Grèce – Irlande, ce n’est pas la même crise

par Michel Koutouzis
mardi 23 novembre 2010

 A entendre la voix de Bruxelles, la « Grèce est sur la bonne voie », en suivant les mesures imposés par la Commission et accompagnées par le FMI. Etant donné que Dublin, après moult hésitations, vient de prendre la voie de la même solution, il serait bon, de manière très pragmatique de faire un portrait robot de a situation actuelle à Athènes.

La récession tout d’abord : A 4,5 %, elle se situe au plus haut niveau de tous les pays membres. En conséquence, le chômage s’est propulsé à 12,2 de la population active. Ce n’est pas faute d’une main d’œuvre bon marché. Les salaires, globalement, ont baissé de 8%. Les impôts sur ces salaires s’élèvent, quant à eux, à 16 %, un record européen. Enfin, les autres prélèvements directs, représentent désormais 60% de la masse salariale, avec une TVA de 23% et une taxe sur les carburants de presque 70 centimes par litre (encore un record européen). 

Dire que les couches les plus pauvres de la population sont les premières victimes de ces mesures c’est un euphémisme. D’autant plus que l’inflation « court » à 5,2, et les prix des produits de première nécessité deviennent, chaque jour, un peu plus prohibitifs. Voilà ce qui attend l’Irlande.

 Cela dit, la crise de la dette est très différente en Grèce et en Irlande. Ce qui, à mon sens, explique pourquoi Athènes a attendu pendant des mois pour accéder au crédit institutionnel et pourquoi en Irlande les choses ont été pliées en un coup d’œil.

Les deux pays sont certes surendettés. Mais pas pour les mêmes raisons. En Grèce, l’Etat s’est appauvri faute de pouvoir encaisser les impôts prévus. La fraude fiscale et l’inégalité devant le fisc sont les deux maladies congénitales du pays, qui, à son tour, rend de moins en moins de services aux contribuables ; Il s’agit d’un « libéralisme sauvage non déclaré » d’une entente entre les uns et les autres qui, mutuellement, s’épanouissaient dans un « laisser faire informel ».

En Irlande, ce laissez – faire était institutionnel. Le pays, avec des impôts très bas, fonctionnait comme une offshore des capitaux et du travail, se voulant ainsi attractif pour les investissements européens et autres.

En conséquence, les revenus les plus hauts en Grèce, et toute une série d’activités (industries, armateurs, immobilier, import-export, etc.) et surtout le secteur purement financier (banques, assurances), n’ont été touchés par la crise que en ce qui concerne leurs activités hors frontières tandis que la récession industrielle n’est la conséquence que des mesures prises maintenant et qui amputent services et industries de leur clientèle nationale. Le secteur bancaire, contrairement à l’Etat, reste en pleine forme et cherche clients désespérément.

Par contre, en Irlande, l’Etat est devenu insolvable d’avoir injecté trop d’argent au secteur financier (banques essentiellement) pour éviter leur faillite, due à leur exposition à des investissements toxiques et/hasardeux. L’ensemble de l’économie étant dirigé vars ce secteur, la crise, plus proche du modèle américain, est toujours orienté vers la sauvegarde des banques et du crédit. Ainsi, si le contribuable grec paie au prix fort les largesses de « non recevoir » à l’égard des activités industrielles et mercantiles, celui de l’Irlande paie l’incompétence et l’opportunisme des banques irlandaises et d’un Etat à la mentalité et aux politiques d’un modèle offshore qui était, il y a encore trois ans, montré en modèle, et en réponse ingénieuse aux enjeux de la mondialisation.

Tandis qu’en Grèce il s’agit de mettre de l’ordre dans un système informel de laisser faire, en Irlande c’est le modèle même de l’économie libérale qu’il faut sauver. D’où sans doute la promptitude d’agir de l’UE, la satisfaction du marché et la « contribution » de pays non membres de l’espace Schengen. 


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