L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron

par Sylvain Rakotoarison
mercredi 11 mai 2022

« Le choix souverain du peuple français me conduit devant vous aujourd’hui pour vous dire qu’il est une tâche historique face à laquelle la France ne se dérobera pas, qu’elle portera plus haut encore, car la France a une nouvelle fois clairement, résolument, fait le choix de l’Europe en me confiant un nouveau mandat pour œuvrer avec vous tous à construire une Europe plus forte et plus souveraine. » (Emmanuel Macron, le 9 mai 2022 à Strasbourg).

Inlassable pèlerin européen, le Président de la République réélu Emmanuel Macron a profité de la fête de l’Europe, le 9 mai 2022, qui commémore la fameuse déclaration de Robert Schuman le 9 mai 1950, pour faire de sa première initiative diplomatique une ode à la construction de l’Europe de demain à Strasbourg et son premier déplacement international une visite à Berlin pour rencontrer le Chancelier allemand Olaf Scholz, comme il est de tradition mutuelle à chaque début de mandat.

Les députés européens qui s’étonnent encore de ne pas avoir été tous conviés à assister au discours d’Emmanuel Macron du 9 mai 2022 à Strasbourg, devraient mieux s’informer puisque le Président du Conseil de l’Union Européenne ne s’exprimait pas au Parlement Européen, bien que dans ses lieux physiques, mais à l’occasion de la clôture de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, une large assemblée où des représentants du Parlement Européen (ils n’y sont donc pas absents) côtoyaient des représentants de parlements nationaux, des ministres et aussi un panel de citoyens, mise en place il y a un an pour réfléchir sur l’évolution des institutions européennes dans les années et décennies à venir.

Elle n’était pas une initiative française, mais portugaise (sous l’impulsion de l’Italien David Sassoli, alors Président du Parlement Européen), que la France bien évidemment avait appuyée à fond. Dans le passé, il s’agissait de conférences intergouvernementales, tandis que l’innovation a été ici de rajouter un panel de citoyens. Les députés européens n’ont cependant pas été boudés par Emmanuel Macron qui, dès sa prise de fonction de la Présidence française de l’Europe, était allé partager le 19 janvier 2022, devant le Parlement Européen, sa vision européenne et son agenda pour le semestre à venir.

Devant la Présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen et devant la Présidente du Parlement Européen Roberta Metsola (si on rajoute la présidente de la BCE, on se rend compte que les institutions européennes se sont beaucoup féminisées ces derniers termes et c’est une force), Emmanuel Macron a repris certaines conclusions des travaux de cette Convention ainsi qu’exprimé certaines nouvelles idées européennes en rappelant d’abord la très forte avancée européenne provoquée par la crise sanitaire qu’a été la mutualisation d’une dette européenne pour établir un plan de relance gigantesque de plusieurs centaines de milliards d’euros en été 2020 (« des financements mutualisés, une ambition nouvelle pour l’Europe inédite, en levant ensemble de l’argent sur les marchés pour investir en Européens pour nos priorités »), une mesure qui n’avait pas eu être prise à la suite de la crise financière de 2008 et même des crises ultérieures : « Surmontant la crise de sens qu’elle traversait depuis tant de décennies, notre Europe s’est ressaisie ces dernières années. (…) Le projet d’une Europe maîtresse de son destin, libre de ses choix, d’une Europe puissance ouverte au monde, mais où nous voulons choisir nos partenaires et ne pas dépendre d’eux, est au cœur de notre mission. ».



Ce qui est rassurant, justement, c’est une véritable relance de l’Europe par le moteur franco-allemand. C’est clair que l’ancienne Chancelière allemande Angela Merkel a finalement toujours réduit les ardeurs réformatrices des Présidents français, que ce soient de Nicolas Sarkozy (avec la crise de l’euro), François Hollande (qui disait : vous allez voir ce que vous allez voir, j’attends toujours) et même Emmanuel Macron (le discours de la Sorbonne est resté lettre morte). Olaf Scholz, au contraire, que le Président français a rencontré dans la soirée, semble très motivé pour impulser une nouvelle étape après plus d’une quinzaine d’années non seulement d’euroscepticisme (échec au référendum de 2005, Brexit, montée des populismes et des pouvoirs "illibéraux", etc.) mais aussi de perte de confiance et de sens de l’idéal européen.

À ce titre, Emmanuel Macron a fait référence dans son discours à trois Européens convaincus : Robert Schuman, François Mitterrand et Jacques Delors. Mais il ne pouvait pas ne pas commencer par l’Ukraine en se faisant le porteur de la paix : « Quel est notre objectif face à la décision unilatérale de la Russie d’envahir l’Ukraine et d’en agresser le peuple ? Faire cesser cette guerre au plus vite. Tout faire pour que l’Ukraine, à la fin, puisse tenir, et la Russie ne jamais l’emporter. Préserver la paix sur le reste du continent européen et éviter toute escalade. ».

Si on ne souhaite pas l’extension de la guerre, il faut absolument montrer à Vladimir Poutine (qui a fait profil bas le même jour à Moscou) la fermeté et l’unité de l’Europe. Et Emmanuel Macron a réaffirmé ce qu’il avait déjà assuré lors de son allocution télévisée du 2 mars 2022 : « Nous ne sommes pas pour autant en guerre contre la Russie. Nous œuvrons en Européen pour la préservation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, pour le retour de la paix sur notre continent. ».

Le Président français a mis en lumière l’une des conclusions de cette Conférence : « Ce que nous sommes vraiment : une puissance citoyenne et démocratique. Et il n’y a pas d’équivalent au monde, il n’y en a pas. ». Et il a expliqué qu’elle ne pouvait pas se poursuivre sans préserver son efficacité, et pour cela, il faut conforter les institutions européennes. Proposer « la convocation d’une convention de révision des traités », en particulier, « en continuant de généraliser le vote à la majorité qualifiée dans nos décisions pour nos principales politiques publiques ». Il a suggéré que le départ de cette réforme institutionnelle ait lieu dès le Conseil Européen du mois de juin 2022.





L’autre principe qu’Emmanuel Macron a voulu promouvoir, c’est l’Europe à cercles concentriques, que certains diraient à plusieurs vitesses. Il est impossible de vouloir approfondir les politiques de solidarité s’il faut y aller systématiquement à vingt-sept. Emmanuel Macron a donc proposé que les approfondissements se fassent avec les seuls pays qui le souhaitent, sans exclure aucun autre, mais qui puissent ensuite entraîner les autres, comme c’était le cas avec la mise en place de la monnaie unique (l’euro) : « Il ne faut pas non plus craindre la différenciation, les avant-gardes, elles ont toujours été fécondes pour le projet européen. Elles n’ont d’ailleurs jamais exclu, elles entraînent, et elles existent déjà de l’euro à Schengen. (…) C’est permettre à ceux et à celles qui veulent avancer un peu plus loin d’entraîner les autres et de rendre l’ambition désirable, au lieu de rendre l’attentisme plus risqué. Je sais parfois les craintes qu’il y a d’une Europe à plusieurs vitesses, elle existe déjà, mais accélérer le rythme, relever nos ambitions, créer de la convergence en son cœur, sans format prédéfini, sans jamais exclure, mais aussi sans jamais laisser les plus sceptiques, ou plus hésitants, freiner est ce qui permettra à notre Europe de s’affirmer comme puissance. ».

Emmanuel Macron a même regretté qu’il n’y avait plus de réunion de l’Eurozone : « Nous sommes le seul syndic de copropriété qu s’interdit de se réunir. En syndic de copropriété, il faut toujours inviter toute la rue. ».

Enfin, le Président français, leader du monde européen, a aussi émis l’idée de créer une structure politique paneuropéenne qui puisse intégrer dès maintenant des pays comme l’Ukraine, la Moldavie, les Balkans, etc. : « Soyons clairs, l’Union Européenne, compte tenu de son niveau d’intégration et d’ambition, ne peut pas être à court terme le seul moyen de structurer le continent européen. ». Car leur demande d’adhésion à l’Union Européenne a été effectivement initiée, mais la procédure d’intégration européenne, d’adhésion, est très lourde et très longue, et elle ne pourra pas se conclure avant de nombreuses années pour ne pas « baisser les standards de cette adhésion ».

Pour avoir un espace où se parler, échanger, il a donc avancé l’idée très innovante d’une « communauté politique européenne » : « Cette organisation européenne nouvelle permettrait aux nations européennes démocratiques adhérant à notre socle de valeurs de trouver un nouvel espace de coopération politique, de sécurité, de coopération en matière énergétique, de transports, d’investissements, d’infrastructures, de circulation des personnes et en particulier de nos jeunesses. La rejoindre ne préjugerait pas d’adhésions futures à l’Union Européenne, forcément, comme elle ne serait pas non plus fermée à ceux qui ont quitté cette dernière. ».



Cette dernière proposition est d’ailleurs la seule vraiment neuve par rapport aux autres qui n’ont été que la reprise des réflexions de cette Conférence sur l’avenir de l’Europe. Maintenant que le Président français a été réélu et le Chancelier allemand élu l’an dernier, le couple franco-allemand dispose d’une forte stabilité d’environ trois ans et demi. Enfin, seulement si le Président Emmanuel Macron obtient une majorité de confirmation à l’Assemblée Nationale, bien sur, dans un mois. Faire des élections législatives un référendum sur l’Europe paraît pertinent, puisque la majorité présidentielle reste désormais la seule force politique à vocation majoritaire favorable à la construction européenne (LR n’ayant plus à ce jour les moyens de se dire à vocation majoritaire à court terme).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (09 mai 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
Discours du Président Emmanuel Macron le 9 mai 2022 au Parlement Européen à Strasbourg (vidéo et texte intégral).
Élysée 2022 (51) : le serment d’Emmanuel Macron.
Discours du Président Emmanuel Macron le 7 mai 2022 au Palais de l’Élysée à Paris (vidéo et texte intégral).
Élysée 2022 (50) : Macron II succède à Macron I.
Élysée 2022 (49) : vers une quatrième cohabitation ?
Élysée 2022 (48) : qui sera le prochain Premier Ministre d’Emmanuel Macron ?
Élysée 2022 (47) : la victoire historique d’Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron réélu Président de la République le 24 avril 2022.
Discours du Président Macron le 24 avril 2022 au Champ-de-Mars à Paris (texte intégral et vidéo).
Interview d’Emmanuel Macron le 22 avril 2022 sur France Inter.
Résultats du second tour de l’élection présidentielle du 24 avril 2022 (Ministère de l’Intérieur).


 


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