Le défi de l’avenir ? Ce n’est pas le clivage droite/gauche mais progressistes/nostalgiques

par Francesco Piccinini
mercredi 19 avril 2017

Quiconque affirme que les idéologies sont mortes, est mal renseigné ou de mauvaise foi. Les idéologies, en tant qu'ensemble de valeurs qui orientent un groupe social établi, n'ont pas disparu. Ont fait leur temps les idéologies des années 1900, les blocs massifs qui ont dominé la scène du siècle écoulé ; celui qui s'y accroche manque de vision, pèche de paresse ou - pire encore - est mû par des intérêts personnels.

Appliquer le regard du siècle dernier à l'époque contemporaine est une erreur majeure qu'on ne peut plus se permettre de commettre. On ne peut plus se permettre d'utiliser les paradigmes d'une époque révolue et les appliquer à la nôtre ; et non, il ne suffit pas de prendre un concept des années 1900 et lui coller un préfixe "post" pour le rendre actuel.

On s'est trompé en croyant à la fin de l'Histoire, à la mort des grandes narrations. Non, l'Histoire n'est pas morte, pas plus que les grandes narrations : elles ont tout simplement muté. Il en va de même pour les idéologies, plus encore pour les idées. On a voulu croire que la mort du contenant entrainerait la mort du contenu, on a confondu le medium avec le message, oubliant que leur essence même dépend d'une relation osmotique.

Et c'est exactement dans cette relation osmotique entre signifiant et signification que la droite a su mieux, et plus vite, se réinventer. Elle a su tirer profit de l'émotivité des réseaux sociaux en chevauchant la vague de la nostalgie, cette nostalgie qui nous pousse à partager sur nos profils virtuels les photos du passé et les chansons de notre adolescence. Cette nostalgie qui est à la base des populismes et de leurs slogans : "Make America great again" ou encore "Remettre la France en ordre". Concepts qui se tournent vers un passé idéalisé et glorieux vers lequel revenir, au lieu de se pencher vers un futur à construire.

Inerte, la gauche a complétement abandonné la recherche d'un nouveau rêve. Le printemps rouge ne s'étant pas produit, il n'y a pas eu nécessité d'imaginer et bâtir un nouvel idéal. Afin de le trouver, la gauche a tout intérêt à abandonner le rétroviseur nostalgique. Le Pantheon, l'Histoire, en tant qu'éléments identitaires, doivent être désormais envisagés en devenir plutôt que tels des monolithes intouchables. C'est pour cette raison que la gauche se doit d'abandonner le terrain de la droite - pour mieux dire, le conservatisme - et descendre dans l'arène du progrès ; progrès vu en tant qu'outil pour venir en aide aux plus faibles, aux laissés-pour-compte de la société. La gauche - pour mieux dire, le bloc censé être progressiste - ne peut pas se permettre d'avoir peur du changement, ne peut pas s'opposer aux transformations sur la base d'un quelconque conservatisme, car ainsi faisant elle franchirait les frontières qui la séparent de la droite.

Si la gauche s'aventure dans ces contrées, les électeurs, entre la copie et l'original, choisiront toujours l'original. Si les forces progressistes aspirent à retrouver leur statut d'acteur culturel avant que politique, elles se doivent de remettre en question l'approche adoptée jusqu'à présent afin d'affronter les défis du XXIème siècle. La troisième voie, les politiques giddensiennes, ne sont plus d'actualité car le contexte historique a changé et, surtout, elles n'arrivent pas à souder l'approche sociologique, économique et prophétique. Approche qui fut le jalon de la gauche des années 1900. 

Les nouvelles forces progressistes doivent embrasser le progrès en tant qu'outil d'émancipation de l'homme. Les nouvelles forces progressistes doivent remettre au centre de leur agenda une culture vectrice d'émancipation. Mais la culture vit et se propage seulement quand elle est en relation au medium. Point d'émancipation par le biais du paternalisme. Point d'émancipation qui vient d'en haut. Le progrès, c'est le medium. Il incombe à la gauche du futur d'en écrire le contenu.


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