Dossier : Pourquoi est-il impossible de sortir de l’UE ?

par Darwa
vendredi 12 novembre 2010

 Pourquoi l’idée d’une sortie de l’union européenne est-elle si impensable ? Pourquoi nos politiques sont-ils les fervents défenseurs d’une organisation au bilan médiocre depuis 50 ans. Pourquoi se couchent-ils devant la commission européenne. Par quel miracle ? Tentative de réponse en plusieurs parties dont voici la première.

En matière de politique moderne les divergences d’idées constituent la règle éternelle. Pas de désaccord, pas de politique. C’est ce dicton éternel qui prévaut depuis des lustres. Tous les débats et élections sont ainsi une occasion supplémentaire de mesurer les écarts d’opinions entre différents candidats et les multiples partis qui composent le visage de nos démocraties modernes. Même au sein d’une même formation politique les nombreux courants en présence accentuent l’idée qu’un consensus général sur tel ou tel sujet est impossible à obtenir. C’est en quelques sortes une loi mathématique et statistique.

Si 90% des membres d’un parti sont d’accord sur tous les sujets ou obtiennent un consensus immédiat sur un projet de loi quelconque, c’est que les membres du parti n’ont pas d’autre choix possible et que le système politique et décisionnel bloque tout. C’est un principe indéniable car il est historiquement, sociologiquement et psychologiquement impossible que 100% d’une population de quelque organisation que se soit obtienne d’emblée un accord. Inévitablement des divergences se feront entendre. Rien ne sera gagné d’avance ou obtenu rapidement. Taxe carbone, TVA, aides publiques, réforme de la retraite, du temps de travail légal ou de la sécurité sociale, tout examen de ces questions provoquera à coup sur des débats houleux, des tempêtes médiatiques et des ultimatums divers et variés. Faut-il réintégrer la structure de commandement de l’OTAN, faut-il renforcer les troupes française en Afghanistan, comment répondre aux crises humanitaires africaines ou aux ambitions nucléaires de l’OTAN ? Que faire face à la mondialisation ou au réchauffement climatique. ? Comment combattre le terrorisme. Autant de sujets ou les candidats ne seront pour ainsi dire jamais d’accord, aussi bien entre partis opposés qu’en interne sans d’intenses discussions qui peuvent parfois durer des années.

En revanche, il est un sujet sur lequel de façon certaine, la quasi-totalité des membres des élites politique, qu’ils aient des ambitions présidentielles ou non exprimeront le même avis. Ils ne ménageront pas leurs efforts pour le faire entendre chaque fois qu’une échéance électorale de grande envergure se profilera à l’horizon. Les candidats aux présidentielles ne cesseront pas de réitérer leur soutien indéfectible à une organisation au bilan médiocre : l’union européenne. Malheur à celui qui critiquera beaucoup trop cette union ou s’opposera à son existence.

En matière de politique européenne, pour les politiciens, il ne s’agit ni plus ni moins qu’un concours de séduction où le but affiché est de crier le plus fort possible son attachement et son amour à cette union européenne. De ce fait, l’oral devant les élites pro-européennes devient un passage obligé pour tout présidentiable. Une opération séduction des lobbies qui constituent une force qu’il ne faut pas négliger.

Sept mois avant le début officiel de la campagne présidentielle de 2007 en France, alors même que Ségolène Royal bataillait pour remporter les primaires au sein du Parti Socialiste et que Nicolas Sarkozy écartait sans effort les ultimes remous de Dominique de Villepin et Michel Alliot-Marie à l’UMP, les deux candidats au poste ultime de ces deux grands partis potentiels paradaient déjà devant les lobbies européens afin d’exprimer leur vision de l’Europe.

C’est ainsi que dès septembre 2006 institutionnels, fonctionnaires, diplomates et chercheurs européens s’étaient réunis par le biais du cercle de réflexion "Friends of europe" et la Fondation Robert Schuman dans leur fief bruxellois pour écouter Nicolas Sarkozy donner son plan pour l’avenir de l’union européenne. Une grande occasion de rassurer les lobbyistes en présentant sa vision de l’Europe. Pour lui les mesures qui, "en dépit du rejet français (...), avaient fait l’objet d’un large consensus lors de la campagne référendaire, adoption d’un "mini traité" pour les réformes les plus urgentes, révision du fonctionnement de la Commission européenne, changement des règles de l’unanimité pour remédier à la paralysie de l’Europe élargie, "étaient les chantiers importants qu’il s’attacherait à entamer si il parvenait à être élu président « C’est le premier homme politique français qui propose une sortie de crise" analysa Guillaume Durand, politologue à l’European Policy Center, l’un des think tank les plus influents à Bruxelles. "Il a exposé sa vision de l’intégration européenne sans rentrer dans le débat fédéraliste. Cela a suffit à mettre la moitié de la salle en extase" ajouta-t-il.

Quant à Ségolène Royal, qui passa aussi sur le grill, elle annonça d’abord qu’elle serait là avant tout pour écouter préférant ne prendre aucun risque consciente de la fracture entre les électeurs PS ayant voté non au referendum sur la constitution européenne de 2005 et la volonté des lobbyistes pro-européens. Elle à donc opté pour un statu quo alors que toutes les élites se posent la même question : quel avenir pour l’Europe ? Ils attendaient des réponses qui allaient dans leurs sens et l’attitude de Ségolène les a contrariés. Accompagnée par Michel Rocard et Gilles Savary caution pro-européennes de longue date, elle à ainsi failli d’entrée à rassurer les élites Bruxelloises. "Après le discours de Sarkozy, la réaction de Ségolène Royal fait forcément un peu sourire. Si elle en est au stade de se forger une opinion sur l’Europe cela ne fait pas très sérieux déclare encore Guillaume Durand. La conférence de presse qui avait été annoncée après son oral face aux friends of europe avait de surcroit été annulée, afin de ne pas, selon son porte-parole Georges Savary « s’exprimer (…) sur un sujet de cette importance en 30 minutes ». Pas de vision européenne de Mme Royal présidente de la république française. C’est ce que les média et les lobbies auront retenu. Les propos échangés avec les journalistes, présents à la sortie de son rendez-vous avec Josep Borrel lauréat du prix de la carpette anglaise, un prix d’indignité civique, attribué à un membre de « l’élite française » qui s’est particulièrement distingué par son acharnement à promouvoir la domination de l’anglo-américain en France au détriment de la langue française, ont inquiété les pro-européens. Selon la candidate à la candidature, « c’est une erreur de mettre la réforme des institutions comme préalable à la définition des actions européennes et à la définition d’un avenir pour l’Europe » (…) et « Il faudra un nouveau traité et surtout un traité social. L’Europe actuelle n’a qu’une jambe économique. Sans sa deuxième jambe sociale, rien n’est possible. » .

Autrement dit Ségolène Royal proposait de ne rien faire et de continuer à réfléchir à une autre Europe. Des propos inacceptables pour le lobby qui a choisi son candidat : Nicolas Sarkozy. Consciente de son échec elle propose un mois plus tard le 12 octobre son propre programme pour l’Europe. "Je veux, si je suis élue, remettre l’Europe en mouvement, lui redonner un souffle", a-t-elle assuré. "Je veux que l’Europe avance par la preuve et l’action, il faut construire l’Europe des gens, qui réussit à lutter contre le chômage, contre la vie chère, contre toutes les formes de précarité". La candidate socialiste, a également déclaré qu’elle demanderait à l’Europe de relancer la Constitution européenne si elle était élue". Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius n’ont pas non plus osé critiquer l’Europe plus que ça. « L’Europe par la gauche », pour Laurent Fabius, l’Europe par le compromis et la relance de l’axe franco-allemand’, selon Dominique Strauss-Kahn". Alors que l’Europe fut un sujet de divorce au sein du PS au moment du referendum sur la Constitution européenne de 2005, le modèle de construction de cette organisation fait désormais consensus. DSK avait jugé, urgent de négocier un nouveau traité d’ici à 2008. 

La perspective d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne a aussi très vite mis en lumière la position intenable de Ségolène Royal. Raillée pour avoir expliqué auparavant que, sur l’adhésion d’Ankara, son avis sera celui des Français, elle à entretenu le flou sur ses convictions personnelles comme paralysée par l’idée de contredire les électeurs socialiste en majorité contre l’entrée de la Turquie. Pour Besancenot et l’extrême gauche d’une manière générale l’Europe doit être anticapitaliste mais là encore très peu de remise en cause de sa légitimité. En ces temps de difficulté pour le projet européen, il est donc indispensable de rester fidèle à cette idée d’union européenne et ce quoi qu’il arrive. Pas question de remettre en cause l’existence de l’union, pas question de trop la chambouler, pas question de trop se mouiller au risque d’être rangé dans le même camp que ceux qui prônent le démantèlement de l’union européenne, le camp de l’extrême droite. Comment expliquer cette situation, comment se fait-il que personne dans le débat politique crédible n’exprime une remise en cause totale de la construction européenne. Comment se fait-il que personne ne dise clairement que peut-être, cette union tant rêvée ne mène à rien. Les divergences existent mais sur des points de détails qui ne représentent pas vraiment de freins énormes ou de profondes remise en cause de la machine européenne. Une situation incompréhensible, d’autant plus que les désaccords sont conséquents sur la quasi- totalité des autres problèmes auxquels le France est confrontée. La politique européenne a déraillé, le poids de l’Europe est faible d’un poids de vue diplomatique, elle marche sur la tête et la majorité des citoyens sont conscient que la construction européenne présente un bilan médiocre de nature à remettre en cause l’idée même de l’UE. Pourquoi nos élites s’acharnent-elles à défendre cette entité sclérosée avant même d’avoir commencé à véritablement exister et alors que le divorce avec le peuple est consommé ?

La suite au prochain épisode...


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