La Belgique, chronique d’une mort à court terme

par asterix
jeudi 24 novembre 2011

Le rouge, le jaune et le noir...

Voilà 529 jours que la maison Belgique brûle à petit feu et des pompiers pyromanes de tous bords en sont responsables.

Une responsabilité que ces incendiaires hyper professionnalisés n'ont jamais encaissée, c'est un comble !

Ce plat pays qui n'est plus le mien n'en faisant jamais assez pour accélérer son processus de délitement, une nouvelle pièce à conviction d'onze milliards d'euros vient de s'ajouter au dossier. Usé d'avoir trop voulu lanterner ses adversaires avec lesquels il doit dans tous les cas de figure tenter de s'entendre pour gouverner, le formateur socialiste vient d'offrir sa démission au Roi.

Une démission qu'Albert II s'est empressé de refuser.

On le comprend, notre vaillant octogénaire en chef n'y joue rien moins que sa couronne.

 

Rien ne va plus et pourtant tout le beau petit monde politique jure la main sur le coeur qu'il voudrait que cela aille, mais chaque polichinelle du Belgium Circus exige que ce soit à ses conditions. Une méthode calquée sur celle qui a valu à mes bientôt ex-compatriotes flamands d'arracher à coups d'obstination triomphale un accord institutionnel réduisant de facto les habitants de la périphérie bruxelloise au statut de sous-hommes.

Un accord institutionnel dorénavant remisé pour un temps, celui-ci faisant partie d'un tout.

Ouf, j'en respire presque. Enfermé dans le pakage, mon Bruxelles n'est toujours pas entouré d'un mur...

Une nation hybride qui n'existe plus, comment en être arrivé là ? Est-on vraiment allé un pont trop loin ? Serait-ce un nouvel accrochage entre majorité flamande et minorité francophone, une cabale destinée à nous transformer un peu plus en esclaves ?

Quand même pas ! Relativisons, disons peu ou prou. En partie seulement. Avec des nuances, si vous préférez.

Des nuances économiques. Question de gros sous évidemment.

Sommés par l'Europe sous peine d'une astreinte de 758 millions d'euros de présenter un budget – son solde n'y correspondra de toute façon pas – sensé ramener le déficit en-dessous de la barre fatidique des 3%, nos excellences se sont à nouveau chamaillées jusqu'à la désunion.

Et cette fois, comme dans tout état normalement constitué, libéraux contre socialistes. Plus précisément, socialistes wallons contre libéraux de tous bords.

Atterré devant l'ampleur de la dette concoctée par les incapables qui nous gouvernent, le peuple belge qui sera de toute manière seul astreint à payer la note est en colère, très en colère. Un peuple plus que jamais divisé mais sur base d'un autre clivage, celui entre possédants et non possédants. Des possédants dont les représentants ne cessent de faire allégeance à la haute finance mais ne le disent pas. Des non-possédants accrochés à la bouée de l'Etat-providence mais qui ne le disent pas non plus.

 

Après avoir éjecté la N-VA, le parti ultra-nationaliste de négociations où sa constance admirable se résuma à dire non à tout ce qui n'était pas purement flamingant, on en vint à se dire au nom de cette belgitude qui fait toute notre honorabilité que le chemin de la raison pure était enfin déblayé.

Contre toute attente - mais à quel prix ! Elio Di Rupo dit le Calabrais qui venait enfin de changer de direction en invitant les libéraux à participer aux négociations, c'est presque contre toute attente que les négociations aboutirent vitesse Vprime à une capitulation francophone en rase campagne. Maître d'oeuvre de cette trahison immonde, le Paon comme aime à le souligner tout qui n'est pas au Parti, s'était un peu naïvement persuadé d'avoir de quoi faire passer dans la foulée la partie économique de “ son “ si scandaleux accord. Et yop, en deux coups de cuiller à pot, il présenta “ sa “ solution : taxes, taxes et taxes.

57% de ponction globale du citoyen, record d'Europe !

Tout l'effort porté sur qui produit et turbine, aucune prospective pour le futur et pas touche à la mauvaise gestion des siens.

Un plan foireux. Il dut l'amender suite à de vertes critiques, puis l'amender encore... non pour satisfaire sa clientèle de démunis de tous bords dont il se fiche sauf par le biais de promesses intenables, sa position dominante sur l'échiquier wallon lui permit pour un temps d'empêcher qu'on touche à tout ce qui fait la dominance absolue des potentats socialistes de terrain, une multiplication de relais occultes chargés d'entretenir un clientélisme soigneusement dosé via des organismes à double, triple, quadruple emploi au détriment de la vache à lait chargée par l'impôt à outrance d'entretenir le monde étatique dit de protection du travail.

Deux fois plus d'emplois publics en Wallonie qu'en Flandre avec une efficacité effrontément moindre.

La faillite comptable. Plus faillite morale et déviance, aïe !

Oh, je vous vois venir ... Non, mon propos n'a rien de réactionnaire. Amis Français, notre situation politique interne n'est point comparable à celle que vous vivez, sinon a contrario. Notre P$ wallon, l'artisan du changement, cela fait près de 50 ans qu'il exerce sans discontinuer le pouvoir. Du sarkozysme de type rouge, les us et coutumes avec tout ce que cela suppose. L'UMP opérée à coeur ouvert : tout le pouvoir pour moi, le susucre pour qui est fidèle à ma cause, rien sinon la ponction pour qui ne relève pas directement de mon pouvoir.

La saga monolythique. Les amis de mes amis, tout est dit.

Mais voilà, le grand manitou d'habitude si maniéré s'est obstiné ; taxes, taxes et taxes sur le râble de tout ce qui travaille encore, aucune mesure spécifique significative envers les ultra-riches, rien ou presque dans la lutte contre la fraude fiscale et sociale et aucune réforme structurelle, point ! Personne n'a le droit de toucher au pouvoir hégémonique du Parti. L'hydre doit avoir la main sur tout.

Le compromis social. Deuxième porte à gauche, guichet 26...

 

Enivrée par le nectar qu'exhalent les puissances liées au grand capital, la méchante droite en pleine renaissance de s'être dotée d'un petit junior à papa en tant que Président. Charles Michel dit le Micheton se sentit pousser des ailes, profitant de cet état de grâce purement factice pour mettre les bouchées doubles après avoir été si longtemps snobbé par la caste d'en face. Mauvais calcul, le narcisse rouge n'étant finalement pas allé jusqu'à renier complètement les siens, notre très dégarni fils à papa se retrouve comme le Roi nu, brancardé et brocardé par le Front des Francophones qui a quitté le bateau avec armes et bagages ...et les amabilités du très nanti Didier Reynders, Ministre des Finances qu'il venait de déboulonner de sa fonction complémentaire de Président de parti dans une joute feutrée où le oui franc et massif était aux abonnés absents.

Résultat des courses, voilà le petit Micheton junior inexorablement propulsé dans la fuite en avant et l'excès de communication sensé renforcer votre droit supposé à l'influence.

Seule arme, l'intransigeance. Seule méthode éprouvée, les coups bas.

Ambiance, ambiance...

 

Exactement dans le même cas de figure, le fils à papa Decroo, une grande figure qui exerca quant à lui la présidence de l'homologue libéral flamand, il se sait poursuivi à la trace par le souffle fétide de la N-VA, le muffle linguistique qui voue pour sa part une adoration extrême au tout puissant syndicat patronal auto-qualifié de race flamande, la très trouble VOKA. Dégringolé de par sa seule inexpérience au rang de chef d'un parti d'appoint soucieux de faire oublier les effets secondaires de sa trahison au flamingantisme pur et dur, ce gamin de merde tel qu'on le qualifie dans le milieu est condamné, tout comme son alter égo francophone, à ne survivre que s'il présente un bilan favorable de la répartition de l'effort au monde des nantis. Question purement existencielle les condamnant à unir leur destin, ils savent tous deux qu'un nouveau vote citoyen leur assurerait la raclée de leur vie.

Ces deux trublions-là faisant parfaitement la paire, ils martèlent de concert une pseudo défense des classes moyennes dont ils placent la barre très haut et leur volonté inébranlable d'assurer un revenu décent au petit peuple qui travaille. Un programme tout en déviance puisqu'il consista à exiger en priorité une diminution de 50% de la rente nucléaire prévue à la charge d'Electrabel ( la branche belge de Suez ), l'augmentation des années de cotisation pension comme s'il s'agissait d'instrumentation purement technique, suggéra tout haut la diminution drastique des allocations de chômage dans le temps ( un droit jusqu'ici à vie en ce pays qui fut un mât de cocagne ) et même, oh crime ! la prise en charge d'une part substancielle des économies voulues par l'Europe à charge des Régions, une atteinte bien évidemment directe à l'hégémonie de la Maison Rouge sur la Wallonie toute entière.

Rien de mieux que de réouvrir les hostilités sur le dossier qui fâche, c'était fait pour.

Accourez m'sieurs-dames et comparez :

- à ma droite le champion du rationnel, une nation flamande fière qui, sans trop chipoter les chiffres, gère presque son destin à l'allemande.

- à ma gauche le challenger, une entité belgicaine résiduelle qui, même en les chipotant largement, n'est en fait clairement qu'un vaste tonneau des Danaïdes.

Lequel des deux ne fait pas le poids ?

Point n'était besoin d'ouvrir l'officine des paris. Compromission à la mesure de notre désepérante sagesse, on convint entre traîtres de bonne compagnie que cette terre de cigales appelée Wallonie serait subventionnée plus ou moins de bonne grâce et pour dix ans encore par quelques deniers flamands. Un pourboire concédé du bout des doigts. La piécette lâchée au junkie, précise le si corrosif Bart De Wever. Sa toute dernière chance d'assurer sur le compte de l'autre sa reconversion, une reconversion toujours posée dans les mentalités, jamais réalisée.

Le prix à payer ? Rien moins que la suppression des droits personnels des francophones de la périphérie bruxelloise. Putains de socialos, putains de libéros, putains de cathos, putains d'écolos, ces manges-parole avaient pourtant juré qu'ils ne s'y abaisseraient jamais !

Vendus, nous les habitants d'une capitale de l'Europe ouverte sur le monde, ces lâches nous ont vendus contre des broutilles !

 

La catastrophe d'ambiance aidant, il y eut ensuite Arcelor-Métal. Nouvel épisode de la guerre économique, une bagatelle de mille emplois supprimés dans la sidérurgie liégeoise dont la nouvelle direction, navrée cela va sans dire, était néanmoins en état de constater que le produit fini revenait 500 euros de plus à la tonne que dans une entité plus productive, un site étranger mieux drivé à se taire. Une fois de plus, ne passent à la trappe que les emplois subventionnés pour faire les yeux doux aux hérauts du capitalisme international. La culture de la grève trop souvent pour un rien, le refus d'innover, un bastion imprenable du parti rouge.

Abaisser l'ouvrier n'est pas mon propos. Mais maintenant qu'il a tout perdu, ne se dit-il pas quelque part derrière son drapeau rouge que cette masse de fric filé en subventions n'aurait pas été plus utilement investie ailleurs ?

Scepticisme contre dogmatisme...

Pour parfaire presque à point nommé le chemin de croix, vint ensuite l'affaire Dexia, cette banque de merde dans laquelle quantité de nos entités locales ont englouti jusqu'à leur dernier euro, alléchées par les crédits pas trop regardants, les subprimes, le boursicotage qui rapporte. Encouragés par la présence au sein du conseil d'administration de pare-feux politiques chargés de les protéger mais “ bonifiés “ par l'effet levier sur leur salaire de taux d'intérêt à la Madoff. les syndicats chrétiens y ont investi tout leur bas de laine. Des milliards envolés chez l'ennemi. Et plus précisément chez vous, chers amis d'Outre-Quiévrain. Pas dans votre poche, mais celles des petits copains du paltoquet, vous savez de qui il s'agit.

Ce qui nous intéresse, nous angoisse, c'est avant tout de savoir à qui ira la garantie de l'Etat belge ? Le statut propre aux institutions syndicales leur permettra-t'il d'introduire une action en justice ?

Silence sur toute la ligne, détresse visible et défense en ligne...

“ Ce n'est pas moi, mais l'autre ! “ éructe le gros Dehaene, l'un de nos ex-premiers ministres placé en son sein pour respecter ces usages has been que sont les fromages crémeux dus aux si glorieux anciens serviteurs en chef de l'Etat.

“ J'ai tout vu, tout lu, tout bu, mais j'ai rien vu ! “

Un clown public envoyé mariner parmi des requins financiers.

Ben voyons !

 

Notre grand remède institutionnel s'étant quand même terminé par une trahison, à défaut de bonne fortune et certainement pas de bon coeur, le citoyen en était arrivé à espérer un sursaut de responsabilité face à la dette, un compromis acceptable consistant à partager équitablement les sacrifices et pas à accentuer ce qui nous sépare, notre jeu de civilisation préféré...

Ce fut NON, non et NON. De part et d'autre le même leit-motiv : d'accord pour le sacrificiel, mais uniquement chez l'autre.

Scotché par son ambition démesurée d'exercer un jour la fonction de Premier Ministre alors qu'il ne maîtrise même pas l'abc de l'autre langue nationale, Elio Di Rupo qui eut tant voulu se trouver en haut de l'affiche a donc été logiquement contraint de remettre sa démission.

Vieille femme finissante qui veut qu'on rie, qui veut qu'on danse comme des fous quand c'est qu'on la mettra dans le trou, la Belgique est plus que jamais à la recherche d'un homme d'Etat, un sage capable de faire passer l'intérêt général avant celui de son parti.

Cet homme providentiel est introuvable.

Et le peuple qui voudrait tant kadhafiser pour de bon tout ce bazar piaffe d'impatience, rêve d'envoyer une fois pour toutes ce beau monde au diable. Hypocrite jusqu'au bout, la Convention Nationale empreinte d'éminente sagesse lui répond à rebours qu'elle craint l'aventure.

Un blocage institutionnel catastrophique auquel succède un couac de dimension opposant désormais un populo de gauche condamné à n'assurer que le confort de ses dirigeants et un peuple de droite qui trouve anormal si pas décadent de se voir refuser le droit d'être seul maître des cordons de la bourse.

Du fric, y'en a plus pour deux. Partage bien ordonné... vous connaissez l'adage, faudra vous y faire. C'est que, voyez-vous ,la dépense, c'est à gauche qu'elle s'engage, mais la fortune, c'est à droite qu'elle se conserve.

Et la droite, c'est 70% de la Flandre ...et 30% de la Wallonie.

En clair et le drame est bien là : il ne peut y avoir de majorité chez l'un qu'avec une minorité chez l'autre et réciproquement. Quel que soit le prochain épisode qui peut tomber dés demain matin, ce pays est bel et bien devenu irrésoluble.

N'en jetez plus, la boucle est bouclée.

 

P.S.

Aux dernières nouvelles, Elio Di Rupo la grande Diva rouge qui bat les rappels jusqu'à plus soif accepterait “ sur insistance de sa Majesté le Roi “ de reprendre son rôle de formateur après un court délai de réflexion.

Bof, ce vieux remake a déjà été rejoué cent fois, c'en devient pathétique.

 

ASTERIX c/o l'allocaterre dans les forums belges


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