Le choix de la dernière chance

par Patrick Ferrante
samedi 6 juin 2009

La plupart des sondages en France et en Europe prévoient une large abstention lors des prochaines élections éuropéennes.

C’est un peu paradoxale, quand autant de Français se disent pro-européens, et avec une Europe ayant autant d’influence sur le quotidien et le futur des pays membres. Etrange ? Pas tant que ça.

Je pense que l’origine du problème est la totale perte de confiance en la classe politique nationale, et ce dans la plupart des pays membres. A cause de cela, les citoyens voient en l’Europe une “solution”, un possible recours pour palier à une classe politique nationale décevante. D’où l’europhilie.

Le problème c’est que le fonctionnement de l’Europe est assez “obscur” et les députés européens sont souvent méconnus et rarement assez charismatiques pour passionner les débats, pour polariser la société, pour faire ressentir un enjeux et donc motiver le “déplacement”. Ce qui est fort dommage pour la démocratie.

Pourtant, plus que jamais (au sens premier) ce vote est essentiel !

Le Monde traverse une crise financière, économique et bientôt sociale d’une gravité exceptionnelle, historique.

On essaye de faire croire que le pire est passé, derrière nous, que tout repart. Que ce n’était qu’un accident de parcourt. C’est faux. La crise est plus que jamais là et si les citoyens ne saisissent pas cette occasion, ce vote, pour reprendre leur destin en main, la situation va considérablement s’aggraver, pour nous et pour les générations à venir.

Pour résumer, cette crise est le résultat de l’idéologie néo-libérale et de la mondialisation : on a permis la libre circulation des capitaux, ouvert les marchés et réduit le rôle des Etats. Les délocalisations et la progression du chômage conséquentes ont permis de comprimer les salaires des pays riches (et maximiser la rétribution des actionnaires). Mais avec une croissance mondiale alimentée par la consommation des citoyens des pays riches, faute de progression salariale, cette croissance s’est développée par la dette. Ce modèle n’étant pas durable (on ne peut pas s’endetter éternellement), il s’est effondré dès que le maillon le plus faible de la chaine a lâché : l’endettement massif des pauvres ! La créativité financière (et la cupidité humaine) ont amplifié le tout.

Est-ce que cette crise était prévisible ? Bien sûr. Est ce que des économistes l’avaient prévue ? Oui, plusieurs. Et même pas mal de citoyens lambda tout simplement doués de bon sens. Mais apparemment pas la classe politique, et ce au niveau mondial. Pourquoi ?

Dans le meilleur des cas, parce qu’il est difficile de penser différemment du système dominant. Il faut une bonne dose de sens critique, d’ouverture d’esprit, et de courage pour aller contre courant : au mieux on est pas compris, au pire on est marginalisé.

Puis parce que d’énormes fortunes se sont bâties (ou développées) grâce à ce système. Et ces grands intérêts économiques ont fait tout leur possible pour aider les politiciens favorables au modèle, et pour marginaliser ceux qui s’y opposaient (par les médias dont ils disposent et par le financement politique).

Enfin, on dira avec pudeur, par “manque de loyauté” envers les valeurs et les idées officiellement défendues.

Les partis conservateurs (la droite libérale), ont soutenu ce modèle dès son origine : Reagan, Thatcher, et plus récemment Bush ou Sarkozy “l’américain” (comme il aimait se définir) en France.

Souvenez-vous quand il disait “L’Etat est trop endetté, les Français pas assez”. Quand pour justifier ses “réformes” il exaltait la réussite et la croissance des modèles anglosaxons : Etat “léger”, impôts “légers”, flexibilité du travail, etc.

Ce qui est marrant, c’est que une fois la crise éclatée aux US et en Angleterre, toute référence à ces “réussites” ont été oubliées, et la poursuite des “réformes” justifiée par la réussite (dans la mondialisation) de l’Allemagne, qui elle avait déjà mis en place les soit disant “reformes”.

Aujourd’hui, avec le PIB en chute libre du coté allemand, et la France qui s’en sort mieux ... le gouvernement a un peu de mal à trouver un nouveau exemple de pays “à suivre” pour justifier la poursuite des reformes.

D’ailleurs, il y a quelques jours, voir le gouvernement se vanter de sa politique comme étant à l’origine de la bonne résistance de la France face à la crise, était tout simplement grotesque.

Si la France résiste mieux que tant d’autres pays (en particulier anglosaxons) c’est avant tout parce que sa croissance est très liée à la consommation (contrairement à l’Allemagne). Et la consommation résiste en France grâce à un marché de l’emploi plus réglementé et stricte (c’est bien plus difficile et plus couteux licencier en France qu’ aux US), grâce aux millions de fonctionnaires qui, ayant un emploi sécurisé, continuent de consommer. Et grâce aux amortisseurs sociaux (droit au chômage, RMI, etc.) permettant même aux citoyens en condition précaire de consommer. En somme, la France résiste mieux grâce à toutes les spécificités françaises que le sarkozisme veut éliminer.

Donc, le problème est arrivé de la droite mais ce n’est pas de ce coté que l’ on peut espérer le salut.

Malheureusement, du coté gauche (ma famille politique, et le camp au sein du quel les attentes des sympathisants et des militants étaient les plus fortes) ce n’est pas spécialement plus glorieux. Les partis de centre gauche européens ont aussi adhéré et encouragé le modèle néolibérale. Et l’exemple donné par plusieurs leaders contemporains laissent (au bas mot) perplexes.

Que penser de Tony Blair (dont Sarkozy fit l’éloge-lapsus « Les socialistes européens peuvent être fiers de ce qu’a fait l’un des nôtres ») quand il rejoint le conseil d’administration de la banque américaine JP Morgan aussitôt quitte son poste de premier ministre .

Ou de Gerhard Schroeder qui accepte le poste de président du conseil d’administration d’une importante société germano-russe dont il vient de décider la création en tant que chancelier, juste avant de perdre les élections ?

Ou peut on être “athée bouffe-curé” ... et devenir pape ? Peut on être de gauche et devenir président de l’un des “moteurs” du néo-libéralisme et de la mondialisation, le FMI et l’OMC (StrausKan / Lamy) ? Personnellement j’en doute, mais chacun aura son opinion sur la question.

Et au delà des cas personnels (mais indiscutablement représentatifs d’une dérive), les partis de centre gauche européens ont toujours du mal à sortir du modèle néolibérale. Donc ce n’est pas non plus de ce coté qu’on peut attendre le salut.

Pourtant il est plus qu’urgent de sortir de ce modèle ! Car malgré la crise historique en cours, malgré le fait que ce soit clair que la précarisation des emplois, le tassement des salaires, le surendettement des ménages, les délocalisations, les déficits commerciaux et la spéculation financière soient à son origine ... le monde économique continue sur la lancée comme si rien ne s’était passé : la plupart des entreprises rentables (au mieux) gèlent les salaires, parfois les baissent, souvent mettent en place des plans de licenciement ! Plusieurs ont à l’étude des délocalisations pour diminuer les couts et mieux “rebondir”. Les spéculateurs sont à l’affut des bonnes affaires. Et le gouvernement continue “ses réformes” ! Sans compter que pour sortir de la crise, tous les gouvernements s’en remettent à la main invisible du marché par l’incantation (magie !) : “ça va repartir” ...

Plus grave : pour sauver les banques, mais surtout leurs actionnaires, les états se sont surendettés . Aujourd’hui on fait comprendre aux citoyens qu’il faudra payer la facture, et vue les sommes en jeux, il faudra surement “diminuer les dépenses des états” : la crise a empêché le gouvernement de démonter le système sociale à la française (malgré la propagande sur les avantages du modèle angloxason) ... la dette leur fournira une “solide” justification pour s’atteler au chantier !

Donc, si les citoyens ne se mobilisent pas aujourd’hui pour défendre le modèle français et les emplois, le futur sera sombre, pour nous et pour nos enfants.

Mais si on ne peut ni compter sur la droite, ni sur la gauche... comment faire ?

La solution “de la dernière chance” c’est d’obliger droite et centre-gauche à changer de cap, de projet et d’hommes ! Et d’obliger le monde économique à changer de modèle et de pratiques. Comment ? Par la peur !

Pas besoin d’une révolution. Il suffit de voter, massivement... le bon parti.

Idéalement une majorité de citoyens devrait voter Front de Gauche. Je précise que ce n’est pas mon parti, je connais mal leur programme, et que d’autres choix sont possibles. Mais voter Front de Gauche est le vote le plus efficace principalement pour les raisons suivantes :

A cause des trois premières raisons, une forte percée de ce mouvement fera craindre un vrai basculement à gauche de la classe politique française. Ce risque devrait être suffisant pour “raisonner” le monde économique, car une aggravation de la précarité faciliterait le mouvement.

Ce résultat devrait aussi avoir un impact direct sur la politique gouvernementale : si Sarkozy tient tant à ses “reformes”, les députes UMP tiennent encore plus à leurs sièges .

Enfin, une victoire nette de cette formation obligerait le PS à se remettre en question et à renouveler le partit(il serait temps !)

Le Front de Gauche est décidément le choix le plus efficace. Mais si voter pour cette formation est vraiment au dessus de vos forces, je pense que deux autres mouvements peuvent constituer un choix utile, efficace.

Premièrement Bayrou. Je pense que c’est aussi une personne intègre. C’est un vrai républicain. Il a indiscutablement du courage. Il est entouré par des personnalités brillantes (ex. Corinne Lepage, Jean-François Khan) et son parti a été déserté par tous les candidats plus intéressés “aux postes” qu’aux valeurs. Je pense que son parti incarne aussi un renouveau qui se bat contre le modèle néolibéral.

Enfin, je pense que Nicolas Dupont-Aignan, à mes yeux le dernier représentant du mouvement gaulliste (avec sa formation politique “Debout la République”) est aussi un bon choix possible.

Trois votes possibles, trois votes très différents, mais trois votes anti-système par lesquels les citoyens en France peuvent forcer le changement !

C’est le vote de “la dernière chance” parce que les prochaines élections sont loin (2012), très loin... car nous vivons une période dans laquelle tout peut changer ou basculer d’un mois à l’autre.

Ne gâchez pas votre vote : c’est un grand pouvoir, le seul vrai pouvoir qu’a le citoyen en démocratie pour choisir la société dans laquelle il souhaite vivre. Et depuis trop longtemps ce pouvoir, cette responsabilité ont été oubliés, sous-estimés, gaspillés. Et nous en payons aujourd’hui les conséquences.

Le 7 juin prenez votre destin en main ! Allez voter, et motivez autant de personnes que possible à en faire autant !


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