Ce que la Grèce dit du démontage de l’euro
par Laurent Herblay
mercredi 22 juillet 2015
La séquence qui s’est achevée est paradoxale. D’une part, le mythe de l’irrévocabilité de la monnaie unique a été détruit par ceux qui sont sensés la défendre. Mais de l’autre, la Grèce, placée devant le choix de rester dans l’euro ou de mettre fin à sa tutelle austéritaire, a choisi le premier.
Une possibilité largement sous-estimée
En fait, les raisons du choix de la Grèce sont complexes. Comme je l’ai détaillé il y a une semaine, on peut y voir des raisons psychologiques profondes, qui tiennent au rapport du pays à l’Europe, et à la proximité de la Turquie. Et il en fallait des raisons puissantes pour qu’une telle proportion de députés Syriza choisisse de soutenir un texte pourtant totalement contraire aux promesses de leur récente campagne électorale et qui était encore pire que le texte que les Grecs avaient rejeté il y a quelques jours. Cela doit nous amener à nous interroger sur les raisons qui font que des sociétés persistent autant dans l’erreur. Et il sera trop facile de seulement incriminer les médias (après tout, les citoyens savent voter contre eux) ou les mensonges du camp que nous dénonçons. Nous avons une part de responsabilité.
Car dans l’absolu, nous avons tous les ingrédients pour démonter leurs arguments. Le projet européen, tel qu’il est conçu aujourd’hui, est complètement en échec. Il ne produit ni puissance, ni croissance. Il affaiblit les démocraties, quand il ne les nie pas. Et la monnaie unique est critiquée par la majorité des économistes : pas moins de 9 « prix Nobel d’économie », de gauche comme de droite, ont dénoncé cette construction et bon nombre affirment que la solution serait la sortie de la Grèce, notamment Krugman et Stiglitz. Et toutes les études sur les fins d’union monétaire, fréquentes au 20ème siècle, démontrent que le démontage d’une monnaie unique est quelque chose de parfaitement connu, dont les troubles sont courts, et qui permettent aux pays ainsi libérés de retrouver rapidement la croissance.
Une idée qui en sort temporairement affaiblie
Et même si je persiste à penser que les Grecs font une erreur cruelle depuis plus de cinq ans, à refuser de sortir de cette union monétaire monstrueuse, je crains que, dans un premier temps, cette séquence de six mois ne contribue à affaiblir la position de ceux qui plaident pour une telle issue. Cela vaut pour la gauche alternative, de Podemos au Front de Gauche, qui se retrouve à soutenir un parti qui a largement renoncé à son programme pour rester dans l’euro. Il lui sera difficile d’être crédible quand elle promettra de mener des politiques différentes, étant donné que les peuples européens savent désormais qu’elle est prête à jeter aux poubelles ses promesses sociales au nom de ses rêves européens et internationalistes. La gauche dite radicale s’est révélée n’être qu’une variante de la social-démocratie.
Mais on peut aussi penser que les autres partis favorables à la sortie de l’euro vont en pâtir, notamment le FN, qui gagne une sacrée épine dans le pied pour 2017, qui pourrait profondément en affecter le résultat. Tous les opposants à l’euro vont affronter l’argument que quitter l’euro serait pire qu’y rester, affirmation pourtant effarante au vu des 5 dernières années en Grèce et des études sur les fins d’unions monétaires. Mais le fait que les Grecs et Syriza aient préféré rester dans l’euro sera un argument de plus pour contrer ceux qui défendent le démontage de la monnaie unique en soutenant que si les Grecs sont prêts à tous ces sacrifices pour y rester, cela doit en valoir le coût. La crise Grecque est malheureusement, à date, un argument de plus pour ceux qui disent qu’il n’y a pas d’alternative.
Bien sûr, plus tard, avec une Grèce qui continuera à aller mal et avec une dette encore plus insupportable, l’option d’une sortie de l’euro pourrait devenir la voie de la raison. Mais dans les prochains mois, voire quelques années, l’idée risque d’affronter des vents contraires encore plus forts.