L’Union européenne a tué l’Europe
par Bernard Dugué
mardi 21 janvier 2014
Il y a cent ans un conflit dévastateur, sans précédent, était déclenché par les nations européennes dirigées par des malades ivres de gloire et de conquêtes, lancés dans la course aux armements, bref, inutile de rappeler cette histoire qui s’acheva par un holocauste en préfigurant un second.
En 2014, on ne compte plus les intellectuels glosant sur le déclin, le crépuscule, le désarroi, le marasme, la perte du sens historique et j’en passe. La bêtise des commentaires signe la perte de l’Europe engloutie dans le pouvoir magique des mots. Social démocrate, social libéral, Hollande qui accomplit une révolution copernicienne. Mais comme dirait Montaigne, un homme qui accomplit une révolution copernicienne finit toujours par retomber sur son cul. Et le général de Gaulle nous dirait qu’on peut sauter comme un cabri sur sa chaise et crier l’euro ! L’euro ! L’euro ! Cela n’aboutit à rien et ne signifie rien ! Et pourtant, que d’intellectuels dans la posture de ces cabris cabrés pour ou contre l’euro et qui font faire devenir chèvres les Européens et surtout les veaux que sont les Français. D’ailleurs, les Français sont déjà des chèvres, la plupart en quête d’un bouc émissaire !
Hollande n’a rien d’un libéral. Il ne l’est pas plus que le bureau exécutif du parti communiste chinois. La France n’est pas un pays libéral, c’est une sorte d’union soviétique qui marche à peu près et qui laisse les gens voter et s’exprimer. Il suffit d’observer la fiscalité pour comprendre que la France n’est pas libérale, avec toutes ces mesures fiscales et autres taxes qui incitent les gens à consommer et se comporter dans le sens conforme à l’idéologie du vivre conçue par les énarques et autres émanations de science po. La fiscalité influe sur les prix et donc s’oppose au libéralisme authentique dans lequel les prix ne sont fixés que par l’offre et la demande et où il n’y a pas de concurrence faussée, ce qui n’est pas le cas avec toutes les aides publiques accordées aux entreprises et autres facilités offertes par les élus de la république ou la région. Dire que Hollande est libéral, c’est pareil que dire : la guerre c’est la paix. Les mots sont devenus fous, comme l’Europe qui épouse Orwell.
Mais le problème, ce n’est pas que les intellectuels taxent Hollande d’être social libéral ou que d’autres fustigent l’euro, ou même l’immobilisme en matière de défense ou encore les manœuvres financières et économiques de l’Allemagne, tandis que d’autres sautent comme des cabris en s’écriant, du social, du social, du social. Le problème, c’est que les débats sur l’Europe sont presque exclusivement axés sur l’économique. L’Europe n’est au fond qu’un machin composé d’une combinaison de plusieurs nations jouant la comédie du vivre ensemble mais le plus souvent préoccupées de leur destin national qui ne se résout pas dans le conflit mais le souci de l’économie.
On aimerait que l’Europe commence par un dialogue. Qu’est-ce que les nations européennes ont à se dire ? A partager, à débattre, à échanger ? Qu’elle est fade, cette Europe qui ne jure que par la croissance. Une Europe devenue normale dans un monde normé. Cet assemblage économique et technique de nations ne constitue pas une super nation et encore moins un superbe continent. Quand on rencontre l’autre, on peut lui demander ce qu’il a, ce qu’il fait, ou ce qu’il est, d’où il vient, où il va. Il est possible de s’intéresser à l’Allemagne, l’Italie ou le Danemark autrement qu’en scrutant les PIB, les déficits, le taux de chômage et les bilans à l’exportation. Quand on partage des liens d’amitiés, on n’a pas comme première préoccupation d’aller voir le compte en banque de son ami ni de savoir combien il a dépensé pour son nouveau véhicule. L’Europe ressemble à une réunion d’experts-comptables. Quand ce n’est pas le cas, elle joue la comédie de la culture en donnant des représentations dans les capitales européennes mises en concurrence lors de l’examen des dossiers présentés et concoctés par une armée d’agent en marketing et autres communicants. L’Europe se veut culturelle et veut le faire savoir. L’Europe, c’est un peu du vent qui décide de planter des drapeaux pour faire savoir qu’il existe.
Finalement, si l’Europe est si peu intéressante, c’est parce que les peuples ne s’intéressent pas à l’Europe. La faute en incombe surtout aux médias de masse qui ont présenté l’Europe comme une sorte de bouclier économique et de pompe à fric. Difficile de s’intéresser à l’Europe quand l’actualité qui domine, c’est la liaison de François Hollande, l’état de santé de sa compagne et peut-être bientôt ex, les failles de la sécurité présidentielle, la marque de son scooter. Sans doute que les autres nations européennes ne font guère mieux. Quant aux intellectuels, ils sont absents sur la question européenne, sauf ceux qui parlent de l’Europe parce que c’est leur métier et qu’il faut bien vivre.
L’Europe est alors une entité bien floue, une série de chiffres, de données, de comptes publics, de statistiques. Finalement, on cherche une Europe éternelle, comme il y a une Italie, une Allemagne ou une France, toutes les trois éternelles. Cette Europe éternelle a disparu pendant trente ans, de 1914 à 1945, puis elle est revenue. Et maintenant, elle passe l’épreuve de la technique, de l’économie et la bureaucratie. Euréka ! Ce qui empêche l’Europe de renaître, c’est la construction européenne. L’union européenne a tué l’Europe éternelle.
Mais ne peut-on dire que l’Europe reste et se sent exister parce qu’elle est menacée de mort. C’est parfois nécessaire que de sentir la mort pour prendre conscience qu’on a vécu. Comme l’Europe et tous ses peuples, et ses nations, institutions, savants, artistes, ecclésiastes, paysans, ouvriers, cadres…
Finalement, l’affaire est simple. Les européistes se servent de l’Europe au lieu de servir l’Europe. C’est assez évident mais n’étant pas un expert, ni locataire d’une chaire universitaire et encore moins personnalité habilité à parler au nom des milieux autorisés, mon avis ne comptera pas mais l’essentiel est qu’il soit publié. Je pense dire vrai et si je me trompe, ce ne sera pas par malveillance. Peut-être n’ai-je pas voulu m’incliner face aux gens qui savent… d’en haut. Ces gens qui savent comment nous devons vivre.
Pourtant, quand je me déplace, je rencontre des tas de gens et je sais qu’ils ont une intelligence de l’existence et qu’ils sont de plus en plus nombreux. Alors, il y a un schisme entre les élites et les peuples, entre l’Europe de Bruxelles et l’Europe éternelle. C’est clair, enfin, disons que pour moi c’est évident. La vie continue. Rien ne va changer. Tant que l’Europe des dirigeants n’aura pas rencontré le mur vers lequel elle se dirige.