La Serbie n’est toujours pas le 30ème état européen

par Alain Roumestand
mercredi 21 décembre 2011

Le vice premier ministre serbe a démissionné. Il était chargé des négociations avec l'UE.Le dernier sommet de Bruxelles a renvoyé au prochain sommet pour la décision sur la candidature serbe.

Bozidar Djelic qui était chargé de négocier le statut de candidat à l'adhésion de la Serbie à l'Union Européenne, a annoncé sa décision de démissionner, après la résolution prise par les 27 dirigeants européens au sommet de Bruxelles, de reporter à mars 2012 toute action concernant son pays.

La Serbie attendra donc encore pour être à terme le 30ème membre de l'UE au même titre que la Croatie qui vient d'être admise dans le concert des nations européennes.

L'UE espoir raisonné de la Serbie

Le vice premier ministre que nous avons rencontré à Paris début décembre, a fait part de tous les espoirs que son pays met dans l'adhésion à l'Union Européenne et cela malgré la crise actuelle.

A Paris, il a rencontré Jean-Pierre Jouyet, Laurent Wauquiez, Pierre Lellouche, Bruno Lemaire.

Les réformes serbes

Pour lui toutes les garanties sont offertes par la Serbie qui a respecté tous ses engagements :

réforme de la justice, avec l'expertise de l'Europe et la spécialisation des tribunaux, coopération régionale, coopération avec le Tribunal Pénal International pour la Yougoslavie TPIY (46 inculpés livrés à La Haye), lutte contre la criminalité organisée( notamment contre le trafic de stupéfiants), lutte contre la corruption( +de 170% c'est le chiffre de l'augmentation des poursuites), contrôle civil des forces armées, protection des droits de propriété, protection des Roms( on est passé de 30% à 90% d'enfants scolarisés en CP), mise en place des conseils consultatifs des minorités,.

La mise en oeuvre du cadre législatif est en bonne voie.

Le souvenir de la crise en ex Yougoslavie

La Serbie est en paix depuis 12 ans.La Commission européenne a reconnu que la Serbie est devenue une démocratie parlementaire.

Le 26 mai dernier Ratko Mladic, le 20 juillet Goran Hadzic ont été arrêtés.

Le président Boris Tadic a visité Srebrenica et Vukovar et le Parlement serbe a pris une résolution ferme sur la question.

La Serbie soutient l'intégrité territoriale de la Bosnie-Herzegovine et les 3 communautés qui gouvernent.

Le Kosovo et l'hypersensibilité serbe

Interrogé sur le Kosovo, point sensible s'il en est, le vice premier ministre nous a indiqué que le dialogue entre Belgrade et Pristina a été entamé, alors que l'indépendance du Kosovo avait été une déclaration unilatérale en 2008, indépendance dénoncée fermement par la Serbie.

Pour lui, c'est vrai que" les Albanais du Kosovo ne veulent pas être gouvernés par Belgrade, mais c'est aussi vrai que les Serbes du Kosovo ne veulent pas être gouvernés par Pristina"( en 2004 100000 Serbes avaient été forcés de fuir le Kosovo).

Le président Boris Tadic à l'ONU en septembre a énoncé la nécessité d'un statut spécial pour le Nord Kosovo où résident beaucoup de serbes, un statut pour les 5 sites majeurs de foi orthodoxe, la garantie de la sécurité aux Serbes vivant au sud du fleuve Ibar, une solution pour le problème des "actifs" de la Serbie détenus par les Kosovars.

Ces derniers doivent accomplir des efforts et des réformes :

la lutte contre la criminalité est indispensable( le trafic d'organes humains a été dénoncé trop tardivement) ; la confiance ne règne pas : l'entreprise Telecom Kosovo ne trouve pas de repreneur ; le programme du FMI a été dénoncé ; l'appel au boycott des produits serbes a été un fiasco.

La Serbie et la crise en Europe

Interrogé sur la crise économique que connait l'Europe, Bozidar Djelic affirme que" la Serbie et les Balkans occidentaux n'ont pas coûté un seul euro aux contribuables européens".

Les banques serbes n'ont eu besoin d'aucune recapitalisation et ont"un ratio de solvabilité confortable s'élevant à 20%".

La crise a bien frappé la Serbie, mais en 2011 la croissance du PIB est de 2%, la production industrielle a augmenté de 6% au premier semestre, le taux d'inflation reste à un chiffre, la dette publique représente 44% du PIB.

Le seul gros problème est le chômage 22% (39% chez les jeunes).Il était de 13,1% en 2008 avant la crise mondiale.

Les entreprises d'état après les années du communisme ont réussi( pas sans mal) leur reconversion.

Standard and Poor's a même relevé la note de la Serbie de BB- à BB.

La Serbie et la France

Le vice premier ministre ne tarit pas d'éloges sur la coopération franco-serbe.

Un accord de partenariat stratégique a été signé par les présidents des 2 pays, le 8 avril dernier.

Exemplaire pour cette coopération, la construction du" métro de Belgrade qui sera un métro français"( valeur 1 milliard d'euros sur 7ans).

Michelin, Lafarge, Tarkett, sont en Serbie.La Société Générale, le Crédit Agricole, la BNP, Axa aussi.

Il n'y a pas que la France. D'autres pays d'Europe investissent aussi en Serbie : la Belgique, l'Italie, la Pologne...

La Chine est également présente, ainsi que la Corée du Sud.

Les Serbes construisent une véritable infrastructure, autoroutes, rails, ouvrages d'art pour faciliter les échanges.

Les entreprises étrangères sont intéressées par le coût de la main d'oeuvre qui est faible, une baisse effective des charges sociales.

La Serbie a entrepris une vraie collaboration avec la Slovénie, l'Autriche, Rhône-Alpes et le Bade-Wurtemberg, avec des investissements à la clé.

 

Dommage pour Bozidar Djelic que l'accord n'ait pas été acté le 9 décembre.

La démission de l'homme politique ne met pas pour autant un terme au processus.

Actuellement les Serbes sont encore majoritairement partants pour l'adhésion.


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