Bruxelles roule les consommateurs dans la farine (animale)
par Henry Moreigne
lundi 18 février 2013
La décision prise par la Commission européenne d’autoriser à partir du 1er juin des farines animales pour nourrir les poissons d'élevage confirme l’incapacité de la technostructure européenne à tirer les leçons du présent et du passé. Elle donne surtout le sentiment que l’omniprésence des lobbys à Bruxelles conduit dans de nombreux dossiers à faire prévaloir les affaires sur les enjeux sanitaires.
L’alimentation des ruminants par des farines de porc et de volaille, avait été prohibée dans l'UE lors de la crise de la "vache folle", en 1997. L'interdiction avait été étendue en 2001 aux aliments destinés à tous les animaux de consommation, dont les poissons. La page de cet épisode est complétement tournée pour la Commission qui avance que "le risque de transmission de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) entre animaux non-ruminants est négligeable", l'UE serait "dans la phase finale de l'éradication de l'ESB au sein de son cheptel bovin", à peine 28 cas ont été identifiés en 2012, sur quelque 40 millions de têtes de bétail adulte.
Le porte-parole du commissaire chargé de la santé et de la protection des consommateurs peut bien expliquer que certains poissons sont carnivores, comme les saumons, on ne les a jamais vu s’attaquer à des porcs ou à des volailles rétorque l’eurodéputé José Bové.
Alors que l’affaire de fraude à la viande chevaline a mis au grand jour la circulation d’un « minerai » constitué d’on ne sait trop quoi et que l’on retrouve sans information dans l’alimentation industrielle, les farines pour poissons relèvent du même concept. Le vocabulaire utilisé est révélateur. On ne parle plus de "farines de viandes et d'os", mais de "protéines animales transformées" (PAT).
La logique est en effet similaire : mettre sur le marché sous la pression d’industriels et d’agriculteurs des sources de protéines bon marché pour concurrencer le soja dont les cours ont tendance à grimper.
L’habillage écologique dans cette affaire est grossier. La réutilisation des protéines plutôt que les détruire diminuerait la pression sur des cultures végétales gourmandes en terre, en eau et en pesticides. Sur le papier, l’idée est bonne à condition d’être mise en œuvre dans un monde parfait. Or, le secteur agro-industriel a démontré à maintes reprises qu’en l’absence de traçabilité et de contrôles, la cupidité conduit à des pratiques sanitairement dangereuses.
Un doute partagé par l’Agence française de sécurité alimentaire qui ans un rapport rendu public en 2011, s’était prononcée contre la réintroduction des PAT, précisément parce qu’il est actuellement impossible de garantir l’espèce d’origine des PAT d’un bout à l’autre de la filière.
La « maladresse » de la Commission qui a consisté à publier au Journal officiel de l'Union européenne la décision d'autoriser les farines de porc et de poulet pour l'élevage des poissons la même semaine que celle du scandale de la viande de cheval est finalement salutaire.
Elle permet de rendre visible une décision prise en fait le 18 juillet 2012 par les représentants des Vingt-Sept, sur proposition de la Commission européenne et ce, dans une indifférence médiatique générale. Trois États, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, s'y étaient alors opposés … en vain.
C’est donc aussi à l’avenir du suivi des décisions politiques européennes qu’il faudra se préoccuper.
« Tout indique qu’il y a des pratiques... par FranceInfo