Le choix bidon du référendum britannique

par Valéry
lundi 20 juin 2016

Jeudi 23 juin 2016, un référendum se tiendra au Royaume-Uni sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne. Présenté comme un grand moment de choix démocratique, ce vote n'en sera pas un tant les deux options proposées sont floues. Elles peuvent aussi s'avérer de facto équivalentes pour les Britanniques.

La première incongruité de ce référendum est que toutes les personnes concernées ne pourront pas voter. Les Britanniques expatriés depuis plus de quinze ans, y compris dans un autre pays européen, sont interdits de vote. De la même manière les centaines de milliers d’Européens qui résident au Royaume-Uni sont exclus du scrutin alors même qu’ils peuvent voter aux élections locales et européennes. Cette discrimination concerne ainsi 300 000 Français. Enfin les jeunes, entre 16 et 18 ans, qui avaient pourtant pu voter lors du référendum sur l’indépendance de l’Écosse, ne pourront participer à ce vote. En revanche peuvent voter les nationaux de l’Australie, du Canada, de l’Inde, du Pakistan et du Nigéria et de 54 États membres du Commonwealth.

La seconde incongruité est que ce référendum qui est présenté comme un grand moment de décision démocratique par les populistes ne représente en rien un vrai choix pour les Britanniques. Ses enjeux sont particulièrement flous.

Le principal problème n’est même pas que le public n’a pas été correctement informé sur ce qu’implique ou non véritablement l’appartenance à l’Union européenne. Le débat public tourne trop souvent en effet autour des hoaxes propagés par les campagnes de désinformation massive de la presse de caniveau et notamment des titres du magnat australo-américain Rupert Murdoch, depuis des décennies. Le problème vient que chacune des deux options présentées est particulièrement floue et qu’il est très possible que de facto elles reviennent au même.

Rester dans l’Union européenne peut sembler le terrain le mieux balisé. Pourtant l’accord extorqué par l’eurosceptique David Cameron aux chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne avec son chantage au Brexit remet en question la nature de la participation Britannique à l’Union. L’accord est supposé entrer en vigueur si le Royaume décide de demeurer au sein de l’Union. Sa portée réelle est inconnue puisqu’il ne comporte en soi aucune disposition contraignante : sa mise en œuvre implique soit des modifications des lois européennes, elles même soumises à un processus législatif où nos élus au Parlement européen ont leur mot à dire, ou des révisions de traités avec les incertitudes que le processus comporte. Au final le Royaume-Uni qui a déjà un pied dehors de l’Union européenne (il ne participe pas à de nombreuses politiques notamment la libre-circulation des personnes définies par Schengen ni à l’euro), pourrait s’en éloigner encore plus.

Quant au « Brexit », ses conséquences sont inconnues car elles sont fonction d’un processus de négociation prévu par l’article 50 du traité sur l’Union européenne introduit grâce au traité de Lisbonne mais jamais mis en œuvre. Celui-ci prévoit une négociation sur les modalités du retrait dans un délais de deux ans, lequel peut être prolongé. Le gouvernement britannique cherchera donc à continuer à bénéficier des avantages de l’appartenance à l’Union européenne tout en se libérant de ses obligations, les autres gouvernements pouvant être plus ou moins enclins à accepter.

Il est donc fort possible que concrètement le “Remain” ou le “Leave” reviennent à peu près au même pour les Britanniques.

Face à ce vrai-faux choix que représente le référendum sur le Brexit, il est plus que temps de proposer aux Européens, et aux Britanniques s’ils sont encore là, un vrai choix portant non pas sur le faux problème du “dans” ou “hors” d’une Union européenne faible et incohérente du fait de sa nature d’objet diplomatique non identifié, mais portant sur la nature de celle-ci et les politiques à mener ensemble.

Il devient à présent nécessaire de convoquer une nouvelle Convention sur l’avenir de l’Europe, avec la participation de parlementaires nationaux et européens, procédure prévue par les traités, ou mieux encore une véritable assemblée constituante européenne, pour que soit proposé une nouvelle constitution européenne, fédérale, pour les États membres de la zone euro qui le souhaitent, et qui prévoie un modus vivendi cohérent et clair avec les États qui préfèreraient rester en marge.

L’Union européenne d’aujourd’hui est un machin intergouvernemental basé sur des discussions de marchands de tapis héritées d’une culture diplomatique et non pas d’une culture démocratique. Il n’est guère surprenant qu’un tel mécanisme, un compromis bancal dont les promoteurs ne se préoccupent que de l’intérêt des gouvernements nationaux, n’apporte pas satisfaction et suscite la méfiance des Européens. Il est temps de rompre avec cette approche vouée à l’échec et qui nourrit les nationalismes. Nous avons besoin d’Europe mais pas de l’Europe des gouvernements actuelle, nous avons besoin d’une Europe des citoyens.


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