Air France : Livraison du premier A 380 européen... à Hambourg !

par ÇaDérange
lundi 2 novembre 2009

J’ai eu l’occasion de m’étonner de la modification régulière dans EADS, de l’importance des intérêts allemands au dépens des intérêts français. En clair, de la montée en charge des fabrications des Airbus dans l’usine EADS de Hambourg au détriment de celle de Toulouse.

Il m’avait semblé que dans les négociations franco-allemande pour définir les plans de charge des deux usines, le côté français avait manifesté un certain laxisme, - ou un certain manque de combativité -, dans cette bataille industrielle et commerciale. L’avion le plus vendu de la gamme Airbus, l’Airbus A 320, était déjà exclusivement fabriqué à Hambourg et l’on nous racontait alors que l’usine de Hambourg était spécialisée sur les petits appareils et celle de Toulouse sur les gros, la taille des appareils devant en principe en compenser le nombre plus faible en terme de charge de travail globale.Ceci supposait que l’on admette déjà des "droits égaux" à fabriquer la gamme des Airbus des deux cotés du Rhin alors qu’à ma connaissance la contribution majeure au développement technique de cette gamme d’avions venait de la partie française.

Au moment de la mise ne production du plus gros avion de la gamme, l’Airbus A 380, contrairement à la philosophie officielle sur le sujet, on nous a expliqué qu’il fallait pour cet avion deux lignes de production, une à Toulouse et une à Hambourg. Avez-vous eu l’impression que nos pouvoirs publics ou nos hommes politiques à l’époque aient manifesté quelque réserve que ce soit sur cette répartition des tâches ? Silence assourdissant de leur part, n’est-ce pas ? Peut-être avaient-ils, d’ailleurs, déjà négocié la Présidence d’EADS pour Monsieur Gallois contre la deuxième ligne de production à Hambourg, la présidence de la société contre des milliers d’emplois ?

Toujours est-il qu’il en fut décidé ainsi et que dans cette répartition des tâches l’usine d’Hambourg fut chargée de toute la partie câblage électrique du nouvel avion. Avec le désastre que l’on sait ! Deux ans de retard dans le programme et deux ans plus tard un processus industriel de ce câblage toujours à moitié manuel.

Quand je vois aujourd’hui, pour la première livraison d’un Airbus A 380 à une compagnie européenne et à Air France en particulier que la remise des clefs se passe à Hambourg, mon coeur d’ancien Toulousain se serre et j’ai l’impression qu’au fil des ans, nous avons bradé le leadership d’EADS et de la construction d’avion européenne à des interlocuteurs plus pugnaces que nos propres négociateurs.

Quel dommage !

NB Sur le plan psychologique, il eut été préférable ,- et ce n’était, à mon sens, pas très difficile- de prévoir que cette livraison à Air France se fasse à Toulouse. Monsieur Gallois n’a pas dû y penser. Dommage pour la symbolique du geste... 

 

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Droit de réponse :

 

Bonjour,
 
Lecteur régulier à titre privé d’Agora Vox, dont j’apprécie généralement la diversité de ton, je souhaite aujourd’hui répondre à un article, mettant en cause EADS et Airbus, en tant que directeur de la communication d’EADS.

Cet article, écrit par "çaDérange", introduit un certain nombre de confusions que je souhaite dissiper car elles ne correspondent pas à la réalité.

Tout d’abord, s’agissant de la "production" de l’A380, celle-ci est, comme tous les appareils de la gamme Airbus, répartie entre des sites de production à travers l’Europe : pour faire simple, les ailes en Grande-Breatgne, l’empennage en Espagne, la pointe-avant (cockpit) à Méaulte en Picardie, les morceaux de fuselage entre Hambourg, Nantes et Saint-Nazaire. Et même chose pour les trains, les pneux, les moteurs, etc : aucune production n’est faite en double, nulle part. La charge de travail est ainsi largement divisée et aucun pays n’a le "monopole" d’un appareil, ce qui ne correspondrait du reste à aucun schéma économique.
 
"L’assemblage final" de ces appareils est réparti, grosso modo les monocouloirs (A320) à Hambourg et les "plus gros" (famille A330, 340, 380) à Toulouse. Le choix récent de Toulouse pour l’assemblage du futur A350 a été fait en offrant en contrepartie l’assemblage final à Hambourg du successeur de l’A320, quand celui-ci verra le jour.

L’A380, comme tous les appareils Airbus, a une seule ligne de production répartie à travers ces sites, et une seule ligne d’assemblage final, qui est bel et bien à Toulouse où l’appareil est testé et certifié. C’est ensuite à Hambourg que sont faites les finitions, soit la customisation aux exigences de chaque compagnie : équipement en fauteuils, décoration intérieure, peinture, etc.

La livraison de l’A380 à Air France à Hambourg est conforme à ce qui se fait chaque fois, et les cérémonies publiques qui se sont passées à Toulouse pour cet appareil ont été le "roll-out" du premier appareil assemblé, et son premier vol ensuite, s’agissant d’un appareil complètement vide. L’ancien Toulousain qu’est "çaDérange" l’a sans doute oublié, car tous les Toulousains connaissent bien ce rituel magique des nouveaux avions.

Le symbole, qui n’a pas échappé à l’ensemble de la presse internationale, est qu’Air France-KLM a été la première société européenne dotée de ce nouveau champion européen, qui a déjà transporté plus de 2,5 millions de passagers depuis son entrée en service, il y a un an et demi (il vole déjà sur Singapore Airlines, Qantas et Emirates) : non, les intérêts français n’ont pas été ignorés ou sacrifiés, et si le président d’EADS est aujourd’hui estimé en Europe, c’est précisément parce qu’il défend avec la même énergie les intérêts français, allemands, espagnols et britanniques.
 
Je reste à votre disposition pour démentir qu’EADS se retranche derrière un "silence assourdissant".

Cordialement,

Pierre Bayle, directeur de la communication du groupe EADS.

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