Démonter les arguments des eurobéats

par Laurent Herblay
mercredi 21 mai 2014

Dans la dernière ligne droite des élections européennes, les partisans de l’UE jouent le tout pour le tout et essaient de convaincre les électeurs de ne pas envoyer valser cette mauvaise Europe qui les torture et refuse de les écouter. Petit florilège et décryptage des arguments les plus courants.

L’Europe, c’est la paix  : voici sans doute l’argument le plus tarte à la crème. Si on ne peut pas ignorer que les pays membres de l’UE ne se sont pas faits la guerre depuis 1945, on peut mettre au défi quiconque de démontrer que tel n’aurait pas été le cas s’il n’y avait pas eu la CEE ou l’UE. De nombreuses autres raisons expliquent la paix : l’arme nucléaire, la guerre froide, le dégoût suscité par les deux précédents conflits. Et cela ne signifie pas non plus qu’il faille construire l’Europe de la manière dont elle est construite depuis 30 ans. Il existe de nombreuses autres façons de le faire
 
L’Union, c’est la force  : c’est l’argument massue choisi par le centriste Jean-Louis Borloo. Même s’il y a une part de vérité, à savoir que les alliances peuvent donner de la force, cet argument reste bien léger. D’abord, il y a des unions qui affaiblissent. Il suffit de voir la croissance de la zone euro depuis la mise en place de la monnaie unique pour s’en rendre compte… Car le problème de cette UE, c’est justement qu’il s’agit d’une union uniformisatrice et néolibérale. La taille unique ne convient pas à des pays aussi différents. Et le dogme de la libre-circulation des biens, des capitaux et des personnes pénalise des pays européens au modèle social avancé. Enfin, l’union, ce n’est pas forcément l’UE. On peut la concevoir de manière souple et à la carte, comme le plan B défendu par Debout la Républlique. On peut travailler avec les peuples européens sans sacrifier ce qui nous distinguent et en refusant le néolibéralisme.

Les euro-sceptiques / anti-européens  : pour les UE-béats, toutes les personnes qui osent critiquer l’UE sont tout de suite qualifiées d’hostiles à l’Europe. Par-delà le fait qu’il est difficile d’être hostile à une réalité géographique, les eurosceptiques ne sont pas forcément hostiles à toute idée de construction européenne. Si certains le sont, une majorité reste favorable à une coopération avec les autres pays européens, mais une coopération radicalement différente de l’UE, une coopération qui respecte la volonté démocratique des peuples, une coopération qui refuserait la mise en place d’une bureaucratie qui dicte les politiques à mener dans les pays européens, une coopération basée sur des projets concrets visant à construire les Airbus du 21ème siècle, dans la lutte contre le cancer, les énergies propres ou les substituts des hydrocarbures. Ce sont les euro-béats qui détruisent l’idée européenne avec leur monstre.

Si l’Europe ne marche pas, c’est à cause des égoïsmes nationaux  : voici l’argument traditionnel des fédéralistes qui admettent que la situation n’est pas très bonne, et qui retournent la responsabilité des problèmes sur les nations. Si cela est habile, cela est très contestable. Après tout, l’UE a été enrichi de nombreux traités et règles qui devaient justement bien la faire fonctionner. A quoi servait le traité de Lisbonne sinon ? Et depuis, nous avons eu droit à tout un arsenal austéritaire, avec le six pack, le two pack et le TSCG. Les nations ont beaucoup cédé. Alors certes, cela n’est pas trop le cas sur le budget, mais en quoi mettre en place un budget commun règlerait les problèmes. Si on prend à Paul pour donner à Pierre, l’un en profitera, mais l’autre y perdra. Il s’agit d’un jeu à somme nulle. 
 
Si l’Europe ne marche pas, c’est parce qu’on est pas allé assez loin  : c’est encore un argument classique des eurobéats, qui renverse le problème dans leur intérêt. Mais il reste très contestable. En effet, plus l’intégration européenne avance, plus les pays européens vont mal. Il semble donc au contraire que c’est parce que nous allons de plus en plus loin que nous allons de plus en plus mal, comme le montre notamment les chiffres de croissance ou du chômage de la zone euro. En outre, on se demande bien sur quelles preuves reposent un tel argument. En quoi confier plus de pouvoir à l’UE aurait permis d’éviter la crise espagnole par exemple ? Pour eux, ce pays était un modèle en 2007.
 
Les euro-sceptiques sont des passéistes  : c’est l’argument ultime, mais bidon, de la modernité, qui reflète souvent un manque criant d’arguments chez ceux qui l’utilisent. Mais cet argument est doublement ridicule. D’abord, plus de 160 pays dans le monde ne voient pas l’utilité de se doter d’une structure comparable à l’UE. En outre, l’idée d’une Europe fédérale et intégrée commence à dater (Victor Hugo en parlait au 19ème siècle). On pourrait donc dire que c’est l’UE elle-même qui est une idée passéiste et qu’il faut regarder vers l’avenir pour construire une Europe qui fonctionne.
 
Notre seule solution dans la mondialisation  : il s’agit sans doute de l’argument le plus fort des partisans de l’UE, largement utilisé lors du référendum sur le traité de Maastricht. Face aux Chinois, aux Indiens, ou aux Etats-Unis, l’Europe serait notre seul moyen de se défendre. Mais ce raisonnement a une double faiblesse. D’abord, des pays bien moins riches que la France parviennent à dompter la mondialisation et à se protéger, y compris par des mesures protectionnistes fortes, comme la Corée du Sud, ou l’Argentine. Et la Malaisie, en 1998, a mis en place un contrôle des changes, dont le FMI reconnaît, avec retard, qu’il s’agissait de la bonne option, alors qu’il recommandait l’inverse à l’époque. Mais en plus, ce n’est pas parce qu’il y a la mondialisation qu’il faut construire l’Europe à la manière de l’UE, bien au contraire. L’UE n’est pas la seule voie possible pour la construction européenne, mais une voie (défectueuse) parmi d’autres.

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