Airbus, à qui la faute ?
par Henry Moreigne
vendredi 2 mars 2007
Quand Airbus éternue, c’est l’Europe économique qui s’enrhume. La mise en œuvre du plan de restructuration touche particulièrement la France. Les salariés trinquent pour une gouvernance d’entreprise indigente qui a fait jouer ses intérêts personnels au détriment d’un fleuron de l’industrie européenne. Et pourtant, loin de remettre en cause cette dernière, c’est l’interventionnisme étatique que certains pointent du doigt.
Ne confondons pas le pompier et l’incendiaire. Pour éteindre l’incendie qui couvait depuis plusieurs mois on a fait appel à un capitaine d’industrie qui a fait ses preuves à la SNCF. Louis Gallois, patron d’Airbus et co-président de sa maison mère EADS depuis le 9 octobre 2006. A lui, et lui seul, de porter un plan de restructuration rendu incontournable par une gestion plus que médiocre de ses prédécesseurs incapable d’anticiper la crise actuelle. Schématiquement, Airbus ce sont ou plûtot c’étaient 55 000 salariés répartis à environ 1/3 en Allemagne, 1/3 en France et le dernier 1/3 sur le reste de l’Europe, notamment le Royaume-Uni et l’Espagne.
Officiellement, la casse imposée par “Power 8″ est “limitée”. 10.000 emplois seront supprimés sur quatre ans dont la moitié chez les intérimaires et les sous-traitants. La France est la plus touchée des quatre “Nations Airbus” avec une saignée de 4300 postes, dont 1100 au seul siège toulousain. Il ne devrait y avoir cependant aucun licenciement sec. Pourtant, le choc pour les salariés est terrible. La performance technique, les années de succès ne forment plus un bouclier efficace contre les aléas économiques. Le salarié, comme c’est désormais la règle, est devenu la seule variable d’ajustement d’une entreprise en difficulté. Le jour même de l’annonce du plan de restructuration, l’action EADS progressait de 1,8% à Paris. Côté Europe technocratique, la Commission Européenne tient un discours suicidaire qui exclu tout interventionnisme étatique ou supra étatique. “La gestion d’Airbus ne relève que des dirigeants de l’entreprise et des organisation syndicales représentatives des salariés”. Si Airbus va mal c’est la faute de la concurrence. Singulièrement, ce brouhaha couvre l’analyse du principal intéressé M. Gallois. Selon lui la plus grave difficulté à laquelle est confronté l’avionneur, c’est la faiblesse du dollar face à l’euro. Le dirigeant a précisé que le plan de restructuration est basé sur une parité de 1 euro pour 1,35 dollar. Or la monnaie ne relève que de la Banque Centrale Européenne et plus des Etats. Enfin le dossier Airbus rappelle une nouvelle fois les impératifs de moralisation par une législation européenne d’un capitalisme débridé. Airbus est victime de deux années consécutives de très graves crises au sein de la maison mère , EADS, dont Français et Allemands sont à égalité au capital avec 30%, chacun. L’Etat français et le groupe français Lagardère d’un côté. Le constructeur automobile allemand DaimlerChrysler, de l’autre.
La pilule est cependant loin d’être passée. Si pour Angela Merkel, la chancelière Allemande, “le principe d’équilibre est respecté”, les syndicats sont vent debout. Bernard Thibault, le leader de la CGT, a martelé qu’on ne peut pas “laisser le monde des affaires s’occuper des affaires du monde”. Le syndicat compte sur une forte mobilisation des deux cotés du rhin pour refuser le plan. Outre-Rhin justement, trois des sept sites sont déjà en grève. A FO, syndicat majoritaire dans le groupe, on dénonce le lâchage politique : ” C’est grave, c’est injuste. La France ne sait pas protéger ses industries”. Un millier de salariés se sont rassemblés spontanément sur les sites de Toulousains et de Nantes mercredi après-midi.
Noël Forgeard l’ancien PDG d’EADS se sera illustré par son incapacité de gérer ses rivalités internes tant à l’égard de Philippe Camus, son vieil adversaire au service de Jean-Luc Lagardère, que par rapport aux partenaires allemands. La vente très opportune de stock-options avec une plus-value de 2,5 millions d’euros, par lui-même et les cadres de son entourage, avant l’annonce de retards à la livraison de l’A 380 ont donné outre l’éventuelle qualification pénale pour délit d’initié, le sentiment que les rats quittaient le navire. Licencié en juillet 2006, son indemnité de départ s’est élevée à 6 millions d’euros.