BREXIT ou BREMAIN ? LONDRES toujours gagnant ! ?

par hugo BOTOPO
vendredi 17 juin 2016

De nombreux articles et interventions traitent ce sujet sur les plans politiques (institutions opaques, démocratie bafouée, place dans le monde de l'UE,...) et économico-financiers (estimations contradictoires et fluctuantes des pertes pour les 2 parties, redistribution des forces financières...) selon les 2 cas : sortie ou maintien du Royaume-Uni dans l'UE. Les argumentaires (du RU et dans les débats internes britanniques) sont trop biaisés et hypocrites pour les reprendre ici. Cameron ne s'est pas enfermé dans ses contradictions, bien au contraire il reste dans la ligne de la politique constante et éternelle de la Grande-Bretagne : il a sournoisement ou perfidement utilisé une technique de squeeze dont l'UE est la victime consentante ou ignorante et débile. C'est cette manipulation que l'on démonte présentement.

L'auteur dans son article "BREXIT : un bouleversement salutaire pour l'économie" (Agoravox du 20 janvier 2016) avait présenté d'une part la position génétique et fondamentale du RU vis-à-vis du continent européen, à savoir tout faire pour torpiller la construction d'une puissance continentale européenne, et d'autre part les principales exigences de Cameron pour qu'il puisse (ou prétende) défendre le maintien du RU dans l'UE :

-1- Simplification et restriction des réglementations émises par le monstre administratif de l'UE, et renforcement du rôle et des prérogatives des parlements nationaux ;

-2- Permettre aux pays non-membres de l'Eurogroupe de s'opposer aux mesures internes de l'Eurogroupe susceptibles de desservir leurs intérêts et ainsi de les faire supprimer !

-3- Dispenser le RU de toute mesure de progression pour "une union plus étroite" conformément aux traités ; (mesure implicitement extensible aux autres pays de l'UE) ;

-4- Dispenser le RU des règles de libre circulation des travailleurs au sein de l'UE avec des mesures spécifiques britanniques discriminatoires en terme de protection sociale des travailleurs issus de l'UE (et accessoirement de tout autre pays, en version plus régressive encore).

 

Les mesures opposables et contradictoires émises par les représentants des 27 pays n'ont jamais été publiées : d'ailleurs ont-elles existé ? Les accords "arrachés" par Cameron, avec le soutien de certains pays selon le point concerné, n'ont été rendus publics que de façon opaque en Février. Cameron présentant à ses électeurs sa propre version, les délégués et chef d'États des 27 ne sentant pas utile de présenter à leur opinion publique leurs reculades : pas question de faire voter leurs Parlements nationaux, ni encore moins les citoyens de chaque pays dans un référendum sur le maintien du RU dans l'UE aux conditions prévues dans l'accord implicite ! Belle démocratie !

 

Selon Cameron, il a gagné sur tous les points :

- le point 1 était réclamé par tous les Parlements nationaux ; Cameron en est le héraut ;

- le point 2 a trouvé un accueil favorable par les pays non-membres de l'Eurogroupe, et par ceux de l'Eurogroupe ne souhaitant pas une intégration trop "rapide" vis-à-vis de leur opinion publique, puisque tous les malheurs nationaux viennent de l'UE !

- le point 3 est resté à l'appréciation de chaque pays, du fait de l'absence de propositions de mesures concrètes pour faire avancer l'UE et la sortir de son ornière, de son immobilisme !

- le point 4 a été refusé en principe, mais implicitement admis en pratique, Cameron se ventant des dérogations importantes obtenues sur ce point qu'il mettra en oeuvre sans tarder, si ce n'est déjà fait !

 

Mais alors quelle différence en cas de BREXIT ?

Les modalités de sortie n'ont été ni abordées ni négociées : au vu des sondages on (qui ? ) se contente de dire que les négociations de sortie prendront au moins 2 ans et probablement beaucoup plus.

La seule mesure a effet immédiat (et encore) serait la démission/révocation définitive des députés britanniques au Parlement européen. Ce Parlement est limité aux questions sociétales et sociales, il n'a pas de pouvoirs en matière économique et financière comme peut l'avoir le Congrès des USA. Ces questions se règlent de plus en plus dans des négociations internationales (OMC, TAFTA,...) auxquelles le RU sera alors invité. Les commissaires et chefs de bureaux britanniques, très impliqués et efficaces pour défendre en priorité les intérêts britanniques et le système néo-libéral, resteront en place le temps de la transition vers leurs successeurs. Les cadres et employés britanniques seront plus difficiles à exfiltrer, sauf ceux qui se reconvertiront en lobbyistes officiels au service du gouvernement du RU.

Pour les travailleurs britanniques déjà soumis à la réduction constante des avantages sociaux (jusqu'à le contrat d'esclavage dit "zéro heure") le BREXIT n'apportera rien, sauf, au contraire, la non limitation de la durée du travail et la suppression du salaire minimum (à peine introduit partiellement sous la pression de l'UE) : les règles de l'UE ne pourront plus être opposées par les salariés, ni aux salariés !!! (par les patrons et le gouvernement). Le point 4 reste donc un avantage, pour le patronat britannique, en cas de BREXIT puisqu'il sera automatique et généralisé.

Comme dans tous les pays d'Europe, il y a des travailleurs sans papiers (et sans protection sociale) et cela reste valable dans le RU : il y aura toujours une immigration clandestine de travail. Naturellement, comme dans chaque pays, il y aura des réglementations nationales régressives afin d'améliorer la compétitivité, donc fausser la concurrence.

Pour les points 2 et 3, la construction européenne est tellement embourbée avec l'afflux massif de réfugiés, avec les négociations du TAFTA, avec le terrorisme, avec les mouvements sociaux et politiques d'extrême-droite et d'extrême-gauche, que les propositions pour l'amélioration et le renforcement de la construction européenne sont inexistantes ou dorment dans des tiroirs poussiéreux. Le BREXIT ne change rien.

Le maintien de nombreuses collaborations

Les organismes européens de collaboration ont été créés et mis en place bien avant la transformation de la petite CEE en UE et avant l'entrée du RU. Parmi les principaux citons l'ESA (europe spatiale des satellites, lanceurs et sondes), le CERN (centre européen de recherches nucléaires) à Genève, l'EUROCONTROL (pour régler la circulation aérienne des avions civils), la CEDH (cour européenne des droits de l'homme), l'OESCE... Des pays non-membres de la CEE, puis de l'UE, en font partie telles la Norvège, la Suisse, la Russie, l'Ukraine, la Biélorussie... pour tout ou partie de ces institutions ou organismes. Dans le cas du BREXIT la part contributive des britanniques sera éventuellement majorée de sa contribution indirecte via l'UE, lorsque l'UE participe aux budgets. Comme ces organismes ont des financements variables selon les programmes auxquels participent chaque État, la gymnastique est déjà rodée.

Pour la libre circulation des personnes, Schengen ne s'appliquant déjà pas au RU, (sauf cas particulier entre l'Irlande et la colonie britannique d'Irlande du nord), le Brexit ne change pratiquement rien. Le RU contrôle toutes les entrées de personnes : le passeport (ou la CI) seront obligatoires pour les britanniques et pour les européens continentaux. La seule modification dans l'EU sera dans les points d'entrée (gares maritimes et ferroviaires, aéroports) avec le transfert des sujets britanniques de la file "passagers de l'UE" à celle des "passagers hors UE".

Pour la libre circulation des marchandise, soit le RU conserve les très faibles droits de douanes (établis pour l'UE) pour les marchandises en provenance des pays tiers à l'UE et dans ce cas il pourrait exporter et réexporter vers l'UE librement en reversant une partie des taxes d'importation, soit le RU supprime les taxes d'importations de toutes provenances, alors l'UE devra taxer les réexportations (et les exportations ?) en provenance du RU. Le niveau des taxes étant déjà si faible et en voie d'annulation (sauf cas particuliers) que l'harmonisation actuelle sera probablement maintenue.

 

Le cas spécifique de la CITY

Londres est reconnue comme une grande place financière mondiale, très importante dans les transactions internationales. Cette position prépondérante a été établie lorsque l'Empire Britannique régnait sur la planète, au XIXième siècle. New-York se libérait de son statut de filiale (ex-colonie), Hong-Kong et Singapour (autres places financières mondiales aujourd'hui) étant sous tutelle britannique. La Livre Sterling était la monnaie mondiale. Depuis sa suprématie a été battue en brèche par le dollar, l'euro, le yen et demain le yuan ! Cependant les infrastructures et les technologies des services financiers restent en place à Londres, pour servir la "Divine Finance" mondialisée. C'est un "Vatican" très bourdonnant ! Pour combien de temps encore ? Comme pour le Vatican catholique, organisme sclérosé et dépassé, où c'est le dynamisme et la sincérité des "Abbé Pierre, Soeur Emmanuelle, Mère Thérésa, des ONG d'assistance aux populations" qui portent le véritable message d'Amour du Christ, le "Vatican-City" musée vibrionnant, tournant sur lui-même, ne peut assurer le développement des activités économico-financières au service de toutes les populations de la planète. La City ne réduit en aucune façon la "croissance" des populations pauvres et miséreuses (par millions) des banlieues et cités délabrées du RU. Alors pour l'UE, un moindre usage de la City et une activation des politiques économiques de résorption de la pauvreté et du chômage dans l'UE, ne peuvent qu'accompagner la mise progressive sur la touche du néo-libéralisme destructeur des économies et des valeurs humaines.

Paris et Francfort ont les capacités de prendre en charge les transactions financières de l'UE nécessaires à l'économie. Par contre, on peut laisser à Londres le monopole de la finance casino des spéculateurs privés ou institutionnels : les paris sur l'évolution des cours des matières premières, de l'or et de l'argent, des monnaies, sur les différents indices et sur les produits dérivés, enrichissent les traders, les officines, les teneurs de marchés et sillonnent les avoirs d'une majorité de petits "investisseurs/boursicoteurs". Aucun effet pour relancer l'économie réelle ! Risque important de déclencher une nouvelle crise financière !

 

L'UE sortira-t-elle de sa léthargie  ?

Que le Brexit ou le Bremain sorte vainqueur des urnes britanniques, dans les 2 cas l'UE a révélé sa faiblesse intrinsèque. Aux attaques de la "perfide Albion" se joint l'union machiavélique des politiques néo-libérales et des politiques de stabilité/austérité, union pour un maximum de transfert vers les financiers teneurs de marchés, vers la classe des plus riches (actionnaires, traders, grands patrons,...) et vers l'accroissement des masses en voie de paupérisation : le pressurage de ces masses pour payer des intérêts sans rapport avec l'inflation et la croissance réelles casse les économies nationales et alimente le rejet des classes politiques, des médias et des journalistes du système, et enfin justifie la création de mouvements révolutionnaires et/ou réactionnaires qui n'ont plus que le déchaînement de la violence pour exprimer leur désarroi et leur désespoir.

Ce ne sont pas les mesurettes au rabais, acceptables par tous les États, qui permettront à l'UE, expression politoco-administrative artificielle, d'unir tous les peuples qui font la vraie Europe, de les réunir pour qu'ils affirment leur Foi et leur Espérance dans une Europe qui est la leur sans être l'otage des puissances extérieures (USA, Chine,... et puissances financièes multinationales). Une Europe des peuples à la Charlemagne, des nations aujourd'hui, solidaires et respectueuses des valeurs humaines est un challenge à notre portée : il faut le vouloir intensément !

Ce serait la seule réponse valable de l'UE continentale au perfide Cameron.

 


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