Le compromis de l’Eurogroupe est-il une compromission pour Syriza ?

par Laurent Herblay
lundi 23 février 2015

Finalement, les semaines de tension ont abouti à un accord rapide puisqu’il n’a fallu que quelques heures aux ministres des finances de la zone euro pour trouver un accord, sans même prolonger les négociations tard dans la nuit. Quel est le sens de cet énième accord européen ?

La zone euro se donne quatre mois
 
La première chose qui frappe dans l’accord obtenu vendredi, c’est finalement que les européens ont surtout choisi de ne pas totalement choisir puisqu’en réalité, cet accord ne règle la situation que pour quatre mois et que les échéances de cet été imposeront un nouvel accord… et donc de nouvelles négociations. Comme le résume Romaric Godin, « la Grèce a obtenu un financement pour les 4 mois à venir. Elle pourra constituer son propre programme de réformes, mais la surveillance reste étroite  ». Dans le détail, « le gouvernement grec va demander une extension de quatre mois du programme de financement issu de l’accord de 2012  ». Mais deux échéances de 6,7 milliards d’euros, dues à la BCE en juillet et en août, imposeront une nouvelle négociation. Les palabres vont continuer pendant quatre mois…
 
L’extension est fondée sur « la base des conditions de l’accord actuel  », même si une certaine flexibilité est laissée à Athènes, qui devra présenter un nouveau plan de réformes dès lundi à ses créanciers. Il semble que la contrainte soit adoucie, d’autant plus que l’objectif d’excédent primaire (à 3% du PIB en 2015) sera « réévalué  » en fonction des « circonstances économiques  ». En revanche, l’objectif pour 2016 (4,5%) serait inchangé. La question qui se pose maintenant est le maintien des premières mesures votées, notamment le relèvement du salaire minimum et les embauches de fonctionnaires. Point positif pour la Grèce, c’est son gouvernement qui propose désormais les mesures et non la troïka.
 
Athènes a eu plus peur que Berlin et Bruxelles

Bien sûr, il est encore tôt pour juger. Il faut attendre le programme de mesures qui sera présenté lundi, et surtout l’accord qui sera trouvé sur ce nouveau plan. Puis, il faudra attendre l’accord qui devra être trouvé fin juin pour les échéances de l’été. Bref, on ne peut juger qu’une étape intermédiaire de la négociation. Néanmoins, l’impression qui domine est que c’est la Grèce qui a le plus cédé et que le gouvernement grec prend des libertés, si ce n’est avec la lettre, au moins avec l’esprit de sa campagne. Comme le note Romaric Godin : « Alexis Tsipras n’a pas encore perdu. Mais sa position est clairement difficile (…) le camp de Wolfang Schaüble semble avoir remporté une bataille  ».

Certes, la camisole de la troïka est un peu moins serrée et redonne une lattitude d’action à la Grèce, mais pas de beaucoup et surtout, les créanciers conservent un droit de regard important, même s’il n’est plus qu’a posteriori. Mais surtout, la renégociation de la dette semble être passée aux oubliettes et Athènes n’a pas repris sa pleine souveraineté, loin de là. Ensuite, les négociations des prochains mois se présentent assez mal pour Syriza, qui n’est pas en position de force après avoir tant cédé moins d’un mois après sa victoire. Parce que Tsipras ne semble pas vouloir se donner un plan B au maintien dans l’euro, son programme peut apparaître comme un bluff pour les austéritaires.

Si Syriza venait à trop céder sur la fin de l’austérité et la question de la souveraineté grecque, comme cela semble en prendre le chemin, alors ce serait une terrible déconvenue, même si, dans le lot, le peuple grec gagne quelques améliorations de sa situation. Espérons qu’il s’agisse d’une mauvaise impression.


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