L’Europe, une escroquerie au service des milieux financiers qui bafoue les besoins des peuples et nie la démocratie
par guylain chevrier
lundi 14 novembre 2011
Départ de Berlusconi : Ce que le peuple n’a pu obtenir nous dit-on, les milieux financiers l’ont fait ! La question est posée à Gérard Longuet, notre ministre de l’agriculture, de savoir si cela a à voir avec l’opinion des Italiens ? Il répond sans ambiguïté « L’opinion, c’est les investisseurs » montrant sans complexe ce que les dirigeants européens pensent des peuples, de leur souveraineté. Laurence Parisot elle, explique, que ce départ, c’est une bonne chose pour la dignité de l’Italie et la démocratie et qu’il faut maintenant plus de fédéralisme. On ne voit pas très bien ce que la démocratie a à voir là-dedans, en dehors de totalement l’évacuer du processus auquel nous assistons de renforcement, à marche forcée et sous une dramatisation forcenée, du fédéralisme européen et de la perte de souveraineté des Etats, autant dire des peuples. Ce qu’on installe, c’est une nouvelle étape dans la volonté de faire payer aux peuples la ruine que leur promet ce système inique. On apprend de plus, au lendemain du G20 et sous sa pression, que, de Lucas Papadémos en Grèce à Mario Monti en Italie, on impose à la tête de ces pays des technocrates au service direct de Bruxelles, au nom de redonner confiance à ceux qui prêtent aux Etats en les spoliant ! C’est un piège qui semble inexorablement se refermer sur la vieille Europe, en passe de tourner la page historique des Etats-nation pour aller vers un nouvel impérialisme, une nouvelle forme de domination ultra-centralisée et supranationale, au risque d’entrer dans une nouvelle ère post-démocratique de tous les dangers.
L’Europe de la soumission au diktat des milieux financiers : un suicide économique et social
L'Union européenne a exhorté jeudi le gouvernement d'union nationale, en cours de formation en Grèce, à rassurer ses partenaires européens quant à ses engagements. Elle a salué la nomination de Lucas Papadémos comme nouveau Premier ministre du pays, ex-président de la BCE, dont les premières déclarations ont été centrées sur…la confiance des marchés. L'euro constitue à ses yeux pour la Grèce, qui se trouverait à "un carrefour crucial", "une garantie de stabilité monétaire" et un "facteur de prospérité économique", a-t-il déclaré. Prospérité ? Une belle provocation au moment où l’euro au service de la spéculation internationale met en faillite la Grèce. Un gestionnaire issu du sérail bancaire européen qui n’est pas là pour redonner au peuple grec la main au lendemain de l’annulation du référendum promis par Papaandréou, ex-Premier ministre. En Italie, c’est l'ancien commissaire européen cher à Bruxelles, à la BCE et au FMI, Mario Monti qui est mis aux commandes par le Président de la République au lieu des élections anticipées normalement prévues qui l’a même nommé sénateur à vie... Il est adoubé par la droite et la gauche réformiste qui forment d’ores et déjà la nouvelle majorité !
Pendant que les délocalisations massives ont fait de l’Europe radieuse industriellement d’hier une zone sinistrée avec des régions qui sont de véritables déserts d’emploi, les services eux-mêmes entraînés dans le même sillage, créant une nouvelle pauvreté inconnue depuis la fin de seconde guerre mondiale en France avec 8 millions de travailleurs pauvres et 250.000 familles des classes moyennes déclassées chaque année (Selon Nicolas Bouzou, économiste, TF1, le Club de l’économie) les entreprises du CAC 40 et les actionnaires réalisent des bénéfices incommensurables (80% de bénéfices en plus pour les entreprises du CAC 40 pour les 6 premiers mois de l’année 2011). ça ne va pas mal pour tout le monde ! En fait, les richesses créées et la croissance qu’elles permettraient, sont accaparées, privatisées avec la complicité des Etats. Ces richesses au lieu de servir le bien commun, sont ainsi retournées contre la société en servant encore à spéculer sur elle, à l’aune du « tout s’achète tout se vend », au mépris des besoins et des hommes. Un processus qui ruine un peu plus chaque jour les économies nationales sous la pression constante du risque de récession. Ce sont des centaines de milliards par exemple qui ont été pris au monde du travail pour alimenter ce système révoltant par l’entremise des Etats, à travers des cadeaux aux entreprises ou fiscaux de tous ordres permettant aux revenus les plus élevés entre autres, d’économiser jusqu’à 97% de leurs impôts, ou encore récemment avec la suppression de la taxe professionnelle. Voilà ce qui génère un déficit et un endettement endémique des finances publiques privées de richesses essentielles au développement de la société.
Les engagements du pacte de stabilité et de croissance européen (Conseil européen de Dublin-1996) qui normalement sont les critères d’entrée dans la zone euro et de l’unité européenne : 3% de déficit et pas plus de 60% d’endettement du PIB, sont devenus des instruments de contrainte pesant sur les Etats et les peuples. En leur nom on impose des politiques de restriction qui nuisent à la croissance et enfoncent encore un peu plus chaque année les économies nationales dans le marasme, un des aspects de ce cercle vicieux. L’Allemagne qui va soi-disant bien, n’y échappe pas, avec une croissance qui tire vers le bas et une prévision de 1% pour 2011 ainsi qu’un endettement à 83% du PIB, bien au-delà donc des 60% requis. De fait, il n’y a plus sous ce système, de croissance possible, et donc a fortiori de capacité à rembourser sa dette avec un chômage en croissance continue, donc des recettes sur les richesses créées qui ne cessent de diminuer. C‘est une fuite en avant. Voilà ce qui contraint les Etats à emprunter pour assurer leur budget. On peut encore mieux mesurer le cynisme de cette Europe centrée sur l’intérêt des plus riches, alors que, depuis des années, les Etats, gouvernés par la droite ou la gauche, sont les complices de cette situation, vivent à crédit, poussés dans ce sens par un monde financier qui en tire ses meilleurs bénéfices. Une situation qui est devenue depuis des années la règle. Encore, plus les Etats sont endettés et plus le taux auquel ils empruntent pour assurer leur budget est élevé, un autre cercle infernal scandaleux, 13% pour la Grèce, une folie !
Le scandale des agences de notation révèle toute l’escroquerie de ce système
A cela s’ajoute la montée en puissance d’agences de notations, Fitch Ratings, Moody's et Standard & Poor's, qui sont devenues le véritable thermomètre des marchés. Autrement dit, les conflits d’intérêt ne leur font pas peur, étroitement liées qu’elles sont à ceux auxquels les Etats empruntent et aux banques, en leur offrant à travers le jeu de leur rôle sur un plateau de quoi spéculer sur les dettes souveraines. Elles peuvent ainsi jouer contre les Etats et leurs populations, avec aucun garde-fou ou contre-pouvoir démocratique. Il suffit qu’elles donnent une mauvaise note et le taux auquel emprunte tel ou tel Etat augmente en favorisant encore un peu plus son endettement dans ce contexte de contrainte des critères de convergence économiques européen.
Ce sont ces agences qui font que, avec les mêmes notes que l’Allemagne qui emprunte à un taux de 1,80 environ, la France se retrouve dépréciée avec comme conséquence un taux d’emprunt la concernant de 3,30. Dernier exemple qui fait désordre, on apprenait hier que l’agence de notation Standard & Poor’s avait tout simplement déclassé la France sur les marchés de façon totalement artificielle, lui faisant perdre son triple A sans motif, pour faire plonger en quelques heures le CAC40 et ouvrir une belle voie d’eau dans l’économie nationale frappée par une attaque en règle des marchés. Un incident que l’on a qualifié d’« accident industriel »… Rien d’étonnant au vu du mélange des genres ici, de cet univers immoral du capitalisme mondialisé, la finance ne s’embarrassant pas de déontologie lorsqu’il s’agit de se servir dans la caisse des Etats au profit des grands argentiers !
La nouvelle donne : la négation des besoins des peuples et de la démocratie en Europe.
Politiques et financiers partagent la responsabilité d’une situation d’une extrême gravité qui touche la démocratie elle-même, dont on sape les bases. Des gestionnaires issus du système de spoliation généralisée qui a amené la Grèce et l’Italie à la situation actuelle sont mis aux commandes de ces pays, pour imposer aux peuples des sacrifices sans fin car rien ne peut permettre de faire évoluer cette situation sans s’attaquer aux racines du mal : la logique de financiarisation de l’économie mondiale qui affecte l’Europe de façon de plus en plus dramatique. Au final, à la place d’un référendum et d’élections anticipées, les peuples grec et italien ont été écartés de toute capacité à décider, infantilisés, méprisés. Par ailleurs, l’Europe à l’image de l’Allemagne avait déjà décidé d’inscrire dans la constitution des Etats de la zone euro (17 pays) la fameuse Règle d’or qui contraint à rentrer coûte que coûte dans les critères de convergence (moins de 3% de déficit et de 60 % d’endettement), en s’en prenant de façon drastiques au pouvoir d’achat des ménages poussant encore un peu plus dans le sens d’une régression de la condition des peuples. Cette Règle d’or, c’est la volonté de rendre impossible de remettre en cause la religion de l’argent-roi du monde financier, son dogme du Veau d’or.
On va jusqu’à se servir de prétexte de la situation provoquée par ceux-là même qui gouvernent l’Europe pour trouver à créer un gouvernement économique européen sans aucune consultation des peuples, dont l’avis est devenue totalement superflu et la démocratie avec, semble-t-il. Pour Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères de Lionel Jospin, invité il y a une dizaine de jours du « Talk Orange-Le Figaro », la réponse est claire et pas forcément rassurante : « Il y a une tentation post-démocratique en Europe. » On se trouve selon lui « à l'extrême point de rupture entre le vote du citoyen de base et ce qui se décide en son nom ». Attention, dit-il, « la démocratie, c'est notre trésor. Les pays qui ne l'ont pas se battent pour l'avoir, et ceux qui l'ont la regardent avec un peu de désinvolture ».
Un cercle infernal est à l’œuvre qui ruine tout ce qui fait la modernité sociale, les valeurs de liberté et de démocratie éclairantes du monde occidentale. Lorsque l’Europe demande de nouveaux plans de rigueur et donc de sacrifices à accepter par les peuples, ce n’est pas un moyen de sortir de ce malthusianisme mais au contraire de faire reculer nos sociétés selon une histoire mise en marche arrière-toute. Bruno Lemaire, notre ministre de l’agriculture, déclarait au lendemain du dernier sommet européen qu’il était en France « urgent aujourd’hui de changer de modèle de croissance et de modèle social. » (Sic !) prônant une rupture dont on voit bien de quelle nature elle peut être à travers ce qui s’impose aux Français avec le dernier plan de rigueur. Le pacte social des « trente glorieuses » qui a fait la part belle aux » classes moyennes » se délite désormais à grande vitesse, et nul n’est à l’abri de la précarité. Ce que l’on veut, c’est une révolution à l’envers !
Ceux qui nous gouvernent sont alliés dans ce mouvement à un grand patronat habité par l’obsession en France de reprendre les acquis du Conseil national de la résistance et du Front populaire, qui ont posé le cadre de nos droits sociaux essentiels. Dans ce prolongement, ce sont des acquis encore plus capitaux, vitaux, qui se trouvent remis en cause, nos libertés et la démocratie elle-même.
L’Allemagne, au centre de la stratégie américaine de mise au pas de l’Europe.
La chancelière allemande Angela Merkel, en patronne de l’Europe, a appelé jeudi l'Italie à clarifier au plus vite la question de la succession du Premier ministre Silvio Berlusconi, car "le temps presse" a-t-elle dit (AFP). C’est le retour en Europe d’une Allemagne dominatrice et arrogante, qui n’a rien de bon pour personne. Depuis la réunification, elle est devenue une nouvelle puissance qui joue sa propre carte. La volonté de mettre le modèle allemand fédéraliste en commun pour faire l’Europe, en dit long sur les intentions du Président de la République de mettre fin à une France maître de ses décisions, à notre République laïque, sociale, démocratique et indivisible… L’Europe doit se refléter dans une Allemagne totalement acquise aux exigences du marché, telle qu’elle l’a montré en imposant des baisses de salaire et une flexibilité sans compter, l’obligation lorsque l’on est chômeur d’accepter n’importe quel emploi, créant une nouvelle pauvreté et une précarité de masse. Mais aussi dans une Allemagne qui porte en elle un tout autre modèle de société que le nôtre, avec son multiculturalisme à l’anglo-saxonne, de division selon les identités, religieuses, d’origine, ou ethniques, qui arrangent tant ceux qui veulent diviser pour régner.
L’Amérique d’Obama n’est pas pour rien dans la situation actuelle de l’Europe, alors que la chèreté de l’euro, en regard du dollar artificiellement faible, conditionne la bonne tenue des exportations américaines tout en continuant de nous faire payer sa crise, sans compter avec le maintien de son leadership du monde capitaliste. D’ailleurs, l’Allemagne se trouve depuis la fin de la seconde guerre mondiale sous une influence américaine qui l’a largement façonnée à travers le rôle qui lui a été attribué dans la Guerre froide. Le couple Franco-allemand, dont l‘amitié se mesure mieux aujourd’hui à travers les nombreuses critiques allemandes envers notre pays censé se mettre aux ordres de Berlin, doit tout à la France d’un Robert Schuman dont la déclaration « Une Europe pour la paix » le 9 mai 1950, fut relue avant d’être rendue publique par l’ambassadeur des Etats-Unis. Il était alors question de faire les Etats-Unis d’Europe ! Nous y sommes !
L’Alsace vient de donner l’exemple, en envisageant de créer une collectivité unique, fusionnant le Conseil régional (région Alsace) et les deux Conseils généraux (départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin), réunissant ses différents départements pour former une unique assemblée sur le modèle des länder allemands. Ce n’est pas un autre but que poursuit la Réforme des collectivités territoriales votée par la droite et le PS, prévue pour 2014, donnant la priorité à la région, faisant prévaloir sur le rapport entre les collectivités territoriales et la Nation un tout autre rapport dont cette dernière s’efface, celui entre métropoles, régions et Europe !
Une Europe en crise économique et démocratique exposée à tous les périls.
Cette façon qu’a l’Europe de traiter les peuples comprend bien des dangers, dont celui de l’affaiblissement dramatique des pays les plus avancés doublé de l’explosion de la cohésion sociale et une crise irréparable des valeurs collectives qui met l’extrême droite populiste dans une position des plus favorables partout, et spécialement en France. Ceci, d’autant qu’il n’existe aujourd’hui aucune alternative à gauche qui ne soit pas pro-européenne ou qui dispose d’un véritable contreprojet au système. Ce qui domine le jeu politique, c’est la réalité d’une gauche et d’une droite institutionnelles qui proposent à peu de choses près le même programme en regard du rôle de l’Europe sous l’autorité malveillante des milieux financiers. Que faut-il d’ailleurs penser de la mise en place en Grèce d’un gouvernement d’union nationale réunissant la droite, les socialistes et depuis la fin du régime des colonels pour la première fois, l’extrême droite, avec plusieurs ministres ! Le péril vient aussi de l’Europe elle-même comme on le voit. On préfère ceux-là, plutôt que de prendre en compte la voix et les intérêts du peuple. Pourvu qu’on sauve le système, toutes les alliances semblent possibles…
Indéniablement, les conditions sont réunies pour une nouvelle montée des périls en Europe alors que nous ne sommes nullement à l‘abri d’un autre risque extérieur celui-là, en regard d’un monde dont l’orientation reste extrêmement incertaine et justifierait une Europe forte, défendant ardemment des principes démocratiques qui risquent bien, de la Chine à l’Iran, d’être gravement mis à mal, questionnés à une toute autre échelle avec les droits de l’homme. Il en résulte une situation politique extrêmement grave qui ne concerne pas la seule Europe mais le monde, qu’en raison de la domination sur tout des enjeux d’un système financier qu’il faudrait à tout prix sauver, semble-t-il, l’on ne veut pas voir.
Guylain Chevrier