L’Autre Economie

par Eliane Jacquot
mardi 8 mars 2022

 

L'entrepreunariat social dont l'objet est de mettre en place une société solidaire et équitable répond en priorité aux besoins fondamentaux que sont l'action sociale, la santé, l'éducation, la prise en compte de l'urgence environnementale au travers d'initiatives citoyennes. L'économie sociale et solidaire ( ESS) recouvre en France 10,5% des emplois regroupant 2,4 millions de salariés et a contribué au développement économique en créant entre 2010 et 2019 84800 emplois soit une augmentation de 4,5% sur la période.

 

 

Une localisation ancrée dans les territoires

Ses acteurs sont régis par des principes de gouvernance participative, rejettent les finalités du profit et pratiquent le réinvestissement des flux de trésorerie d'exploitation sans distributions de dividendes. Les associations, coopératives, mutuelles, fondations et entreprises qui composent le secteur participent au développement des territoires en agissant et innovant localement. Ces établissements sont les premiers employeurs de l'action sociale ( 61%), du sport et des loisirs ( 57%), de la culture ( 30%) et de l'enseignement (19%). Ils sont une des rares formes d'économie à s'intéresser aux zones rurales et aux métropoles défavorisées.

Au travers de la dynamique des pôles territoriaux de coopération économique ( PTCE) crées par la loi « Hamon » du 31 Juillet 2015, on a institué un cadre légal et financier adapté à des solutions locales. C'est ainsi que 75% des coopératives regroupant des agriculteurs, artisans, commerçants ont leur siège social en province. Les pouvoirs publics, par l'intermédiaire de la secrétaire d'État chargée de l'Économie sociale, solidaire et responsable Olivia Grégoire participent au financement de ces projets en y consacrant 2,5 millions d'euros en 2021 et 2022, ainsi qu'un accompagnement technique. Soulignons que des progrès restent à accomplir en matière de parité dans le secteur dont 68% des emplois sont occupés par des femmes sous représentées dans les postes à responsabilité, en matière de salaires très inférieurs à ceux versés dans le privé, en matière de précarité des statuts et de taux important de temps partiel. L'ESS est depuis peu présente dans les milieux académiques et au sein des cursus de troisième cycle des grandes écoles comme l'ESSEC et HEC.

Les modes de financement

L'Etat et ses organisations financières partenaires historiques ont un rôle moteur et représentent environ 44% du financement du secteur. La Banque des Territoires, filiale de la Caisse des Dépôts a mobilisé 300 millions d'euros entre 2020 et 2022 dans le cadre d'un pacte de relance de l'ESS permettant à ses acteurs de changer d'échelle en transformant leurs initiatives locales en solutions nationales. Pour Olivier Sichel son directeur, « La Banque des Territoires, en favorisant systématiquement l'innovation sociale dans les territoires, a pour objectif d'amplifier l'impact social de ses investissements d’intérêt général. » La CDC s'appuie aussi sur sa partenaire France Active qui a mobilisé 508 millions d'Euros en 2021 et accompagné plus de 39000 entrepreneurs ayant créé sur l'année près de 66000 emplois dans les Quartiers Prioritaires de la Ville et les Zones de Redynamisation rurale. C'est ainsi qu'en Juin 2021 FAIR, collectif des acteurs de la finance à impact social est né de la fusion des associations Finansol et Impact Invest Lab au service des territoires qui privilégient les circuits courts et les projets locaux non délocalisables à un moment où la demande pour une finance plus verte et plus sociale est très forte et va se renforcer. La France s'est déjà engagée sur la transition écologique, on observe en effet en 2019 des encours de l'épargne solidaire s'élevant à 15,6 milliards d'euros dont 3 milliards collectés sur l'année soit une croissance de 24% sur un an. Et ce essentiellement au travers de l’épargne salariale ( Plan d'Epargne entreprise, FCPE solidaire ).

Quelques banques mutualistes financent aussi le secteur par l'intermédiaire de prêts. Le Credit Coopératif au travers de sa fondation pionnier dans le domaine (1983) se distingue en tant que spécialiste de l'ESS. Citons aussi le réseau des Banques Populaires qui proposent un codévair dont une partie de la collecte est affectée à des prêts personnels. C'est un domaine dans lequel la taille des projets, leur manque de visibilité et de rentabilité future excluent les entreprises des critères de sélection des banquiers traditionnels.

Enfin les particuliers s'investissent dans la finance participative au travers des plates–formes de levées de fonds dites de « crowdfunding » représentent en 2019 629 millions d'euros d'encours, via des entreprises solidaires dans des projets liés à la transition énergétique.

Les défis à relever dans le futur

Dans un contexte marqué par la violence économique et sociale, les bouleversements géopolitiques, les mutations écologiques, la digitalisation de l'industrie l'ESS doit se projeter dans l'avenir, palier aux insuffisances des politiques publiques et se positionner en tant que pilier de l’économie de demain, parce que résiliante aux crises. Parce qu'en France l'ESS représente plus de 10 % du PIB, le monde de demain devra infléchir son modèle économique en fonction des exigences sociales et environnementales. Cela nécessite un changement de paradigme consistant à définir de nouvelles normes de comptabilité écologique ( biodiversité, énergies renouvelables, soutien aux exploitations agricoles ). L'ESS pour être reconnue comme une alternative ou un complément au capitalisme doit prouver sa plus-value sociale. Mais rappelons ici que de vraies politiques de la ville nécessitent le développement d'activité d'économie sociale : formation de personnes en position d'exclusion monétaire, lieux culturels de rencontre comme les cafés solidaires. Force est de constater que notre politique de décentralisation au cours des dernières années a généré de nombreux ghettos urbains. A ce propos l’association Adie crée en 1989 par Maria Novak implantée dans des territoires fragiles soutient des personnes ayant un projet de création d'entreprise de proximité sans avoir accès au crédit bancaire sous forme de très petites entreprises ( TPE). Il est ainsi possible de créer une entreprise sans capital tout en favorisant une insertion durable à des individus percevant jusqu'alors des minima sociaux. Soulignons que 87% des entreprises financées par l'Adie sont en activité deux ans après leur création, l'obtention de microcrédit permettant non seulement d'éviter des couts mais générant des gains fiscaux pour la collectivité.

Plus largement en Europe, l'ESS représente 2, 8 millions d'entités, 13 millions de travailleurs et plus de 10% du PIB en France, en Espagne et en Italie. A ce propos, la France a réuni ce 17 Février un conseil européen des ministres de l'Economie Sociale à l'initiative de la secrétaire d'État chargée de l'Économie sociale, solidaire et responsable Olivia Grégoire. Dans ce secteur en pleine croissance, créant des emplois à forte valeur ajoutée sociale et écologique, la présidence de l'UE devrait être une opportunité pour reconnaître la capacité à revaloriser les savoirs-faire des territoires en y associant les citoyens et les acteurs publics locaux.

Eliane JACQUOT

 


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