L’Allemagne est-elle xénophobe ?

par Lapetiteboite
samedi 11 septembre 2010

L’ancien sénateur et dirigeant de la bundesbank divise l’Allemagne suite a la publication de son dernier ouvrage. L’accueil réservé à l’ouvrage de monsieur Sarrazin en dit long sur la situation de la xénophobie en Allemagne, pays que l’on a souvent présenté comme le meilleur élève européen dans ce domaine.

 Thilo Sarrazin porte bien mal son nom. 

Cet "homme public" allemand habitué à faire des remous a provoqué un tollé outre Rhin avec la sortie de son ouvrage : Comment l’Allemagne court à sa perte. Dans ce brûlot xénophobe, Sarrazin dénonce la paresse des musulmans et leur absence de volonté d’intégration. Il développe une thèse invasionniste, et pour finir affirme l’existence d’un gène juif. Membre du directoire de la Bundesbank, une des institutions les plus respectées du pays (dont il a été remercié le 5 septembre), Sarrazin est évidemment membre d’un parti d’extrême droite, évidemment.


Thilo Sarrazin était avant cet épisode un membre du SPD le grand parti social démocrate, rien à voir avec l’extrême droite. Et pour cause les partis d’extrême droite sont interdits en Allemagne, seule démocratie dont la cour constitutionnelle peut interdire des partis pour idées xénophobes. Certes, des groupuscules existent mais officiellement l’extrême droite n’existe pas. L’Allemagne est un des pays d’Europe, qui pour des raisons historiques évidentes s’est dotée de la constitution la plus étoffée en matière de droits fondamentaux et mécanismes pour les protéger. C’est même elle qui a impulsé la création de mécanisme de protection des droits fondamentaux au niveau européen en 1974. En apparence l’Allemagne a donc chassé ses vieux démons et l’allemand est l’image même du citoyen modèle comme ce fut récemment le cas à Stuttgart.

Avec l’affaire Sarrazin, on peut légitimement se demander si l’interdiction des partis xénophobes n’est pas contreproductive car contre toute attente, Sarrazin n’est pas seul : 30% des sympathisant du SPD sont en partie ou en totalité d’accord avec ses thèses, un chiffre qui s’élève à 39% chez les sympathisants CDU. Plus inquiétant encore, 46% des allemands pensent qu’ils ne seront bientôt plus chez eux dans leur pays, et 15% des jeunes adhèrent à des thèses de groupuscules d’extrême droite qui ont le vent en poupe chez les 15-24 ans. Alors oui, en Allemagne l’extrême droite existe, seulement elle n’est ni institutionnalisée, ni identifiée en tant que telle dans un parti ce qui la rend éminemment dangereuse. 
Comme le montre l’affaire Sarrazin, en Allemagne l’extrême droite existe peut-être plus qu’ailleurs car elle est tapie dans l’ombre. De forme plurielle elle est présente dans tous les partis y compris ceux de gauche, au SPD d’où est originaire Sarrazin. De ce fait, elle touche plus facilement la population car l’influence des hommes politiques et des partis qui portent les idées parfois aussi importante que l’idée elle meme. 

Si l’Allemagne veut réellement prétendre au rang des grandes patries des droits fondamentaux, elle doit se réformer. Face à une telle hausse de l’importance des groupuscules xénophobes elle se doit d’agir. Il apparaît que l’interdiction des partis d’extrême droite, souche de la démocratie allemande n’a pas empêché la phobie allemande de refaire surface. Dans ce contexte, interdire les partis xénophobes revient à une politique de l’autruche. Une fois le spectre des extremistes virtuellement écartés,personne n’a songé à défendre le pluralisme ce qui peut expliquer la situation présente, l’Allemagne a préféré se boucher les yeux que de combattre car le pluralisme n’est pas chose naturelle, il se gagne tout les jours à force de débats face aux extremistes, ceux la meme dont l’Allemagne s’est privé.

Pour le législateur le calcul était simple, en interdisant un parti d’extreme droite, on barrait aux extremiste la route du pouvoir. Seulement les extremiste se sont eparpillés dans tout l’échiquier politique allemand que ce soit au niveau du simple citoyen, ou de l’homme politique, ce qui permet a certains d’acceder au pouvoir avec la bénédiction des partis traditionnels. Par ailleurs le systeme électoral allemand, au demeurant fort complexe peut provoquer l’élection au bundestag d’un député à tendance xénophobe sans que personne n’ait mis son nom dans l’urne. Un élécteur votant SPD, peut envoyer sans le vouloir un homme comme Sarrazin au bundestag. Seule solution à cela les partis doivent etre particulierement vigilant afin de détecter et de combattre les éléments les plus extremistes en leur sein.

Le législateur allemand semble avoir oublier que s’il pouvait dissoudre un parti par la loi, il ne pouvait en aucun cas détruire une doctrine politique, ce qui ne peut se faire que par le débat devant les allemands. Pire encore, en empêchant les xénophobes de se réunir, l’Allemagne s’est elle même empêché de les combattre en les rendant invisible et incontrolable et plus efficaces comme les chiffres l’attestent.
En niant la réalité criante de la xénophobie dans leurs pays, les démocrates allemands ont fait du pluralisme politique une pensée morte, car une pensée sans adversaires déclarés se porte elle même un coup fatal

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