Dans la dernière ligne droite des élections européennes, les partisans de l’UE jouent le tout pour le tout et essaient de convaincre les électeurs de ne pas envoyer valser cette mauvaise Europe qui les torture et refuse de les écouter. Petit florilège et décryptage des arguments les plus courants.
Les euro-sceptiques / anti-européens : pour les UE-béats, toutes les personnes qui osent critiquer l’UE sont tout de suite qualifiées d’hostiles à l’Europe. Par-delà le fait qu’il est difficile d’être hostile à une réalité géographique, les eurosceptiques ne sont pas forcément hostiles à toute idée de construction européenne. Si certains le sont, une majorité reste favorable à une coopération avec les autres pays européens, mais une coopération radicalement différente de l’UE, une coopération qui respecte la volonté démocratique des peuples, une coopération qui refuserait la mise en place d’une bureaucratie qui dicte les politiques à mener dans les pays européens, une coopération basée sur des projets concrets visant à construire les Airbus du 21ème siècle, dans la lutte contre le cancer, les énergies propres ou les substituts des hydrocarbures. Ce sont les euro-béats qui détruisent l’idée européenne avec leur monstre.
Si l’Europe ne marche pas, c’est à cause des égoïsmes nationaux : voici l’argument traditionnel des fédéralistes qui admettent que la situation n’est pas très bonne, et qui retournent la responsabilité des problèmes sur les nations. Si cela est habile, cela est très contestable. Après tout,
l’UE a été enrichi de nombreux traités et règles qui devaient justement bien la faire fonctionner. A quoi servait le traité de Lisbonne sinon ? Et depuis, nous avons eu droit à
tout un arsenal austéritaire, avec le six pack, le two pack et le TSCG. Les nations ont beaucoup cédé. Alors certes, cela n’est pas trop le cas sur le budget, mais en quoi mettre en place un budget commun règlerait les problèmes. Si on prend à Paul pour donner à Pierre, l’un en profitera, mais l’autre y perdra. Il s’agit d’un jeu à somme nulle.
Les euro-sceptiques sont des passéistes : c’est l’argument ultime, mais bidon, de la modernité, qui reflète souvent un manque criant d’arguments chez ceux qui l’utilisent. Mais cet argument est doublement ridicule. D’abord, plus de 160 pays dans le monde ne voient pas l’utilité de se doter d’une structure comparable à l’UE. En outre, l’idée d’une Europe fédérale et intégrée commence à dater (Victor Hugo en parlait au 19
ème siècle). On pourrait donc dire que c’est l’UE elle-même qui est une idée passéiste et
qu’il faut regarder vers l’avenir pour construire une Europe qui fonctionne.
Notre seule solution dans la mondialisation : il s’agit sans doute de l’argument le plus fort des partisans de l’UE, largement utilisé lors du référendum sur le traité de Maastricht. Face aux Chinois, aux Indiens, ou aux Etats-Unis, l’Europe serait notre seul moyen de se défendre. Mais ce raisonnement a une double faiblesse. D’abord, des pays bien moins riches que la France parviennent à dompter la mondialisation et à se protéger,
y compris par des mesures protectionnistes fortes,
comme la Corée du Sud,
ou l’Argentine. Et la Malaisie, en 1998, a mis en place un contrôle des changes, dont le FMI reconnaît, avec retard, qu’il s’agissait de la bonne option, alors qu’il recommandait l’inverse à l’époque. Mais en plus, ce n’est pas parce qu’il y a la mondialisation qu’il faut construire l’Europe à la manière de l’UE, bien au contraire.
L’UE n’est pas la seule voie possible pour la construction européenne, mais une voie (défectueuse) parmi d’autres.