Grèce : entre épreuve de force et ouverture au compromis

par Laurent Herblay
jeudi 5 février 2015

Depuis quelques jours, la situation semble se tendre en Grèce, entre un Juncker qui dénie le principe même de démocratie et Alexis Tsipras qui multiplie les déclarations chocs. Mais au bout, je persiste à croire qu’un compromis devrait finir par être trouvé entre les dirigeants européens et Athènes.

La tension qui monte
 
Le nouveau gouvernement grec maintient la pression sur ses créanciers tortionnaires. D’abord, il a mis un coup d’arrêt aux privatisations qui faisaient pourtant partie du plan de la troïka, alors même que les ventes restent minimes par rapport à ce qui était prévu. Plus fort encore, la Grèce s’est dite prête à se passer des 7 milliards d’euros que l’UE doit verser dans quelques semaines et le nouveau ministre des finances a déclaré qu’il ne souhaitait pas négocier « avec une commission branlante, la (délégation de la) troïka  ». Quand on sait en plus qu’Alexis Tsipras semble pouvoir compter sur la Russie s’il ne trouve pas d’accord avec l’UE et qu’une option argentine reste possible, la pression est sur l’Europe.
 
Et elle monte doublement. D’abord, l’équation grecque divise les créanciers de la Grèce, entre Berlin qui semble rester intransigeant, et Paris plus ouvert aux demandes de Tsipras, pas à une incohérence près, mais qui y voit un gain politique potentiel. Mais en plus, le séisme grec se répercute sur tout le continent. En Espagne, c’est un encouragement formidable pour Podemos, qui semble en mesure de prendre le pouvoir dans quelques mois et a organisé une grande marche il y a quelques jours. Mieux, la renégociation en cours pose problème en Irlande, où le gouvernement a appliqué les potions amères de la troïka, ce qui amène les citoyens à se demander s’ils n’auraient pas pu être plus durs avec l’UE.
 
L’accord reste probable

Mais cette instabilité a des chances de pousser l’UE à transiger pour éteindre l’incendie grec et la révolte des citoyens contre cette construction qui torture ses enfants au nom de dogmes délirants. En effet, la Grèce a ouvert la porte des négociations en proposant une solution où il n’y aurait plus de décote de la dette, le chiffon rouge pour les pays créditeurs. Le ministre de l’économie a proposé dans le Financial Times de ne pas toucher au montant total de la dette, mais de jouer sur les modalités de remboursement, avec la création d’obligations perpétuelles, non destinées à être remboursées, mais portant intérêt, ce qui soulagerait la trésorerie, et des obligations indexées sur la croissance.

Cette idée a été accueillie avec enthousiasme par les marchés qui y voient une issue rapide pour la crise ouverte par l’élection de Syriza en Grèce, cette solution permettant de contenter toutes les parties, comme on pouvait l’anticiper depuis le début. Bien sûr, il est regrettable qu’Athènes ne cherche pas à voler de ses propres ailes monétairement, ce qui serait la meilleure solution, mais il faut bien reconnaître que Syriza semble en voie de faire accepter un changement de cap radical qui améliorera largement la vie des Grecs, ce qui ne faut pas oublier. Et puis, même si la fissure grecque est vite colmatée, d’autres commencent à s’approfondir, en Espagne, en Italie, et même en Allemagne.

Bref, il est probable que pour survivre, les dirigeants européens seront prêts à des compromis colossaux du moment qu’ils leur permettent de donner le change, comme cela semble devoir se faire en Grèce, mais tout l’édifice européen est affaibli et il entame une lutte contre le temps qu’il ne gagnera pas.


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