Europe : Sarkozy s’assure avec brio un état de grâce... jusqu’en septembre !

par Daniel RIOT
mardi 10 juillet 2007

Pari gagné. En fanfare. Comme après son premier Conseil européen, Nicolas Sarkozy peut afficher l’autosatisfaction la plus brillante et la plus claironnée après sa prestation à l’Eurogroupe. Ses arguments, bien frappés, ont fait mouche : il a obtenu l’essentiel de ce qu’il voulait - un feu vert à sa politique économique et financière, donc... à ses entorses au Pacte de stabilité et de croissance et aux promesses de... Chirac !

Mais, il a surtout gagné un sursis : confiance jusqu’en... septembre. C’est court ! Encore un défi qu’il se lance : c’est lui qui a avancé la date où il refera un point sur les perspectives de réductions des déficits. « 2012 sans croissance, 2010, avec croissance »... Coincidence ? Il vient de faire savoir que des économistes "indépendants" allaient le conseiller à l’Elysée...

Sarkozy, en grand artiste de la politique, a su, comme souvent, trouver les mots et le ton que ne peuvent que plaire à son public. Même les plus sceptiques, les plus réticents, les plus critiques et les plus inquiets se sont crus obligés, sinon de l’applaudir du moins de reconnaître ses talents et de ne voir, publiquement, que les côtés positifs d’une situation qui, en fait, n’incite guère à l’optimisme...

Oui, une France dynamique en Europe vaut mieux qu’une France éteinte. Oui, le président français a su faire accepter son pari (risqué) sur la confiance et la croissance. Oui, bien des remarques critiques du locataire de l’Elysée méritent réflexions sur nombre d’inflexions éventuelles. Oui, sa « transparence » mise en avant et sa volonté d’une « application intelligente et dynamique du pacte de stabilité » méritent d’être louées, au moins jusqu’en... septembre. Oui, surtout, par sa présence même, sans précédent, dans cette enceinte qui rêve de devenir un vrai gouvernement économique et monétaire de la zone euro, Sarkozy a démontré un activisme dont l’Union a bien besoin.

Sarko, le « Monsieur 100 000 volts » de l’Union ! Qui se moquait de son côté « lapin Duracel », de son aspect « hyperactif non soigné », de sa « libido communicationnelle » ? Son dynamisme est communicatif et sa confiance est contagieuse...

Il suffisait de voir Jean-Claude Junker, d’ordinaire si luxembourgeoisement sobre faire éclater sa joie. Heureux, le Premier ministre du grand duché, président en exercice de l’Eurogroupe ! « Je suis content... Je suis rassuré... J’ai confiance... La France ne sera plus jamais le pays de l’immobilisme ».

Ceux qui connaissent un peu Junker savent qu’il en a rajouté un peu. Diplomatie oblige. N’avait-il pas été l’un des plus émus pendant les adieux de Chirac à l’Europe ?

Ce fervent Européen déçu des pannes actuelles connaît trop les hommes et les institutions pour ne pas forcer le trait quand les circonstances l’exigent. Surtout quand, à travers une personnalité aussi volubile et subtile que celle de Sarkozy, il voit une occasion de relancer une machinerie bien grippée...

Junker savait surtout que, ce soir, c’était à lui de donner le « la » du soulagement et de l’espoir. Après les critiques (sérieuses) formulées contre les positions de Sarkozy par certains de ses partenaires (le ministre allemand en tête) et avant les « rappels à la rigueur » que la Commission, dans son rôle, ne manquera pas de faire dès ce matin entre deux phrases chaleureuses pour ce Français qui joue si bien aux grands qu’il sait faire oublier et sa taille et l’énormité des problèmes de dettes de son pays...

La banque centrale

Il savait aussi, Jean-Claude Junker, que ses débordements de satisfactions allaient faire « avaler » à Sarkozy quelques sujets de mécontentements... Car sur le fond, Sarkozy n’a guère fait bouger les lignes.

Euro « fort », indépendance de la banque centrale, politique industrielle « musclée », retour à une « préférence communautaire » au parfum de protectionnisme : rien de nouveau sous le ciel plein de nuages... Même la proposition sarkozyenne d’un Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement consacré à la politique économique et monétaire a été écoutée, poliment, mais n’a pas été entérinée : il est vrai que ce n’est pas à ce niveau qu’une telle décision peut-être prise et que Sarkozy pourra toujours la relancer au prochain Conseil européen.

Ce sera un effet d’annonce de plus... Et son succès apparent lui permet de ne rien dramatiser : « Sur la politique monétaire, j’en ai brièvement discuté avec mon ami Jean-Claude Trichet, nous ne sommes pas exactement sur la même longueur d’onde », a-t-il lâché, sourire en coin, comme pour montrer qu’il sait, aussi, manier la litote...

« Je fais de la politique », se plaît à répéter Sarkozy. Il n’est pas le seul. Junker en fait aussi. Dans son style. Mais qui s’en plaindra ? La « construction européenne » est d’abord une affaire politique. Sur ce point, Sarkozy a pleinement raison. Mais la politique, elle se juge aussi et surtout sur les résultats, pas seulement sur les... paris.

De ses dettes, la France devra bien s’en défaire. Pas seulement pour que l’Union européenne conserve sa crédibilité, mais pour que les Français vivent mieux...On ne pourra pas longtemps se laisser bercer par des phrases du style : « Il faut savoir faire des dépenses pour faire des réformes et il faut un peu de temps pour que les réformes génèrent des économies »...

Daniel RIOT


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