L’Italie a toujours le Berlu

par Bernard Lallement
jeudi 13 avril 2006

Trois jours après le scrutin, ce n’est pas la dolce vita en Italie. Romano Prodi affirme sa courte victoire sur Silvio Berlusconi à la Chambre des députés, mais, au Sénat, le leader de Forza Italia conteste sa défaite. Il demande une vérification de quelques 40 000 bulletins.

Pour ajouter à la confusion, le ministère de l’Intérieur confirmait, mardi, l’avantage de L’unione pour l’élection des sénateurs (à une voix près), mais son site affichait toujours, aujourd’hui, une suprématie pour le président du Conseil sortant qui répugne à quitter facilement le pouvoir.

Quoi qu’il en soit, le paysage politique italien se révèle clivé : derrière il professore, le Sud, en majorité des salariés du public ou du privé, plutôt jeunes, urbains et instruits. Il cavaliere draine derrière lui une préférence du Nord, rurale, des petits commerçants et artisans, des chefs d’entreprises séduits par un libéralisme affiché et des retraités inquiets de tout changement.

Aussi la tâche de l’ancien président de la Commission européenne ne se révèlera-t-elle pas aisée pour réunifier le pays, d’autant qu’il devra faire cohabiter, dans son gouvernement, une étrange coalition qui, chez nous, irait d’Olivier Besancenot à François Bayrou, en passant par José Bové.

Le populisme de Berlusconi a encore de beaux jours et le pourfendeur des coglioni compte, en tout état de cause, jouer un rôle déterminant dans l’opposition.

Cela dit, les fractures de l’Italie sont loin de lui être propres. La Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France n’y échappent pas non plus. A la base, et nous avons eu ici déjà l’occasion d’en parler, il y a cette fausse conviction que le progrès social se confond avec le succès et la compétition économique.

L’époque est révolue où un Sartre, dans le premier numéro des Temps modernes, écrivait « vouloir changer l’ordre des choses. » Il est assez paradoxal de se réclamer des Lumières et de célébrer une vision du monde où la liberté est, avant tout, celle des marchés. A défaut d’un grand dessein politique qui transcende les ambitions personnelles, et les cours de la Bourse, nous sommes condamnés à générer des individualismes et des antagonismes communautaires.

Au siècle où nous vénérons la communication, l’incommunicabilité entre les êtres est devenue la règle. Reconstruire le lien social est une priorité qui, pourtant, semble une mission impossible.

Il n’est pas sûr que Romano Prodi puisse réconcilier les Italiens avec eux-mêmes, comme il n’est pas certain que les prochaines élections, qui se profilent en 2007, soient en mesure de vaincre le désarroi des Français.

Photo : Associated Press


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