Commission européenne : mabouls ou sournois ?

par usbek
vendredi 1er mai 2009

« Qui veut voyager loin ménage sa monture ». Ce vieux dicton bruxellois a été parfaitement mis en pratique par la Commission Européenne à propos de la « déréglementation des formats des volumes d’emballage ». Ce domaine fait l’objet d’une directive européenne désormais votée par le Parlement européen mais qui était en chantier depuis des années.
 
Cette nouvelle directive, qui concerne, au premier chef, « les produits alimentaires » (moins le « café soluble et le sucre blanc », exceptions à la Rabelais qui illustrent, s’il en est encore besoin, la cocasserie ubuesque des décisions de cette Commission), mais aussi tout autre type de produits emballés comme les détergents, la laine, les peintures, etc., abroge les précédentes, toutes aussi longuement méditées.
 
Le but déclaré est de « permettre une plus grande souplesse au bénéfice du consommateur [Ben voyons !] et de l’industrie des produits de consommation [Ah bon ? Ces intérêts ne sont-ils pas, en général, quelque peu opposés ?] ». Comme souvent en pareil lieu, la sottise et la servilité aux intérêts des lobbies, qui ont pignon sur rue à Bruxelles, se doublent d’une cynique hypocrisie, comme on le verra dans la suite. On en rajoute même encore une couche, en déclarant que le but est de « mieux informer », de « stimuler la concurrence » et de “favoriser la transparence”.
 
On va voir comment et en quoi !
 
Les ONG du domaine ont, bien entendu, vite compris le coup et distingué les vraies raisons de la mise en place de telles dispositions, qui répondent, en fait, uniquement aux exigences des lobbies industriels et commerciaux. « On constate une nouvelle fois que les intérêts économiques l’emportent sur les bénéfices environnementaux, en témoigne l’incohérence des textes qui préconisent, d’un côté, une stabilisation de la production de déchets et, de l’autre, un coup de pouce au toujours plus d’emballage ».
 
En effet, dans cette affaire, non seulement la Commission européenne prétend, comme on vient de le voir, agir « au bénéfice du consommateur », mais elle invoque aussi, pour céder à la mode verte, des arguments écologiques, comme si ces dispositions allaient réduire le nombre, le poids et le volume des emballages. Comme dans l’affaire de l’heure d’été, non seulement les bureaucrates bruxellois nous pourrissent la vie par leurs règlements, aussi stupides qu’inutiles quand ils ne sont pas nuisibles, mais, en outre, ils nous prennent pour des imbéciles.
 
Le fond de l’affaire est simple. Auparavant, chacun achetait son beurre en plaquette de 250 grammes, son riz et ses pâtes en paquets d’une livre et sa peinture en pots d’un kilo. Désormais, les fabricants pourront présenter leurs produits conditionnés avec les poids et les volumes qu’ils veulent. On aura donc bientôt des plaquettes de beurre de 240 ou de 210 grammes et des bouteilles ou des packs de lait de 969 ou 887 centilitres ! L’arnaque est un peu grosse !
 
“Que nenni !” vous rassure la bonne Commission européenne, si bienveillante à notre endroit et si soucieuse de la défense de nos intérêts. En effet, sur ces produits dont poids et volumes seront réduits, devront toujours figurer le poids comme le prix au kilo, comme cela se fait déjà dans l’étiquetage en rayons de nombre de grands distributeurs. Vous savez bien ! Le prix au kilo, c’est ce qui est indiqué, en caractères minuscules, généralement le plus bas et le moins visible possible !
 
Indépendamment de tout autre aspect, cela va permettre d’arnaquer, a priori et sans le moindre problème, un important ensemble de consommateurs que je cite ici dans le désordre et sans viser à être exhaustif : les mal-voyants, les étrangers, les distraits, les myopes, les presbytes, les illettrés, les vieillards, les pressés, ceux qui ont oublié leurs lunettes, ne les trouvent pas ou renoncent à les chercher, etc. Bref, tout cela doit bien constituer au moins 50% à 60% de la clientèle et l’on peut compter sur les honnêtes fabricants pour faire en sorte que, comme les dates de péremption des produits, les indications indispensables soient aussi inaccessibles aux regards que possible.
 
La sortie de ce texte, qui traîne depuis deux ans dans les tuyaux bruxellois, est, sans le moindre doute, accélérée par la présente crise économique et la recherche d’une baisse des prix, fût-elle en trompe-l’oeil, dans un contexte où nul n’envisage d’augmenter les petits salaires, en dépit des promesses faites sur le pouvoir d’achat. Quel meilleur moyen de faire baisser les prix, au moins en apparence, sans toucher aux bénéfices des fabricants, des innombrables intermédiaires et des milliardaires de la grande distribution, que de vendre, en fait au même prix qu’avant, un kilo de beurre ou de sucre de 800 grammes et un litre de lait ou d’huile de 750 centilitres ?
 
Comment nôtre si imaginative Commission européenne a-t-elle pu ne pas songer à une mesure bien plus simple, qui serait encore moins visible. Il suffirait, en effet, de modifier cet archaïque système européen des poids et mesures par une disposition générale, comme pour l’heure d’été. On définirait alors un nouveau kilo et un nouveau litre, “étalons” l’un et l’autre, sur la base également nouvelle de 900 grammes et de 900 centilitres par exemple ?
 
Fastoche non ?
 

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