Grèce : la proposition indécente des euraustéritaires
par Laurent Herblay
lundi 13 juillet 2015
Billet terminé vers minuit hier
Alors que Tsipras avait fait un grand pas vers ses créanciers, au point de susciter les interrogations d’une partie des nonistes et de son parti, l’Eurogroupe lui a répondu avec ce qui ressemble comme deux gouttes d’eau aux programmes de la troïka qu’il dénonçait dans l’opposition.
Diktat austéritaire et néolibéral
Tout dans l’effarant texte de l’Eurogroupe, qui ne semble pas avoir fait l’unanimité, semble surréaliste par son caractère agressif, sur le fond comme sur la forme. Bien sûr, il est temps que les négociations prennent fin, dans un sens ou dans un autre. Mais alors qu’Athènes avait fait preuve de beaucoup (trop) de bonne volonté jeudi, l’Eurogroupe répond par une proposition qui semble largement durcie par rapport à celle qui avait été sur la table fin juin. D’abord, l’Eurogroupe demande que certaines réformes soient votées mercredi au plus tard, et que cela soit un préalable à toute discussion sur le niveau de la dette. Difficile de faire davantage à la façon d’un pistolet sur la teme !
Sur le fond, la réforme des retraites doit être durcie pour éviter tout déficit et des coupes budgétaires quasi-automatiques doivent être mises en place en cas de non respect de la trajectoire d’excédent primaire, le marché du travail doit être libéralisé plus encore (le travail du dimanche), l’électricité doit être privatisé et pas moins de 50 milliards d’actifs de l’Etat doivent être placé dans un fond situé au Luxembourg (! !!) pour servir de garanties à un nouveau plan qui pourrait porter sur 82 à 86 milliards. On ne voit pas bien ce que le travail du dimanche ou la propriété des pharmacies font ici, si ce n’est par pur dogmatisme néolibéral autoritaire. Les premières réactions de la Grèce sont négatives.
Impasse à tous les niveaux
De manière assez effarante, le document attribue les difficultés actuelles du pays à l’absence de réformes ces douze derniers mois. Mais il faut un sacré culot pour oser affirmer cela alors que bien des observateurs avaient annoncé que les plans de 2010 et 2012 étaient intenables et que les prévisions de la sinistre troïka ne se sont presque jamais réalisées. Mais ici, on semble être dans le jeu de rôle. De même que la Grèce semblait défier ses partenaires de dire « non » à ses propositions pour leur rejeter la responsabilité d’un éventuel échec, ces derniers semblent vouloir inverser la perspective en défiant les Grecs de dire « non » à ces propositions, même si elles semblent inacceptables.
Ce faisant, c’est tout ce château de cartes européen qui semble sur le point de voler en éclat. Parce que les plans du passé ont organisé une saignée aussi violente qu’inefficace, les Grecs veulent en sortir. Mais parce qu’ils semblent tenir à l’euro, ils semblent prêts à bien des compromis. Parce que certains pays européens ne souhaitent pas risquer perdre leur mise, ils mettent en place des conditions tellement dures qu’elles sont la cause des échecs du passé, cassant la croissance et alourdissant le fardeau qui pèse sur Athènes. Bref, impossible de voir une issue dans ce capharnaüm qui place les pays européens devant deux impasses. Celui qui aura le moins peur de la rupture l’emportera.
Il n’empêche que la proposition de l’Eurogroupe semble aujourd’hui totalement inacceptable pour Athènes, qui avait pourtant fait d’énormes efforts. Les contradictions de la monnaie unique semblent la rattraper. Difficile de ne pas voir que tout était bien plus simples avant l’euro.