L’Europe selon Ségolène

par Europeus
mercredi 5 juillet 2006

Sur les conseils des lecteurs de mon blog, j’ai récupéré l’entretien que Ségolène Royal, candidate putative du PS, a accordée à mes confrères du Monde le 23 juin (article payant), alors que j’étais en vacances. Quelle déception ! Sur l’Europe, on ne peut vraiment pas affirmer qu’elle ait des idées très précises, c’est le moins que l’on puisse dire. Elle aligne les banalités en évitant d’insulter l’avenir. Vous me direz que c’est déjà ça. Elle reconnaît qu’il « faudra un nouveau traité et surtout un traité social ». Comment ? A quelle date ? Quel sera son contenu ? Mystère. Elle veut aussi redonner « du souffle et du sens » en construisant l’Europe « par la preuve, qui conjugue l’émulation (stimulante), l’harmonisation (sociale et fiscale) et la mutualisation (champions industriels, programmes de recherche, bonnes pratiques managériales et sociales) », et en donnant plus de « visibilité » à l’Europe. Intéressant mais encore une fois, le « comment » est passé sous silence.

Ce qui est plus curieux est la mollesse avec laquelle elle rejette l’idée de Nicolas Sarkozy, son adversaire désigné, de créer un directoire des six grands : « Je me méfie de la domination de quelques-uns sur tous les autres ». Il ne s’agit pas de se méfier : en l’occurrence, une telle idée est non seulement inacceptable pour les « petits », mais surtout totalement contraire à l’idée même de la construction communautaire ! Enfin, sur le plan budgétaire, elle reprend la vieille idée française, défendue autant par la droite que par la gauche, de décompter du déficit public « les investissements qui préparent l’avenir ». A chaque fois, et encore dernièrement lors de la réforme du Pacte de stabilité, elle n’a pas été retenue parce que, d’une part, il faut s’entendre sur ce qu’est une telle dépense (le salaire d’un prof est-il seulement du fonctionnement ? Où classer les dépenses militaires ?), et, d’autre part, une dépense reste une dépense, qu’il faudra bien financer... Cela étant, sur ce point, elle est en accord avec Sarkozy : on rase gratis aujourd’hui, nos enfants paieront plus tard. Bernard Kouchner a été, lui, un peu plus courageux à ce sujet dans le Nouvel Obs de cette semaine... Il est vrai qu’il n’est pas candidat, lui, et qu’il peut dire la vérité. Bref, Ségolène Royal doit encore travailler le chapitre « Europe » de son manifeste électoral parce que ce n’est pas avec ces vagues idées que l’Union va pouvoir être remise sur les rails.

Jean Quatremer est journaliste


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