Le Centre a trouvé sa « Rama Yade »

par Joachim Courrieres
lundi 9 février 2009

Pour l’instant, personne ou presque n’a rien vu, c’est passé complètement inaperçu des médias. Mais le petit parti politique d’Hervé Morin, qui semble de moins en moins hésiter à faire listes communes avec l’UMP pour les européennes, a amorcé une petite bombe médiatique à retardement, lors de la désignation de ses chefs de file.

Car c’est un jeune inconnu de 28 ans qui a été désigné comme chef de file dans le Sud-Ouest par le Nouveau Centre. Damien Abad – c’est son nom – est Président des Jeunes Centristes.

C’est une vraie surprise, car d’habitude, les mouvements jeunes des partis politiques ne servent qu’à enrôler et encadrer des bataillons de colleurs d’affiches, de distributeurs de tracts, de militants qui applaudissent à tout rompre quand on le leur demande.

Et quand ils ont un peu de réseau, que leur parti est plutôt faible à tel ou tel endroit, que leurs aînés ont besoin d’une caution de renouvellement, alors ils peuvent espérer une place de conseiller municipal, parfois même avec une délégation de gestion, à la jeunesse ou aux conseils de quartier. Il ne manquerait plus qu’on leur donne de vraies responsabilités...


Cette nomination détonne donc, dans le paysage alambiqué des investitures aux européennes. Quand on regarde la moyenne d’âge des chefs de file de leurs cousins du Modem – 58 ans, qu’on regarde ceux qui ont été nommés par l’UMP, ceux qui sont pressentis au PS, un gamin de 28 ans qui pourrait prétendre à être élu au Parlement Européen, c’est assez étonnant.

Il n’y avait qu’à le voir sur LCI, lors de l’émission « Le Ring », où il n’avait jusqu’à présent jamais été invité. Concentré mais spontané, avec sa barbe de trois jours et un tempérament de lutteur que l’on devine derrière ses répliques acérées, on voyait bien qu’il n’avait pas été « coaché » avant l’émission. Pas de message formaté répété de manière mécanique à chaque prise de parole, quelques hésitations bien compréhensibles, il y a du naturel chez ce jeune homme, et visiblement, déjà, une bonne connaissance du monde politique.

Et c’est là où la comparaison avec Rama Yade commence, la Rama Yade d’avant le Secrétariat d’Etat aux Droits de l’Homme, la Rama Yade naturelle et pleine de culot, qui avait crevé l’écran lors des meetings de camapagne de l’UMP. Celle à qui, à l’époque, cela ne serait jamais venu à l’idée de dire « non » à Nicolas Sarkozy.

Lui aujourd’hui comme elle hier, personne, en dehors des observateurs avertis du monde politique, ne sait qui il est, ni ne savait qui elle était. Et pourtant. A part sa gaffe monumentale de ne pas vouloir être tête de liste en région parisienne (! !!), elle avait fait, dans le coeur des français, un sans faute. Ce qu’elle a refusé, il n’ose même pas en rêver. Il se contenterait bien, on s’en doute, d’une place éligible sur une des listes qui seront présentées.

Car cette nomination par les dirigeants néo-centristes est un peu à double tranchant. On devine bien l’espoir formidable qui doit en ce moment animer le mouvement des Jeunes Centristes. Rendez vous compte, leur Président, Député européen ! Aucun parti politique ne l’a jamais osé, aucun parti politique, n’y a même jamais songé. Enfin des jeunes qui ne sont pas des instruments mais des acteurs de leur parti !

Ceux qui ont suivi de près le cheminement interne de ce parti, savent que les Jeunes Centristes, à l’origine, étaient favorables en bloc à des listes autonomes de l’UMP. Sur Facebook, une Cause circulait à ce sujet. Nommer Damien Abad chef de file, c’est un peu remplacer leur espoir d’identification au travers d’une campagne électorale européenne, en espoir d’identification au travers de leur leader. Si le deuxième pas n’est pas franchi, si ce jeune ne se retrouve au final que sur une place inéligible, les dirigeants du Nouveau Centre ne risquent-ils pas de décevoir deux fois leur jeunesse intrépide ?

Et à bien y regarder, ce serait peut-être gâcher un beau potentiel. Quand on regarde les sondages, on voit que parmi les catégories de population les plus désabusées, et de la politique, et de l’Europe, figurent les jeunes. Les 18-25 ans, qui ont majoritairement voté pour Maastricht en 1992, ont majoritairement voté contre le Traité Constitutionnel Européen en 2005. Dans son blog, où il soutient Quitterie Delmas, qui visiblement a eu des difficultés au Modem, il déclare « vouloir réconcilier les jeunes avec la Politique, les jeunes avec l’Europe ». Tout cela avec de belles et grandes majuscules.

Cela vaut probablement le coup de s’y intéresser à ce Damien Abad. Car s’il était élu, et qu’il ne contribue qu’un tout petit peu à cette nécessaire réconciliation, la politique française et le projet européen n’auraient qu’à se féliciter de le voir siéger à Strasbourg.


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