même pas de différence avouée entre le Fonds Européen de Sauvetage (pardon, de Stabilité) et le Fonds Monétaire International ; en effet, les « tranches » d’aides accordées aux trois pays cigales (Grèce, Portugal et Irlande) le sont sous conditions d’accord par le F.M.I.

Un moment, le F.M.I. a même menacé de ne pas prêter une quote-part de 12 Milliards $ à la Grèce si elle n’accélère pas ses réformes de structures.

Que sont les réformes de structures : très simple « Clysterium donare, postea seignare, ensuita purgare » ce qui, traduit en novlangue donne à peu de chose près : « Baisser les salaires et les retraites, augmenter les impôts et tailler dans les dépenses publiques, de préférence sociales » par définition, toujours excessives pour les libéraux.

Les conséquences sont uniformément les mêmes : les fonctionnaires sont visés en première ligne (réduction de leurs salaires, baisse de leurs pensions, suppression des emplois publics) mais les « insiders » (terme anglo-saxon utilisé par Edouard Balladur et Raymond Barre pour désigner les fonctionnaires) ne sont pas en réalité les plus atteints car le chômage progresse encore plus vite dans le secteur privé et les salaires y chutent encore plus rapidement.

Les politiques de rigueur et d’austérité ont donc pour but de réduire la consommation pour placer les importations en-dessous des exportations. L’équilibre économique qui en résulte se situe alors nettement en-dessous de l’équilibre économique optimum. Cela s’appelle une politique de déflation avec des chutes du P.I.B. supérieurs à 4%.

À présent, les pays cigales peuvent danser : en Grèce, au Portugal et en Irlande les taux de chômage officiels atteignent 14% à 15%, et comme toujours dans ces cas-là, le taux de chômage des moins de 26 ans est au-dessus du double du taux moyen de chômage car il varie entre 30 et 35% !

L’Espagne n’a pas encore bénéficié du canot de sauvetage européen, pourtant le taux de chômage y dépasse les 21% et pour les moins de 26 ans il dépasse les 45%. C’est plus que l’Allemagne de 1931…pourtant le Premier ministre Zapatero a clamé héroïquement : « si j’avais 25 ans, je manifesterais contre le gouvernement et je serais avec les jeunes dans la rue ».

Ce qui se passe dans les pays cigales nous attend donc nous concerne. Les Agences de notation passent leur temps à menacer la France de la suppression de l’un des ses trois A. À chaque fois, le gouvernement a du s’exécuter et ce n’est que le début.

Lorsque le Président Nicolas Sarkozy fut élu, le taux officiel de chômage en France était de 8,1%, en mai 2011, il s’établit à 9,2%...malgré la radiation de 297 000 demandeurs d’emploi et de 9 800 RSAstes de moins suivis par le Pôle-Emploi pour le seul mois d’avril 2011 !

De plus, une vérité n’est pas dite : la priorité ne peut pas aller à l’emploi car le déficit budgétaire français a dépassé 7% du PIB en 2011, il faut donc d’abord le réduire.

Là-dessus, les Partis politiques majoritaires, soit l’UMP et le PS, sont d’accord, c’est pourquoi la campagne des présidentielles portera uniquement sur les questions sociétales et sécuritaires (car ces Partis considèrent peut-être qu’il ne faut pas dire la Vérité aux « enfants », après tout pour les élites dirigeantes nous sommes des paresseux vivant au-dessus de leurs moyens et qui roulent trop vite !)

Après 2012, la politique économique est déjà arrêtée par les vrais décideurs, soit les financiers, donc la France n’échappera pas aux réformes de structure…chers lecteurs, préparez-vous à serrer la ceinture, le chômage n’est pas près de baisser et les salaires ne sont pas près de monter…

Morad EL HATTAB & Irving SILVERSCHMIDT

Auteurs de La Vérité sur la crise (Ed. Léo Scheer)

 

P.S. : Lu dans une chronique de l’économiste Martin Wolf (Financial Times, 31 mai 2011) sur l’avenir de la zone euro : « Dans une véritable union monétaire, un dépôt dans n'importe quelle banque de la zone euro doit être l'équivalent d'un dépôt dans n'importe quelle autre banque. Mais que se passe-t-il si les banques d'un pays donné sont au bord de l'effondrement ? La réponse est que cette présomption d'égalité ne tient plus. Un euro dans une banque grecque n'est plus la même chose qu'un euro dans une banque allemande. Dans ce cas, il n'y a plus seulement un risque de panique bancaire sur une banque précise, mais sur un système bancaire national dans son ensemble. »

« L'insolvabilité de certains gouvernements menacerait aussi la solvabilité des banques centrales des pays créditeurs. Cela impliquerait de lourdes pertes pour elles, que les contribuables nationaux devraient compenser. Ce serait un transfert fiscal dissimulé ».


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