L’Europe ne marche pas ? C’est parce qu’il n’y a pas assez d’Europe !
par Sébastien Ticavet
mardi 24 février 2009
En osant comparer les méthodes de l’Union européenne avec celles de l’URSS, comme l’avait déjà fait avant lui l’ancien dissident soviétique Vladimir Boukovsky, le président tchèque Vaclav Klaus a essuyé les insultes et les huées d’eurodéputés majoritairement hostiles.
Pourtant, la comparaison n’est pas idiote. Bien au contraire, si elle suscite l’agacement, c’est qu’elle est cruellement vraie.
Dans leur façon de faire face aux difficultés, qui confine au déni de réalité, les dirigeants de l’Europe de Bruxelles empruntent en effet de plus en plus à leurs homologues de l’ex-Union soviétique.
Si le communisme ne marche pas, c’est qu’il n’y a pas assez de communisme, disait-on hier.
Si l’Europe ne marche pas, c’est qu’il n’y a pas assez d’Europe, dit-on aujourd’hui avec la même conviction.
Suivant ce raisonnement, l’échec de l’euro ne doit pas amener à réfléchir à l’opportunité de conserver une monnaie unique, mais s’explique forcément par le manque d’Europe.
Que la zone euro soit la première du monde à être entrée en récession, avant les pays européens hors euro, qu’elle connaisse la dépression la plus forte du monde, avant même les Etats-Unis, et qu’elle sorte de 10 ans de croissance la plus faible du monde tient forcément au MANQUE d’Europe.
Même réponse aux objections pourtant construites d’un Prix Nobel d’économie Paul Krugman.
Le premier ministre luxembourgeois, l’inénarrable Jean-Claude Junker, excelle dans cette fuite en avant. Il a une solution à l’échec de la monnaie unique : la mise en commun d’une partie des dettes des Etats membres de la zone euro, gérées par une nouvelle agence, qui émettrait des "eurobligations"...
L’Allemagne ajoute une couche en affirmant la main sur le coeur qu’elle "se montrerait en capacité d’agir pour stabiliser les pays de la zone euro qui rencontreraient des difficultés avec leurs dettes".
Embrassons-nous, Folleville ! L’Allemagne n’a plus un sou en poche, son commerce extérieur plonge lui-aussi, ses entreprises s’effondrent (25 000 suppressions de postes viennent d’être annoncées chez Opel), ses banques sont exsangues, mais tout est préférable, même les promesses les plus intenables, à l’idée qu’on aurait pu se tromper.
Et si la solution raisonnable était plutôt de revenir au réel, de détricoter le tricot européen, mal fichu, percé de toutes parts, qui gratte et qui est plutôt vilain ?
Pourquoi toujours chercher à aller plus loin quand tout indique qu’on se trouve sur la mauvaise direction ?
Si le problème numéro 1 de l’euro, c’était l’euro ? Des Prix Nobel le disent, des économistes de plus en plus nombreux l’écrivent, à l’instar de Jacques Sapir ou de Jean-Luc Gréau, une monnaie unique pour tant de pays si différents n’est pas viable. Paul Krugman a encore tout récemment prévenu : en restant dans l’euro, les pays qui souffrent le plus n’auront pas d’autres choix que de réduire fortement les salaires pour éviter une explosion du chômage.
Mais non, tout cela ne compte pas. La seule faiblesse de l’Europe, c’est le manque d’Europe.
Demain ça ira mieux, promis. Et si ça ne va pas mieux, c’est qu’on ne sera pas encore allé assez loin. Après-demain alors, promis, ça ira mieux. Enfin, normalement...
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