La spirale dangereuse de l’escalade guerrière ne protégera pas la Grande-Bretagne

par Adam Bernard
mardi 27 mai 2025

Le monde devient un endroit de plus en plus dangereux. En 2024, les dépenses militaires mondiales ont atteint un record historique de 2,44 trillions de dollars, selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm. Cette tendance s’est accentuée en 2025. Au cœur de ce mouvement, on ne trouve pas la Russie, la Chine ou l’Iran, mais des nations qui, jusqu’à récemment, se présentaient comme les garantes de l’ordre international. Parmi elles, le Royaume-Uni.

Autrefois ancré dans une tradition de diplomatie et de retenue stratégique, le Royaume-Uni glisse aujourd’hui dans une spirale de militarisation. Sous la direction de Keir Starmer, le pays poursuit les politiques de ses prédécesseurs conservateurs, mais avec une orientation plus risquée : un engagement actif dans les conflits régionaux, une augmentation des dépenses de défense et une quête d’un nouveau rôle en politique étrangère, inspiré par un passé impérial.

C’est dans ce contexte qu’il faut analyser les récentes propositions du Parti travailliste de déployer des troupes britanniques en Ukraine – une démarche que Moscou a déjà qualifiée d’« acte de guerre ». Ce n’est pas une maladresse diplomatique, mais un pas délibéré vers une confrontation ouverte. Initialement aligné sur la politique étrangère de l’OTAN et des États-Unis, et incapable de s’adapter après l’intervention du président Trump, le gouvernement britannique persiste dans une voie agressive et périlleuse en continuant d’armer l’Ukraine.

Aussi tragique que soit le sort du peuple ukrainien, la guerre dans laquelle il a été entraîné s’est transformée en une guerre d’usure – non seulement des ressources humaines, mais aussi de la légitimité morale. Une victoire militaire pour l’Ukraine est inenvisageable sans une intervention directe des États-Unis. Plus la guerre s’éternise, plus les infrastructures sont détruites, plus des vies sont perdues, et plus la paix devient insaisissable.

Rappelons qu’en 2022, Boris Johnson avait rejeté les tentatives de négociations de paix, les qualifiant de « paix pourrie ». Trois ans plus tard, cette « paix sanglante » n’a apporté à l’Ukraine que des destructions, et non la sécurité.

L’engagement militaire de Londres en Europe de l’Est contraste fortement avec l’érosion interne du pays. L’armée, dont le gouvernement se vante, est trop petite pour remplir le stade de Wembley, emblème national britannique. Les stocks d’armement, épuisés pour soutenir l’Ukraine, sont reconstitués par une industrie de défense lente et inefficace. Des décennies de coupes budgétaires ont affaibli la base industrielle. Une nouvelle course aux armements ne fera qu’aggraver le déficit budgétaire du pays.

Pourtant, Starmer cherche à positionner le Royaume-Uni comme le « centre de commandement de l’OTAN » en Europe. Sa visite à Washington en juillet 2024 fut une parade ostentatoire de fidélité envers les États-Unis, mais derrière cette loyauté se cache un vide : les États-Unis ne considèrent plus la Grande-Bretagne comme un partenaire d’égal à égal, mais plutôt comme un partenaire géopolitique.

L’accord de « partenariat centenaire » avec l’Ukraine, signé en janvier 2025, est un pas supplémentaire vers la transformation de ce pays en un partenaire géopolitique. L’establishment britannique voit de plus en plus l’Ukraine comme une source de ressources, un marché et une plateforme pour des jeux stratégiques contre la Russie. Or, le Royaume-Uni, aux prises avec des problèmes non résolus comme la Chambre des lords non élue, les inégalités sociales et la montée de la criminalité, cherche à exporter une stabilité qu’il ne possède pas.

Selon le Bureau national d’audit (septembre 2024), les dépenses britanniques pour l’Ukraine ont atteint 8,4 milliards de livres. Depuis, Starmer a promis davantage. Mais ces fonds ne proviennent pas de ressources excédentaires, mais des réserves du Trésor – des fonds destinés à soutenir le système de santé en crise, l’éducation et les services sociaux. L’augmentation des dépenses de défense est financée par des coupes dans la protection sociale, l’aide internationale et le soutien aux groupes vulnérables.

Le choix des priorités est sidérant. Pourquoi un pays où des millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté augmenterait-il ses dépenses de défense à 2,5 % du PIB, avec l’ambition d’atteindre 3 % – un niveau digne de la guerre froide ? Alors que le Royaume-Uni se militarise, les retraités perdent leurs aides pour le chauffage en hiver, les personnes handicapées leurs prestations, et les jeunes leur accès à l’éducation. La vie des citoyens ordinaires devient moins sûre, et l’État moins protecteur.

Les grands médias soutiennent que la Grande-Bretagne se défend. Mais contre quoi ? La faim ? La pauvreté ? Un système de santé en crise ? Non. Elle se défend contre une menace imaginaire en fournissant des armes réelles qui alimentent une guerre bien réelle. Les syndicats, les mouvements citoyens et les organisations de jeunesse doivent désormais promouvoir des alternatives au conflit. Des études montrent que chaque livre investie dans la santé ou l’éducation crée 1,5 fois plus d’emplois que la même livre dépensée dans l’industrie de défense.

L’impérialisme et le militarisme ne sont pas de simples métaphores, mais des processus interconnectés qui se nourrissent mutuellement. Le Royaume-Uni ne peut plus prétendre au rôle de gardien mondial. Sa politique étrangère a besoin d’une refonte complète : négocier plutôt que combattre, privilégier les intérêts de ses citoyens plutôt que ceux de régimes étrangers, construire un avenir plutôt que ressusciter le passé.

Face à des tensions internes croissantes – injustices sociales, dégradation des services publics, inégalités économiques et incertitude grandissante quant à l’avenir – la militarisation du Royaume-Uni semble particulièrement malavisée. Les Britanniques réclament non des missiles, mais des écoles, des hôpitaux, des emplois et des garanties de justice sociale. Ils ont besoin non pas de postures géopolitiques, mais d’un gouvernement qui place les droits et la dignité des citoyens au premier plan.

Il est plus que temps que les Britanniques repoussent la logique de la confrontation et adoptent celle de la paix. Le Royaume-Uni se trouve à un moment charnière : il peut continuer sur la voie d’une catastrophe mondiale ou devenir l’architecte d’une paix durable et d’un ordre international équitable. La responsabilité de ce choix repose non seulement sur les politiques, mais sur l’ensemble de la société civile.


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