L’UE n’est pas un facteur de désintégration des Etats

par Blogactiv
mardi 22 juillet 2008

La crise politique belge a aussi pour effet secondaire d’agiter le milieu des politologues. Philippe Moreau-Defarges soutient aujourd’hui dans Le Monde une opinion singulière : « L’intégration européenne a un effet désintégrateur sur les Etats ».

Le professeur à Sciences Po explique : « Les Etats perdent beaucoup de compétences qui sont transférées vers l’UE, et certains groupes estiment qu’ils n’ont plus besoin des Etats existants puisqu’il y a l’Europe. » Ce raisonnement peut être tenu théoriquement par un professeur, mais ne correspond pas à la réalité. Ce n’est pas l’intégration européenne qui pousse les Flamands ou les Catalans à demander l’indépendance, mais une forme d’égoïsme qui trouve ensuite à se justifier en invoquant, entre autres, les compétences exercées par les institutions européennes.

Le sentiment d’une identité commune n’est pas assez fort en Belgique pour justifier aux yeux d’une partie de la population des politiques de solidarité, particulièrement du côté de “ceux qui payent”. L’image répandue par les nationalistes flamands, selon laquelle chaque ménage flamand offrirait tous les deux ans une voiture à un ménage wallon, a exploité la défaillance du sentiment national belge, avec laquelle l’intégration européenne n’a rien à voir. Comme l’a montré le divorce à l’amiable des Tchèques et des Slovaques, le 1er janvier 1993, intervenue bien avant l’élargissement de 2004, la séparation des peuples ne se préoccupe pas de l’Europe. Les intérêts locaux et les égoïsmes nationaux s’occupent trop de leur nombril pour s’intéresser aux solidarités politiques qui les dépassent, sauf lorsque celles-ci peuvent être mises momentanément au service de leur rhétorique et de leurs intérêts.

“Ceci n’est pas un pays”, par stttijn

Au moment de la création de la Tchécoslovaquie, en 1918, on a réuni deux régions de l’ancien Empire austro-hongrois sur la base d’une langue commune. La partie tchèque, plus peuplée et plus développée, représentait alors le cœur industriel de l’ancienne monarchie, alors que la partie slovaque, ancienne Haute Hongrie, était une région essentiellement agricole. Du fait de ces différences, les Tchèques ont eu tout au long de leur cohabitation l’impression de «  payer pour les Slovaques », alors que ces derniers ont souffert d’être méprisés par leur voisin occidental. Le divorce à l’amiable est intervenu alors que le cadre du COMECON avait disparu avec l’Union soviétique, en 1991, et que la perspective d’être englobés dans la communauté européenne ne s’offrait encore ni aux Tchèques ni aux Slovaques. D’autres exemples en Europe (Kosovo) et dans le monde (Québec, Bolivie, etc.) ne permettent pas de dire que l’UE aurait été un facteur particulier de désintégration.

L’intégration européenne s’est traduite par un renforcement des régions, et a pour effet d’augmenter leurs pouvoirs administratifs et leur visibilité politique. Pourtant, la reconnaissance dont bénéficient les régions au niveau des institutions européennes permet aussi l’expression de leurs intérêts dans un cadre démocratique, et a rendu pratiquement impossible la négation des intérêts régionaux en Europe. Aucun territoire ne peut aujourd’hui justifier un désir de sécession en invoquant l’oppression par un Etat centralisé. En revanche, les formes les plus arrogantes de nationalisme flamand violent le droit européen, notamment la législation anti-discrimination, et les attentats perpétrés au Pays Basque ou en Corse sont tout aussi condamnables au regard de l’Union européenne que de l’Etat-nation.

La Belgique est protégée par l’euro et le marché commun, comme le sont aujourd’hui vingt-sept pays. Lors des précédentes crises politiques, le franc belge avait été vigoureusement attaqué ; la Banque centrale avait dû remonter les taux d’intérêt à toute vitesse, ce qui avait paralysé l’économie pour un temps. Grâce au parapluie de l’euro, rien de tout cela ne s’est évidemment produit. L’Union européenne fournit aux égoïsmes régionaux un filet de sécurité, principalement juridique et monétaire, qui leur permet jouer des coudes et d’envisager l’indépendance avec une plus grande audace. Toutefois, l’intégration européenne n’est pas un facteur de désintégration des Etats, comme l’écrit Philippe Moreau-Desfarges.

“Trop cool la tendance”, par Kroll, pour Le Soir

L’Union européenne joue comme une sorte de filet de sécurité juridique et monétaire, qui peut être mis au service de positions politiques néo-nationalistes. Une partition de la Belgique pourrait revigorer les désirs d’indépendance de certains en Ecosse, Catalogne, Corse ou Transylvanie. L’avenir de l’Union serait-il celui d’une balkanisation inédite ? On peut légitimement se demander jusqu’où iront les tentations séparatistes et s’il faut en redouter les conséquences.Toutefois, ces accidents politiques ne doivent rien à l’intégration européenne, d’autant moins que celle-ci n’aurait rien à gagner d’Etats faibles, incapables de transposer le droit européen, de combattre la criminalité ou de résister aux envies sécessionnistes.

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Marc Foglia

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