Avortement : le droit des européennes à disposer de leur corps remis en cause par les conservateurs espagnols
par Laurent HOUY-CHATEAU
lundi 30 décembre 2013
Les libertés individuelles sont des droits acquis durement à la suite de longues luttes. Mais ce sont des droits fragiles qui peuvent à tout moment être remis en cause comme en témoigne l’actualité outre pyrénées. Ainsi, chez nos voisins espagnols le gouvernement conservateur prévoit de restreindre sérieusement le droit à l’avortement ramenant le pays 30 ans en arrière.
Ne croyons pas que le combat des femmes mené de l’autre côté des pyrénées ne nous concerne pas. En effet, le ministre espagnol de la justice, Alberto Ruiz-Gallardon, a expliqué dans un entretien au quotidien monarchiste ABC du 27 décembre « Nous avons fait la première loi qui reflète l'opinion majoritaire des citoyens européens, (…) et je suis convaincu que cette initiative aura des prolongements dans les Parlements d'autres pays européens. »
Au sein de l’Union Européenne la plupart des pays membres autorisent l’IVG. A la veille des prochaines élections au Parlement européen les déclarations du ministre espagnol ont de quoi inquiéter les partisans du droit des femmes à disposer librement de leur corps.
Dans la classe politique française, seul Jean-Marie Le Pen a salué sur Twitter le projet de loi espagnol. Toujours du côté du Front National, Florian Philippot, le candidat aux élections européennes dans le Grand Est a considéré que le thème de l'avortement est un « sujet de diversion ». Rappelons que pendant la campagne présidentielle de 2012, Marine Le Pen, elle-même, avait critiqué les « avortements de confort » et émis l'idée de ne pas rembourser les interruptions volontaires de grossesse en cas de problèmes budgétaires. Ces différentes déclarations des dirigeants du Front National montrent ainsi le risque certain de restrictions de nos libertés individuelles que nous pourrions encourir face à une nouvelle montée du parti nationaliste aux prochaines élections.
En France, l’interruption volontaire de grossesse est légalisée depuis 1975 mais un rapport du Haut conseil à l'égalité entre les hommes et les femmes présenté en novembre dernier pointe la difficulté d'accès à l'interruption volontaire de grossesse. Un accès jugé problématique notamment en raison d'une baisse de l'offre de soins. En effet, des hôpitaux et des maternités ayant fermé, les centres d'IVG qui afférents à ces centres ont fermé. Dans la dernière décennie on recense pas moins de 180 fermetures de centre IVG dans l’hexagone.
L'accès aux soins est très hétérogène selon les régions et au sein même des régions. Ainsi dans les grandes agglomérations, les femmes n'ont pas de difficultés à accéder aux centres IVG ou aux médecins libéraux habilités à les effectuer mais, dans les territoires ruraux, ça peut devenir rapidement beaucoup plus compliqué.
Aux difficultés de l’accès aux soins s’ajoute la disparition et les difficultés financières rencontrés par le Mouvement français pour le planning familial depuis 2009.
Du coup, chaque année, en France, quelque 5.000 femmes, selon les chiffres du Planning familial, qui n’arrivent pas être prises en charge sont forcées de se rendre à l’étranger.
Il reste un tabou autour de l’IVG, un fond de culpabilité. Or, c’est un événement fréquent dans la vie d’une femme (40% des femmes françaises ont avorté au moins une fois dans leur vie), même avec une contraception. Avec une moyenne de 400 cycles dans une vie, il est normal qu’il y ait quelques ratés. Or, quand une femme est enceinte et qu’elle ne l’a pas voulu, il est normal qu’elle ait la possibilité de choisir.