Indépendance de la Catalogne : un produit de l’UE

par Laurent Herblay
samedi 14 octobre 2017

Bien sûr, l’Union Européenne n’explique pas tout. L’identité catalane existe depuis des siècles et la volonté d’indépendance de l’Espagne n’est pas nouvelle. Mais, quand on prend un peu de recul, difficile de ne pas voir le rôle considérable joué par l’UE dans la promotion de cette idée d’indépendance, comme le montrent les sondages sur la volonté d’indépendance de la communauté.

 

Etat-nation amoindri et crise économique
 
Les courbes des sondages sont parlantes : de 2006 à 2008, seulement 13 à 19% des catalans souhaitaient l’indépendance. Ce n’est qu’après la grande crise économique, particulièrement violente en Espagne, que le pourcentage de catalans déclarant souhaiter l’indépendance s’est envolé, passant les 40% fin 2012 pour s’approcher des 50% peu après, et retomber sous les 40% aujourd’hui. Le parallélisme avec la situation économique du pays est troublant, la corrélation avec la crise et les plans d’austérité étant d’autant plus parfaite que la baisse actuelle correspond à une amélioration de la situation, entre moindre austérité, et retour à la croissance, qui a permis un reflux du chômage.
 
Mais pour qui n’a pas la mémoire courte, il faut rappeler que la bulle immobilière espagnole est le produit direct de l’UE, comme le soutenait le « prix Nobel d’économie » Paul Krugman dans son livre de 2012. La monnaie unique a fait converger les conditions de crédit dans la zone euro, et a produit un effondrement des taux d’intérêts et du coût de la construction en Espagne. La liberté de circulation des capitaux a permis un afflux massif et déraisonné d’argent, nourrissant une bulle immobilière extravagante, qu’il était impossible de restreindre dans un tel contexte, alors que si l’Espagne avait gardé la peseta, non seulement, les taux auraient moins baissé, mais en plus, elle aurait pu les monter.
 
Dans la monnaie unique, c’est une politique monétaire taille unique qui s’impose à des pays très différents : même taux de change, même taux d’intérêt, même politique de monétisation, alors que les besoins sont très différents. Au début des années 2000, l’Espagne avait besoin d’une hausse des taux pour dégonfler la bulle immobilière, mais comme l’Allemagne, lessivée par ses réformes économiques, était alors le pays malade de l’Europe, la BCE optait pour un compromis bancal : un taux trop élevé pour Berlin et trop faible pour Madrid. Avec la peseta, et un contrôle des mouvements de capitaux, la bulle immobilière espagnole aurait pu être contenue et son explosion destructrice évitée
 
Mais outre le fait d’avoir directement provoqué la crise, puis imposé des réponses austéritaires destructrices, l’UE joue également un autre rôle déclencheur dans la crise catalane. Les Etats-nations reposent en partie sur la capacité qu’ils donnent à une communauté d’agir sur son destin. Or, cette UE dénie justement à tous les états de décider eux-même de leur destin et de prendre des chemins différents de leurs voisins. Elle impose une trajectoire trop souvent unique, et balisée en faveur des multinationales et des plus riches. Et si l’Espagne ne permet pas au peuple espagnol de peser sur son destin, alors, le lien qui les unit se distend et d’autres communautés peuvent alors gagner en importance.
 

Bien sûr, il ne faut pas nier l’importance de l’identité catalane, mais il ne faut pas non plus sous-estimer la force des liens presque millénaires du peuple espagnol. Et comment ne pas être attristé et interpellé par cet éloignement aussi rapide des catalans de l’Espagne, une évolution qui en dit long sur cette époque où les liens collectifs qui structuraient notre vie passent trop souvent au second plan ?


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