A propos de l’euro

par André-Jacques Holbecq
jeudi 21 janvier 2016

On nous a vendu à grands renforts de publicité que l’euro ce serait
1. Une croissance forte
2. Pas d’inflation
3. Des salaires en forte augmentation
4. Et le plein emploi,
Voyez-vous tout cela ?

On vous dit que la France ne peut pas quitter l’euro car elle est un trop petit pays. C’est faux ; il y a 15 ans la France était la 4 ième puissance économique mondiale et elle vivait sans l’euro. Elle reste quand même aujourd’hui la 6 ième, et on se demande bien comment font, pour garder leur propre monnaie, les 160 pays dans le monde qui sont plus « petits » que la France y compris des pays 200 fois moins peuplés, comme l’Islande par exemple.

On vous dit que quitter l’euro va vous pourrir la vie lorsque vous voyagez en Europe . C’est faux : vous pourrez vous procurer des devises avant votre départ, sur place contre des francs ou payer par carte bancaire sans plus de soucis que lorsque, comme aujourd’hui, vous voyagez hors zone euro.

On vous dit que quitter l’euro va augmenter la dette publique puisque le Franc serait dévalué. C’est faux : la dette publique est, pour 97%, libellée sous contrat de droit français. Les 2000 milliards actuels deviendront 1940 milliards de francs et 60 milliards d’euros

On vous dit que quitter l’euro aura pour effet que la France ne pourra plus emprunter à des taux intéressant sur les marchés. C’est faux, que ce soit en euros ou en francs les taux sont déterminés par les marchés en fonction de la confiance que les prêteurs ont dans l’économie d’un pays. Les taux ne sont actuellement pas identiques pour tous les pays de la zone, et la France est bien placée… Mais, de plus, pourquoi un pays aurait-il donc besoin d’emprunter dans sa propre monnaie, celle qu’il peut créer s’il en a l’utilité et la volonté ?

On vous dit que quitter l’euro fera augmenter le prix des carburants. C’est doublement faux car ceux ci sont composés de 60% de taxes qui peuvent être réduites pour stabiliser les prix et le coût du pétrole brut compte seulement pour un quart du prix des carburants à la pompe. Une dévaluation de 20% par rapport au dollar (hypothèse) ne ferait donc augmenter le prix que de 8% … tiens, c’est justement ce que nous avons subi, sans catastrophe, entre fin janvier 2015 et fin avril 2015. Et ils étaient 20% plus chers en août 2012. Autre exemple, le prix de l’essence en Pologne, qui n’est pas dans l’euro, est 20% inférieur à celui de la France.

On vous dit que quitter l’euro fera bondir l’inflation. C’est faux ; les études montrent que l’inflation serait entre 4 et 6 % les 2 premières années et se stabiliserait à 2 % ensuite

On vous dit que quitter l’euro va faire fondre votre épargne et votre patrimoine. C’est faux car votre épargne gardera la même valeur et le même pouvoir d’achat en France, puisque tout sera libellé en francs.

Mais ce qu’on ne vous dit pas, c’est que si nous quittons l’euro, le franc plus faible va permettre à nos entreprises d’exporter plus facilement au bénéfice de l’emploi en France. Par exemple, l’avantage que la France tire de la baisse de l’euro face au dollar (qui a notamment participé à la vente des Rafale), elle pourrait le tirer à un niveau encore bien plus important en quittant l’euro, face à l’Allemagne, sur les machines-outils et la robotique !

Mais ce qu’on ne vous dit pas, c’est que si nous quittons l’euro, du fait que les produits importés couteront un peu plus cher, la production française sera favorisée, ici aussi au bénéfice de l’emploi

Mais ce qu’on ne vous dit pas c’est qu’avec le franc légérement dévalué, nous exporterons plus vers les pays euros, donc engrangerons des euros pour acquitter plus aisément nos dettes.

Mais ce qu’on ne vous dit pas, c’est que si nous quittons l’euro, la Banque de France – qui appartient en totalité à l’Etat – pourra financer les investissements publics nécessaires à taux zéro, sans craindre les foudres de Bruxelles pour déficits excessifs.

Mais ce qu’on ne vous dit pas, c’est que si nous quittons l’euro, et sous réserve que la Banque de France émette la monnaie nécessaire, l’Etat ne devra plus emprunter : ainsi la dette publique sera stabilisée et un peu d’inflation la fera fondre progressivement.

Mais ce qu’on ne vous dit pas c’est que les 10 pays qui sont dans l’Union Européenne mais hors de la zone euro ont des taux de croissance plus élevés que nous, et des taux de chômage plus faibles.

Mais ce qu’on ne vous dit pas c’est que l’euro est une monnaie qui ne satisfait à aucun des critères d’une bonne monnaie unique : mêmes règles fiscales et sociales entre les zones, salaires sensiblements équivalents, transferts importants des zones riches vers les zones pauvres qui devraient être au moins de 10% du PIB alors qu’ils ne sont que de 1%

Mais ce qu’on ne vous dit pas c’est qu’avant la monnaie unique, les ajustements se faisaient par la valeur de la monnaie de chaque pays. La monnaie d’un pays en déficit extérieur baissait, ce qui permettait un rééquilibrage de ses comptes. Aujourd’hui, les ajustements se font sur les salaires. Mais avec des salaires variant de 1 à 10 dans l’UE, nous voyons le résultat en termes de fermetures d’entreprises, de pertes de parts de marché et d’emplois perdus.

Mais ce qu’on ne vous dit pas c’est que plus on attend et plus l’impact destructeur de l’euro porte ses effets : la reconstruction en sera d’autant plus difficile .

La Fondation Res Publica nous confirme les affirmations qui précèdent dans la préface à l’étude de Philippe Murer et Jacques Sapir http://www.fondation-res-publica.org/etude-euro/ (voir aussi :
http://russeurope.hypotheses.org/1933 )

« Certes, à son début, le système de l’Euro a semblé fonctionner, mais l’excédent commercial allemand créait une illusion d’optique en absorbant les déficits des autres pays. Des déficits commerciaux qui, dans le cas de la France, de l’Espagne, de l’Italie et de bien d’autres pays, traduisaient un mouvement profond de désindustrialisation et une perte considérable de compétitivité par rapport à l’industrie allemande, et que la surévaluation de l’Euro a encore accélérée. Loin de converger comme les pères de l’Euro en avaient l’ambition, les économies de la zone ont massivement divergé. La construction même de l’Euro s’est révélée mortifère pour les pays du sud de la zone, et par extension la France, dont les systèmes productifs sont organisés sur un modèle différent du célèbre « modèle allemand », avec des exportations très sensibles aux taux de change. La part de la France dans le marché mondial a ainsi régressé de 5,1% en 2002 à 3,8% aujourd’hui, et la zone Euro dans son ensemble et sur la dernière décennie a subi une croissance bien plus lente que celle des Etats-Unis ou de pays européens n’ayant pas adopté la monnaie unique comme le Royaume-Uni ou la Suède. »

150 économistes, dont 6 prix Nobel, soutiennent que la sortie de l’euro serait bénéfique ou l’envisagent comme une possibilité :
https://altereconomie.wordpress.com/2014/09/07/liste-non-exhaustive-deconomistes-envisageant-la-dissolution-de-leuro-comme-une-possibilite/ et une étude récente montre que l’euro a plombé le PIB de la France de 12% depuis son introduction. http://users.monash.edu.au/ laurap/Research_files/synthetic_euro_CEPR.pdf

La France pourra fortement renforcer sa place en Europe mais aussi développer rapidement ses activités d’export en dehors avec un objectif d’équilibre de sa balance commerciale. La puissance publique devra soutenir les branches industrielles sur lesquelles sera construite la prospérité de la France à l’horizon 2030.
Nous avons vécu plus de mille ans sans l’euro et cela n’a pas empêché la France et le monde de progresser, ni la terre de tourner. Et ceux qui nous disent qu’en sortir nous mènerait à la nuit feraient bien de regarder ce graphique.

 

 

 

A-J Holbecq


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