Le clip des européennes 2009 : Nicolas Sarkozy, c’était De Gaulle !

par Ramila Parks
jeudi 21 mai 2009

Thierry Saussez, le responsable de la communication gouvernementale, a réalisé un clip en vue de mener une « campagne d’information et de mobilisation civique, co-signée par la Commission européenne et le Parlement européen » qui est diffusé sur les chaînes télévisées depuis le 9 mai et jusqu’au 7 juin, jour des élections européennes. Ce film de 46 secondes relatant l’historique de la construction européenne, censé lutter contre l’abstentionnisme des électeurs, a suscité l’émoi, l’effroi et une lettre de protestation, signée PS, envoyée le 18 mai, un peu tard, au CSA, afin de tenter l’interdiction de la diffusion de ces images jugées partisanes. Le CSA vient de débouter le Parti Socialiste de sa plainte, estimant par la voix de son président, Michel Boyon, que «  le message diffusé n’est pas une incitation à voter en faveur de certains candidats et qu’il ne constitue pas une émission publicitaire à caractère politique au sens de l’article 14 de la loi du 30 septembre 1986 »

Benoit Hamon, le porte-parole du PS et 3éme candidat pour les européennes en IDF, ne décolère pas depuis qu’il a appris, ce mercredi, la décision du CSA. Considérant qu’ "il ne s’agit ni plus ni moins d’un clip UMP, une vidéo qui ne comporte aucune image du Parlement européen et se termine par des images du G20 et de Nicolas Sarkozy sans aucun rapport avec l’élection même,(...) un mélange des genres scandaleux avec une grande similitude entre les images de ce clip et l’utilisation de l’image du président de la République dans la campagne UMP(...). Additionné au fait que dans sa campagne, l’UMP ne distingue pas l’action du gouvernement avec les déplacements des ministres candidats ou encore les meetings du président (...) ce spot enfreint les règles d’impartialité attendues de l’Etat dans sa tâche de mobilisation civique (...) le CSA a eu peur du coup de tonnerre qu’aurait provoqué la suspension du clip gouvernemental (...) l’audace qui consiste à remettre en cause" le spot du gouvernement "le CSA et ses sages ne l’ont pas eu (...) Il est des montagnes qui font peur au CSA (...) trop c’est trop "
 
 Ces propos jugés excessifs par l’UMP ont provoqués la riposte de son porte-parole, Frédéric Lefèbvre et celle de son adjoint, Dominique Paillé montés au créneau pour défendre l’éthique du Président : "Le combat commun mené par la droite et par la gauche pour l’Europe depuis des décennies fait partie du patrimoine commun des Français (...) C’est un mauvais procès (...)Le président de la République est le président de tout les Français, il a mené une action remarquable à la tête de l’Europe (...) Il est logique que dans un clip qui veut inciter les Français à aller voter, on retrace cette histoire française que les Français j’espère n’ont pas oublié"
 
Bon alors... to much or not to much le clip ?
 
Les 1000 diffusions de 46 secondes, prévues entre le 9 mai et le 7 juin, à 66, 666 euros la seconde, soit 3 millions d’euros au frais du contribuable pour un clip, c’est en soi contestable quand on sait que l’un des premiers rôles dans le film est tenu par le même qui annonça, récemment, que son pays était entré officiellement en récession. Pour fêter l’événement, il va même inviter Johnny ! Coût total de la facture : 4 millions d’euros. Ca fait cher la campagne...Mais si c’est pour inciter les Français à voter intelligemment le 7 juin, du point de vue de certains observateurs, c’est réussi...Et puis, on y voit du beau monde dans ce spot. Du lumineux même, voire, carrément, du subliminal. Dans l’ordre d’apparition, la liste non exhaustive des figurants les plus prestigieux : Robert Schuman, Charles de Gaulle , Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand, Jacques Delors, Jacques Chirac... and last but not yet least, Nicolas Sarkozy.
 
Si la plupart de ces grands hommes qui précèdent Sarkozy ont joués un rôle capital dans la construction européenne, il n’en reste pas moins vrai que cette petite narration de leurs contributions respectives, en forme de diaporama aux airs d’antan, a forcément un goût de passé. Cette première partie, contrastant d’ailleurs très brutalement avec le rythme frénétique et plus coloré de la seconde partie, ne laisse aucun doute sur le changement du même ordre, qui s’est opéré dans la communication gouvernementale, depuis l’avènement de Sarkozy à la tête de la République.
 
Les animations de synthèse aux allures de notre temps qui font la suite du clip, nous conduisent alors, comme sur des rails, de Paris à Bruxelles, en passant par Strasbourg, dans un train à grande vitesse, vers le XXI éme siècle, vers l’Europe d’aujourd’hui, celle de la présidence française à l’UE, celle du G20. Lorsque le téléspectateur, de retour du futur, contemple enfin l’oeuvre de la modernité, il peut reconnaître Sarkozy et son clan en pleine mission, comme les maîtres d’oeuvre de la rupture et du renouveau et déjà immortalisés auprès des Grands Hommes de la place...Un rêve de jeunesse, si tôt accompli, de celui qui ne regarde pas derrière lui mais droit devant, un exemple à suivre...
 
Et d’ailleurs, à qui s’adresse ce message visiblement tourné vers l’avenir, la technologie, laissant au passé, l’ancien, le vieux tout en revendiquant son prestige et son expérience ?
A qui s’adresse cette ode de l’innovation, de l’échange, de l’entreprise et des grands sommets ?
Manifestement, à tous ces visages mosaïques si jeunes et si sympathiques qui défilent ensuite à toute vitesse, permettant ainsi à n’importe quel jeune primo ou hésitant-votant d’aujourd’hui de s’identifier d’une manière fugace mais efficace. Une page est tournée, c’est évident, on est passé du noir à la couleur, du fixe au mobile, du lent à la vitesse, du vieillot à l’innovant, du Traité de Rome au G20, !
 
D’ailleurs le message final, la conclusion laissée à cette jeune électrice lambda qui a tout compris du message de ce clip, n’est-il pas dans son intention de vote à peine voilée ? Son message et à travers elle, n’est-il pas de faire dire que la jeunesse désire elle aussi, le
" changement et la continuité " à toute vitesse et parce-qu’elle le vaut bien ?
 
" Une nouvelle page s’ouvre, à nous d’écrire la suite ! Votons ! " Déclame comme injonction finale, cette demoiselle si jeune, si sûre d’elle et si optimiste. 
 
Le 7 juin continuons donc, et votons. En rime et en choeur pour celui qui ramène si brutalement, c’est vrai, à la réalité de l’Europe d’aujourd’hui au-dessus de toute Nation.
 
Sources : Rue89 -Mediapart- AFP- Nouvelobs
 
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Lettre du PS au CSA Parti Socialiste 10 rue de Solférino 75333 Paris Cedex 07 Tél : 01 45 56 77 26 Fax : 01 45 56 78 74 www.parti-socialiste.fr à Monsieur Michel BOYON, Président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel Tour Mirabeau 39/43, quai André Citroën 75 739 Paris cedex16
Lundi 18 mai 2009,
 
Monsieur le Président,
 
Nous avons l’honneur de vous saisir en urgence de la question de la diffusion du spot télévisé gouvernemental à propos des élections européennes du 7 juin prochain. L’objet de ce spot, en théorie civique, est d’appeler les électeurs aux urnes pour ce scrutin. Après avoir visionné le spot du gouvernement, plusieurs remarques s’imposent : - Le parti pris du gouvernement est de valoriser la contribution des chefs d’Etat français dans la construction européenne pour justifier l’utilisation de l’image du président de la République Nicolas Sarkozy, alors que l’objet du vote du 7 juin est l’élection du futur Parlement européen. A l’exception de l’image furtive de Madame Veil, alors présidente du Parlement européen, le spot ne laisse figurer strictement aucune référence à l’activité des députés européens. La construction de ce clip n’a d’autre fonction que de légitimer l’apparition de Nicolas Sarkozy, président de la République. - Le spot se conclut par deux messages mettant en valeur le G20 et la Présidence française de l’Union européenne. Outre le parti pris discutable qui consiste à hisser ces deux événements au même rang que les étapes majeures de la construction européenne (réconciliation francoallemande, CECA, Euro, succès industriel mondial d’EADS), ces deux questions constituent l’armature du discours électoral européen de l’UMP. Il ne s’agit à nos yeux, ni plus ni moins, que de la reprise de deux arguments des listes défendues par le président de la République comme motif pour aller voter le 7 juin, dans une publicité tout juste déguisée. En conséquence, nous considérons que ce spot enfreint les règles d’impartialité attendues de l’Etat dans sa tâche de mobilisation civique. C’est pourquoi, par la présente, nous demandons au Conseil supérieur de l’audiovisuel de prendre position d’une part sur le caractère partisan du message de ce spot, et d’autre part en faveur de la suspension immédiate de sa diffusion. Veuillez recevoir, monsieur le Président, l’expression de nos salutations respectueuses. Benoît HAMON Jean-Christophe CAMBADELIS Porte-parole Directeur de Campagne
 
 

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