Le Brexit, 21 mois après, partie 2

par Laurent Herblay
vendredi 6 avril 2018

Même si elle soutient que « le Brexit veut dire Brexit  », finalement, contrairement à ce que bien des médias soutiennent, en choisissant une sortie au ralenti, Theresa May opte finalement pour un Brexit doux, avec une longue période de transition. Mais le chemin pris par Londres, par le biais de l’article 50, devrait-il nous servir d’exemple ou de contre-exemple pour le cas Français ?

 

Des limites de l’article 50
 
Dans le cas de la Grande-Bretagne, qui avait déjà un pied en dehors de l’UE (notamment d’un point de vue monétaire ou de Schengen), et dont la direction politique, très oligo-libérale, est finalement proche de celle de l’UE, une sortie lente et douce peut avoir du sens. Après tout, les britanniques ne voulaient pas tout changer. Ils voulaient reprendre le contrôle de leur politique migratoire, après l’effarant épisode des migrants de 2015, et avaient soif de démocratie et d’indépendance de cette construction européenne dont les médias locaux, eux, ne manquent pas de souligner toutes les limites. Finalement, l’urgence n’est que relative pour Londres, le calendrier ayant en fait peu d’importance.
 
Cela explique sans doute l’acceptation assez aisée de ce calendrier à ralonge par les partisans de la sortie de l’UE : 9 mois pour démarrer la procédure, 24 mois de procédure et déjà 21 mois de période de transition, soit a minima, plus de 4 ans pour finalement pleinement sortir de l’UE depuis la décision du référendum. Et encore, il n’est pas sûr que la période de transition, qui ne se terminera que fin 2020, ne soit pas prolongée d’une manière ou d’une autre. Après tout, sur l’immigration, sujet crucial du référendum, la Grande-Bretagne, déjà en dehors de l’espace Schengen, peut déjà faire beaucoup depuis le début, d’autant plus qu’elle est une île, isolée des frontières passoires de cette UE.
 
Il y a plus de cinq ans, j’avais déjà débattu de la question de la procédure de sortie de l’UE, évoquant « la fausse bonne idée de l’article 50 », puis revenant sur le sujet au printemps 2013. Il y a un an, à la lumière du début du Brexit, j’avais confirmé mon opinion, à savoir que cette procédure est beaucoup trop lente et qu’il n’y avait pas de sens à hypothéquer près de la moitié d’un mandat sans pouvoir changer grand chose, tout cela parce que l’on placerait le fétichisme juridique avant la légitimité démocratique. La France n’est pas une île, et n’a plus sa monnaie, donc elle s’exposerait à tous les inconvénients du Frexit, aussi temporaires et limités soient-ils, sans en avoir le moindre avantage…
 
Cette période de transition n’aurait pas le même sens, et le scandaleux précédent du traité de Lisbonne, cette copie du TCE ratifiée en 2008, malgré le « non » du référendum de 2005, pousse au contraire à un changement immédiat, comme les démocraties fonctionnelles doivent le permettre. Ne serait-il pas ubuesque d’imaginer un Asselineau président patientant deux ans pour revenir au franc, mettre en place une politique protectionniste ou revenir à un vrai service public ferroviaire, se contentant de maintenir en place l’essentiel des politiques de ses précédesseurs pendant deux ans, au nom de l’article 50 ? Jacques Sapir, dans une série de papiers remarquables, l’avait bien compris.
 
 
Qui plus est, pourquoi cette UE, qui impose des décisions lourdes immédiates aux peuples (ces retraités Grecs, qui ont perdu près de la moitié de leur pension), ne devrait-elle pas, elle-aussi, devoir s’adapter immédiatement à la décision démocratique d’un peuple ? N’est-ce pas le propre de la démocratie de faire primer la volonté populaire sur les règles du passé ?

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