La Belgique s’accroche à Van Rompuy

par AJ
jeudi 5 novembre 2009

Désormais favori pour occuper le poste de président permanent du Conseil Européen, le premier ministre belge Herman Van Rompuy, qui ne s’est pas encore exprimé en public sur la question, est tiraillé entre la formidable opportunité de se voir échoir la première présidence du conseil européen et la campagne trans-partisane en Belgique qui l’incite à poursuivre son mandat. S’il devient président de l’Europe, il nous manquera et nous serons face à un nouveau chapitre a estimé la présidente du parti chrétien-démocrate flamand CD&V Marianne Thyssen, dont est issu Van Rompuy. A gauche, même son de cloche. Le député européen socialiste francophone Marc Tarabella admet que le départ d’Herman Van Rompuy pour la présidence du conseil européen serait une grande perte pour le gouvernement fédéral. La presse a également pris parti, La Libre estimait ainsi dans son édition de lundi qu’il est un évident et incontournable facteur de stabilité. Effectivement, depuis son arrivée au 16 rue de la Loi en décembre dernier, cet homme de consensus est parvenu à apaiser les tensions entre flamands et francophones qui minent le pays, engageant une sortie de crise institutionnelle.

Depuis 2007, la Belgique ne parvient pas à rétablir un équilibre politique : l’écart de développement économique entre wallons et flamands croît d’années en années (taux de chômage de 6% en Flandre, contre 16 en Wallonie), au même rythme que les transferts fiscaux inter-régionaux : ainsi, la Flandre contribue à hauteur de 2 à 3 milliards d’euros annuels à la sécurité sociale wallonne ! L’agacement de trainer ce boulet est d’autant plus compréhensible que de 1850 (date de création de la Belgique) à 1967, ce sont les francophones qui dominaient l’activité économique belge, du fait de leur industrie florissante : en 1940, le taux de chômage s’élevait à 19% en Flandre contre 8% en Wallonie ! Les flamands étaient également marginalisés par cette Wallonie bourgeoise, cultivée, qui méprisait le flamand, considéré comme un vulgaire patois face à la "noblesse" du français.

En conséquence, les indépendantistes et régionalistes se sont fait de plus en plus nombreux au cours des dix dernières années, et, dans un but électoraliste, les partis politiques flamands ont entrepris de radicaliser leur discours : ils réclament un transfert des compétences fiscales et d’allocations (comprenant la sécurité sociale) de l’échelon fédéral à l’échelon régional. Hors de question pour les partis wallons, qui refusent d’avaliser une sixième réforme de l’Etat, conscients qu’affermir les régions aux dépens de l’état fédéral ne serait qu’un pas de plus vers la scission de la Belgique.

Depuis l’arrivée de Herman Van Rompuy au 16, le rétablissement de la pérennité politique du pays semble être sur une bonne voie. Son départ serait d’autant plus préjudiciable que nul ne semble disposer d’une légitimité suffisante pour lui succéder. Le CD&V, qui veut à tout prix garder le premier ministère en ses mains, n’a qu’Yves Leterme à proposer, mais l’impopularité de ce dernier met à mal sa candidature. La présidente du CD&V, Marianne Thyssen, qui n’a qu’un mandat de députée européenne à faire valoir sur son C.V, manque de légitimité. Du coup, le centre-droit francophone, le Mouvement Réformateur, se verrait bien placer son leader, le ministre des finances et des réformes institutionnelles, numéro 2 du gouvernement, Didier Reynders. Au risque de provoquer une fronde entre la droite francophone et flamande, replongeant le pays dans une crise institutionnelle... 

 
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