Et à la fin, ce sont les clubs anglais mondialisés qui gagnent ?

par Laurent Simon
lundi 13 mai 2019

4 sur 4 ! Ce sont quatre clubs anglais de foot qui se disputeront les 2 finales européennes :

Des clubs anglais qui réussissent...

En ce qui concerne la compétition la plus prestigieuse (la Ligue des Champions), ce n'est pas vraiment étonnant pour Liverpool c'est "le club anglais qui aura disputé le plus grand nombre de finales de la Ligue des champions : 7, avec celle à venir du 1er juin. Il devance Manchester United (4 finales), Chelsea et Nottingham Forest (2 finales chacun)." Mais "Tottenham n’avait jamais accédé à une finale de la Ligue des champions depuis 1979". [1]

Ce n'est pas non plus étonnant qu'un club anglais parvient en finale de cette Ligue des Champions (16 occurrences), ni qu'un club anglais la gagne, c'est arrivé 9 fois depuis 1979.

"Liverpool a été sacré à trois reprises : en 1981 face au Real Madrid, en 1984 contre l’AS Rome et en 2005 face à l’AC Milan. Manchester United a remporté le trophée 2 fois (en 1999 face au Bayern Munich, en 2008 face à Chelsea), tout comme Nottingham Forest (en 1979 contre Malmö, en 1980 contre Hambourg). Chelsea a été titré en 2012 en l’emportant face au Bayern Munich."

.. bien mieux que l'Angleterre en tant que pays...

Mais si nous sommes surpris, n'est-ce pas en grande partie parce que l'Angleterre réussit beaucoup moins bien en tant que pays, dans les compétitions internationales : Coupe du Monde, et en Coupe de l'Euro ? Voir par exemple :

En effet, faut-il rappeler que ces 4 clubs anglais comptent seulement 8 joueurs anglais (18%) sur les 44 titulaires ?!!!

Et que les clubs anglais, qui se disputent la "Premier League" devraient "s’imposer bien plus largement sur le théâtre européen, en s’en tenant aux chiffres financiers" :

... mais pas à la hauteur de leur richesse financière qui réunit de tels talents...

Selon le cabinet Deloitte, le championnat anglais a dégagé un chiffre d’affaires de 4,8 milliards de livres sterling (5,6 milliards d’euros) la saison dernière. C’est environ 60 % de plus que les championnats allemand ou espagnol et 3 fois plus qu’en France. [2]

Finalement, que ce soit dans les compétitions entre clubs, ou entre nations

Tous ces éléments nous indiquent que cela ne peut être le seul fait du hasard, d'une coïncidence ; c'était déjà vrai au niveau des compétitions entre nations, et cela se confirme au niveau des compétitions entre clubs !

... notamment du fait de particularismes britanniques, qui incitent les aînés anglais à se replier sur eux-mêmes...

Or qu’est ce qui distingue particulièrement la Grande Bretagne par rapport à tous les autres pays de l’UE ?

Seul pays UE à avoir demandé à sortir de l’Union (d’ailleurs les votes pro Brexit n’ont été majoritaires qu’en Angleterre, alors que l’Ecosse et l’Irlande du Nord ont souhaité très majoritairement rester en UE), la Grande Bretagne est aussi le seul à combiner à ce point plusieurs spécificités :

L’Angleterre a été le cœur du Common Wealth, auquel beaucoup d’anglais essaient de se raccrocher alors qu’il est totalement anachronique : une bonne partie des Anglais n’a pas fait le deuil de l’ancien Empire, de sa grandeur passée, et mythifiée.

Tout ceci a permis qu'une presse très spécifique prospère (les fameux tabloïds britanniques, à très large diffusion) qui n’hésite pas à nier ou transformer la réalité, rabâcher des inepties. Jusqu’à se faire le relai de campagnes de haine [3], comparer les dirigeants de la Commission européenne à Hitler, présenter l’Union Européenne comme une dictature, et la Commission comme la source de toutes les difficultés, alors que les décisions sont celles du Conseil, constitué par des dirigeants élus (ou du Parlement européen, très démocratique).

Et 3 ans après le vote du Brexit, la vérité apparaît bien cruelle, bien moins attrayante que les Brexiters ne la présentaient (voir par exemple : Les inepties, mensonges et manipulations des ’Brexiters’ et autres populistes et : Extrême droite, peurs... fausses et vraies solutions ) [4].

Au point que le Royaume Uni est plus divisé que jamais, avec l’incapacité de ses dirigeants et parlementaires à trouver un accord sur ce qui pourrait être le futur proche du pays ! Jusqu'à devoir se résoudre à participer aux élections européennes, contrairement à ce vote défouloir et hystérique d'il y a 3 ans.

N’est-il pas plus facile de dire Non à l’Europe, et de toutes les manières possibles (8 fois 'non' au Parlement [5]), que de faire ce qu'il faut pour se mettre d’accord et construire un projet commun, à la fois à l’intérieur du pays et avec les autres pays ?

Heureusement, les jeunes anglais ont (enfin) compris l'utilité d'aller voter, et ils pourront contribuer à définir la nouvelle relation de leur pays à l'UE : la situation bloquée actuelle nécessitera à brève échéance ou de nouvelles élections, ou un nouveau référendum, demandé par une part croissante de la population. Et il se trouve aussi que le rythme de remplacement des générations plus anciennes par les plus jeunes est suffisant pour faire décroître rapidement la proportion de brexiters dans la population, en-dessous de 50%. [6]

Mais pour qu'un éventuel référendum puisse être pertinent, il faudra qu'il ne se réduise pas à un simple Oui ou Non (à l'accord obtenu par Theresa May), mais qu'il aide à dessiner de réelles perspectives. C'est d'ailleurs toute la difficulté des referendum, quand il s'agit de traiter de questions extrêmement complexes. Faut-il aussi rappeler qu'un sondage 'sortie des urnes' en 2005 montrait que "ceux qui ont voté NON ont surtout exprimé un fort mécontentement par rapport à la situation économique et sociale du pays (à 40% et même 50%) ... ils sont seulement 36% (c’est-à-dire seulement 20% des votants !) à avoir voté contre le Traité Constitutionnel, mais c’est l’Europe, la France et les Français qui en feront les frais " [7]

... et qui privent les joueurs anglais d'un soutien très précieux dans les tribunes, notamment européennes !

Pour en revenir au footbal : ces particularismes anglais et britanniques, cette insularité revendiquée, cette distance affichée par rapport aux autres pays européens expliquent en grande partie que le soutien dans les tribunes de foot soit plus faible qu'envers les autres joueurs européens. C'est en tout cas l'hypothèse la plus probable pouvant expliquer que la réussite (aux compétitions) des anglais soit si nettement inférieure à celle des autres joueurs européens, d'après l'étude statistique que nous avions réalisée (base de nos articles Agoravox de 2018, cités au début de l'article).

Finalement, le nationalisme (la haine ou le rejet de l'autre) s'avère bien moins productif que le patriotisme (aimer son pays, ses concitoyens). L'histoire l'avait bien montré, sans aucune exception, mais cela s'avère vrai aussi dans le football.

En tout l'excès n'est-il pas un défaut, ainsi que tout extrémisme, tout simplisme ?

 


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